Agents généraux : Le financement du régime de retraite en péril
Remise en question par la FFA, la contribution des compagnies au financement du régime de retraite complémentaire des agents généraux pourrait disparaître. Les négociations en cours avec Agéa sont serrées.
Les compagnies d’assurance vont-elles continuer à financer une partie du régime de retraite complémentaire de leurs agents généraux, comme elles le font depuis 1952 ? Rien n’est moins sûr. L’accord signé entre la FFA et Agéa arrive à son terme en fin d’année 2021 et des négociations serrées sont en cours entre les deux fédérations.
Comme révélé par nos confrères de La Lettre de l’Assurance en avril dernier, la Fédération française de l’assurance « a souhaité questionner le principe et le montant de la contribution des compagnies », comme l'explique Agéa dans un mail envoyé il y peu à l’ensemble de ses membres. « Dans l’hypothèse d’une remise en cause fondamentale, notre régime serait bien évidemment mis en difficulté. En effet, il présente un équilibre précaire du fait de sa démographie, de son déficit structurel et de l’érosion programmée de ses réserves », poursuit la fédération nationale des syndicats d’agents dans son message, accompagné d’un graphique explicatif (voir ci-dessous).
« La remise en cause de la participation historique des compagnies au régime complémentaire des agents généraux nous est tombée dessus de façon imprévue. Je n’arrive pas à comprendre ce qui anime les mandantes, dont je rappelle qu’elles sont à l’origine de la construction de ce régime », explique à News Assurances Pro, Patrick Evrard, le président d’Agéa.
De son côté, la FFA considère que le régime n’est pas en risque. « Les hypothèses de modélisation de l’évolution du régime nous paraissent trop prudentes et celles de l’évolution de l’assiette de cotisation trop stables », confie une source à la fédération. « Surtout, la perspective d’une réforme des retraites devrait pousser Agéa à trouver des solutions alternatives. Les compagnies ne peuvent pas être une variable d’ajustement de ce régime public ».
Quid de l’après 2023 ?
Le taux de cotisation à ce régime complémentaire est fixé à 8,16%, dont 5,16% est réglé par l’agent général et 3% par sa compagnie mandante. Sur les quelques 90M d’euros que verse l’ensemble des 14 compagnies à réseau du marché chaque année au régime, Axa France participe par exemple à hauteur de 30M d’euros quand Allianz France en verse plus de 20M.
« Même si les compagnies aident les agents depuis l’entrée en vigueur du dispositif, elles ne sont pas partie prenante des décisions concernant ce régime par répartition. Pourquoi devrions-nous continuer à aider tous les ans un système dans lequel nous ne sommes pas décisionnaires ? Nous ne sommes pas les partenaires sociaux des agents qui, je le rappelle, sont indépendants », argue le représentant d’une compagnie sous couvert d’anonymat. « Nous souhaitons pouvoir sortir progressivement de ce système en débattant par exemple des possibles hypothèses autour d’un régime Madelin par capitalisation », ajoute ce dernier.
Selon nos informations, les compagnies auraient ainsi proposé à Agéa un « désengagement progressif » avec une contribution qui passerait de 3 à 2% en 2022, puis 1% en 2023. « Nous sommes sur une trajectoire de discussion sur les deux prochaines années, jusqu’à ce que la Cavamac rediscute les modalités de son régime devant la DSS (Direction de la sécurité sociale) », poursuit notre source à la fédération des assureurs.
Hausse des cotisations de 58%
Selon Agéa, la sortie des assureurs du régime entraînerait soit une baisse en moyenne des pensions de 33%, soit une hausse des cotisations de 58% pour les agents, sachant que ces derniers cotisent sur le montant de leurs commissions et non de leurs revenus.
« Je me refuse à l’accepter, tout comme je refuse d’envisager une diminution les droits à la retraite, indique de son côté Patrick Evrard. Aujourd’hui la FFA est incapable de nous dire clairement si elle accepte, au-delà de 2023, le principe d’une contribution. Cette position est impensable venant d’assureurs spécialistes des systèmes de retraites à long terme. Cette épée de Damoclès qui plane au-dessus de nos têtes n’est pas acceptable et je suis immensément déçu de la position des compagnies dans cette affaire ».
Réactions partagées
Au sein de la FFA, cette remise en question ne fait pas non plus l’unanimité parmi ses membres. « Allianz France et Generali France mettent la pression au sein de la commission distribution à qui la FFA a donné mandat sur ce sujet. De son côté, Axa ne semble pas très à l’aise avec la situation et les autres mandantes sont attentistes et naviguent à vue. La situation est très délicate », fait valoir le patron d’une compagnie à réseau sous couvert d’anonymat.
Interrogé sur le sujet dans nos colonnes il y a quelques jours, Sylvain Mortera, directeur général d’Aréas Assurances, indiquait pour sa part qu’ « en tant que membre de la FFA, je suis solidaire de la position de la fédération. Toutefois, compte-tenu de la période complexe que traversent nos agents, il est important qu’ils gardent le moral. Ainsi, Aréas Assurances n’est pas dans une logique de déplacement du curseur visant à impacter les agents au bénéfice de ses fonds propres ».
De son côté, Thierry Suin, Président Réussir, le syndicat des AGA Axa France, explique qu’ « au-delà du fonctionnement même de leur régime de retraite, les agents généraux ont été largement sollicités ces derniers mois et ils ont fait face durant la crise en défendant l’image et les intérêts de leurs mandantes. Il me parait donc tout à fait injuste qu’en retour les compagnies remettent en cause leur régime de retraite, d’une part pour les agents actifs, mais surtout pour les seniors et les agents retraités qui ont travaillé dur ces trente dernières années. Cette décision et le timing dans lequel elle s’inscrit me semblent donc parfaitement injustifiés ».
Même son de cloche chez Agéa qui défend les actions des agents pendant la crise, malgré certaines décisions controversées des compagnies sur les pertes d’exploitation ou les avenants. « Les remercier en remettant en cause leur régime de retraite est indigne et témoigne d’une forte ingratitude. Nous avons le sentiment d’avoir été trahis », lance Patrick Evrard.
La fin du régime ?
Reste que la participation des compagnies, régie depuis 2000 par des accords successifs d’une durées de trois ans, est désormais discutée tous les ans depuis 2017. « Le dernier accord établi entre les deux fédérations a une date de fin : le 31 décembre 2021. Si nous ne trouvons pas de nouvel accord avant cette échéance, la contribution des mandantes peut s’arrêter net. Ce n’est ni dans l’intérêt des agents ni dans celui d’Agéa », indique-t-on du côté de la fédération.
« Dans l’attente d’une position claire des compagnies, nous allons voir comment réagit le gouvernement. Ce régime étant public, nous avons déjà alerté le ministère de la Santé et Bercy (nos deux ministères de tutelle) à qui nous avons demandé d’agir. Dans les prochains jours, nous serons également dans l’action. J’ai convoqué le 19 mai prochain le conseil fédéral de la fédération pour réfléchir à des mesures obligeant les compagnies à changer de position. Je vais également réécrire aux agents pour leur faire part de notre détermination », explique de son côté le patron d’Agéa.
Si chaque camp a fait valoir un climat de discussion apaisé lors de la dernière réunion vendredi 7 mai, la prochaine rencontre entre Agéa et la FFA qui aura lieu début juin pourrait se tendre davantage.
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