Aésio Santé : La Cité des Aînés, un laboratoire sur le grand âge

REPORTAGE – La cité des Aînés d’Aésio est un lieu de vie qui accueille des personnes âgées à de différents stades de dépendance. Le lieu se veut un laboratoire qui teste des innovations pour construire la prise en charge de la perte d’autonomie de demain.

La Cité des aînés a ouvert ses portes en septembre 2019 à Saint-Etienne. Et depuis, Aésio Santé a répliqué le concept à Montpellier et Valence. Trois nouveaux projets d’ouverture sont programmés en Ardèche, dans la Drôme et dans le Puy-de-Dôme.

A Saint-Etienne, la cité réunit dans un même lieu un Ehpad avec 159 lits, une résidence autonomie avec 35 appartements et 12 logements adaptés. Dans le hall d’entrée, nulle trace visuelle de vétusté ni d’odeur acre de renfermé. Un énorme ficus accueille le visiteur. L'allée spacieuse qui s’ouvre devant nous s'appelle « Rue de la Mutualité » selon un panneau. Une volée d’hirondelles en origami survole nos têtes, sous un énorme puits de lumière.

De part et d’autre du passage, il y a un salon de coiffure, un espace prévention qui propose de la gym douce et de l'art-thérapie, un institut bien-être, un espace de téléconsultation, un espace culturel, une conciergerie et un espace de coworking. Ce dernier devrait ouvrir ses portes au cours du premier trimestre 2022 pour accueillir des étudiants en santé. Dehors, une aire de jeux pour enfants côtoie un terrain de pétanque.

Un lieu ouvert sur la ville

Les services à la disposition des aînés sont également ouverts à la ville et peuvent accueillir les habitants du quartier.  "Il n'est pas rare de voir des collégiens emprunter l'allée, qui est un raccourci pour traverser le pâté de maisons. L'idée était de décloisonner le milieu ordinaire et médical", signale Claude Montuy-Coquard, directrice de la filière médico-sociale chez Aésio santé.

L’endroit le plus apprécié des résidents est la grande brasserie qui peut servir jusqu’à 60 couverts, avec son énorme baie vitrée qui permet de voir le chef devant ses fourneaux. Familles et résidents s’y retrouvent pour partager un repas et peuvent y croiser des habitants du quartier ou les salariés d’Aésio dont les bureaux sont à deux pas.

Des synergies à tous les étages

Réunir dans un même lieu une résidence autonomie, un Ehpad et des logements adaptés  permet de créer des passerelles. Par exemple, lorsque les personnes de la résidence autonomie avancent dans la dépendance, elles sont prioritaires pour obtenir une place en Ehpad.

Pour les couples, lorsque l'un est atteint de dépendance lourde et doit être accueilli en Ehpad, l'autre peut s'installer dans la résidence autonomie pour être à ses côtés. Par ailleurs, pendant le nuit, les soignants de l'Ehpad peuvent se déplacer en cas de besoin dans la résidence autonomie. Concernant le tarif, une place en résidence autonomie coûte entre 1.200 et 1.500 euros par mois, repas inclus.

Place à l'innovation

La cité des aînés souhaite accueillir des programmes de recherche afin de construire la prise en charge de demain. Aésio Santé a prévu d'investir 2,5 millions d'euros sur des programmes de recherche. L’objectif de ces programmes est de favoriser le bien-être physique, mental et social des usagers comme des professionnels de santé.

Parmi les projets innovants les plus anciens, figure le robot Paro, un phoque en peluche qui fait office de mascotte ou d’animal de compagnie et que les résidents peuvent caresser à toute heure. Paro a montré son efficacité sur trois dimensions. Il permet de faciliter la communication des résidents avec leur famille. Il permet aux professionnels de santé d’aider à la gestion de la douleur, car l’animal détourne l’attention du patient lors d’un acte médical douloureux, comme un changement de pansement, par exemple. Enfin, Paro permet de canaliser l'anxiété.

Dans l’Ehpad, une autre expérimentation en cours vise à permettre aux résidents atteints de maladies cognitives et habituellement enfermés dans une unité de vie protégée de pouvoir déambuler partout dans la cité, munis d’un dispositif de géolocalisation.

Lit de troisième génération

Aésio Santé a également développé avec l'École des Mines de Saint-Etienne un lit médicalisé, conçu en co-construction avec les patients et les professionnels de santé. Il contient des enceintes intégrées en tête de lit afin d’améliorer la qualité du son de la télévision. A la demande des usagers, il a également un mécanisme pour éviter que l'oreiller tombe lorsque le résident relève son lit. La troisième génération de lit a été équipée de capteurs de sommeil. "Notre système d'appel malade doit évoluer et intégrer le comportement de la personne. Si la personne est absente de son lit pendant plus de 15 minutes, on va déclencher un système d'appel automatique", explique Umu Kofalak Celen, directrice de la Cité des Aînés de Saint Étienne.

Autre projet innovant, le robot Pepper devrait débarquer à la Cité des Aînés au premier trimestre 2022. Après avoir intégré la cartographie du site, il sera en mesure d'aller voir les résidents dans leur chambre, pour leur proposer une visioconférence avec leurs proches, programmée à l'avance. Ou bien de leur rappeler : "Voulez-vous aller au 2ème étage ? Il y a la chorale !", comme le fait aujourd'hui de vive voix une aide-soignante que nous croisons dans les couloirs.

L'innovation organisationnelle

« Par exemple, nous tentons de mettre en place des organisations plus souples, afin de d'introduire plus d'autogestion. L'idée est de permettre aux auxiliaires de vie qui travaillent dans les domiciles de disposer de plus d’autonomie dans leur organisation. Les syndicats sont plutôt réfractaires mais si nous voulons améliorer l'attractivité de certains métiers, nous devons introduire plus de souplesse dans le contrat de travail. Cela évite d'ajouter des coûts pour garde d'enfant à des salariés avec des revenus modestes », indique Rémi Bouvier.

Le directeur général d'Aésio Santé souhaite également créer un CFA pour former aux métiers du grand âge. A destination des salariés, Aésio Santé a par ailleurs conçu le projet "Savoir Plus" afin de leur proposer de revoir les savoirs de base en lecture, écriture et mathématiques.

La genèse du projet

« La Cité des Aînés que vous avez devant vous est née d’une erreur. Après des mois de conception, nous nous sommes rendus compte que le projet que nous envisagions de faire n’était pas très innovant dans la prise en charge. Nous avons donc rejeté tous les plans, recommencé de zéro et abouti à un projet qui met la qualité de vie des patients au cœur des préoccupations. Nous devons également nous préparer à la médicalisation progressive de nos espaces, signale Rémi Bouvier, directeur général d’Aésio Santé. La crise Covid a prouvé la pertinence du modèle d’Ehpad hors les murs. Les gens ne viennent plus en Ehpad avec un GIR 3, 4 ou 5 (dépendance partielle). Nous devons donc concevoir les Ehpad comme des établissements gériatriques de proximité, ouverts sur le bassin de vie, avec des lits de repli ».

Aésio Santé a également lancé un programme expérimental d’Ehpad hors les murs baptisé Daphné, actuellement en test dans 5 départements. Cette plateforme de services autour du domicile apporte des solutions de bien-être, conciergerie, SSIAD (services de soins infirmiers à domicile), services à domicile (SAD), portage des repas, livraison de médicaments, pôle social, pôle culturel, en contractualisant avec les services de la ville au niveau local et en lien avec un Ehpad. « Nous nous rendons compte que le domicile ne sera pas forcément le logement historique de la personne car il n’est pas adapté. Il faudra vraisemblablement accueillir les personnes âgées dans des logements senior, avec le label soft and cosy, avec une cage d’escalier transformée en local afin de pouvoir réaliser les soins. Le coût de cet accompagnement ne peut pas dépasser 1.500 euros par mois, loyer compris, ce qui correspond aux anciens foyers logement », commente Rémi Bouvier.