Alain Griset : "J'appelle les assureurs à la modération tarifaire"
INTERVIEW – Alain Griset, ministre délégué aux Petites et Moyennes Entreprises, a présenté son plan pour les indépendants en conseil des ministres ce mercredi. Il en détaille les grandes lignes et adresse quelques messages aux assureurs.
Comment les indépendants ont-ils traversé la crise sanitaire ?
Depuis le début de la crise sanitaire, le gouvernement a été aux côtés des indépendants. Nous avons mis en place toute une série de mesures et de dispositifs comme le Fonds de solidarité, des actions sur les cotisations sociales ou encore les prêts garantis par l'Etat. Cela a permis de maintenir le tissu économique français avec 30 à 40% de défaillances en moins. Nous nous retrouvons même face à un paradoxe. La croissance repart fort mais nous faisons face à une pénurie de main d'oeuvre dans certains secteurs.
Pourquoi ce plan découpé en 20 mesures ?
La France compte 3 millions d'indépendants qu'ils soient commerçants, artisans ou libéraux. Malgré leur poids dans notre économie, ils évoluaient dans un cadre fiscal totalement inadapté à leur taille. Quand je suis arrivé au ministère délégué aux Petites et Moyennes Entreprises, j'ai tout de suite lancé les consultations pour refondre ce cadre de la création à la cession de l'entreprises
L'une des 20 mesures de votre plan est de faciliter la cession avec un avantage fiscal ouvert jusqu'à fin décembre 2023. Quels en sont les contours ?
Elle s'articule autour de deux axes. En premier lieu, cette mesure concerne les cédants. Nous augmentons le plafond d'exonération des plus-values réalisées sur les cessions. Cette exonération est totale lorsque les actifs cédés sont inférieurs à 500.000 euros (c'était 300.000 euros auparavant, ndlr). Elle est partielle en dessous de 1M d'euros. L'autre pilier de cette mesure touche les repreneurs. Entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2023, ils pourront déduire de leur résultat imposable l'amortissement relatif à l'achat d'un fonds de commerce. Ces deux mesures sont inscrites dans le projet de loi de finances pour 2022.
Pourquoi l'avoir cantonnée dans le temps ?
C'est une pratique courante et nécessaire pour mesurer l'intérêt d'une mesure fiscale. Mais je n'ai aucun doute sur le fait qu'elle sera pérénnisée.
Une autre mesure phare de votre plan concerne l'assurance volontaire. A peine 45.000 indépendants l'ont souscrite. Que préconisez-vous pour améliorer la couverture ?
Tout d'abord, il faut bien comprendre que les indépendants n'ont pas tous intégré le risque réel d'accident du travail ou de maladie professionnelle. Cela explique, en partie, ce désintérêt pour l'assurance volontaire. A cela s'ajoute le fait qu'ils ne souhaitent pas payer une cotisation supplémentaire pour se protéger. C'est pourquoi nous avons utilisé le levier tarifaire pour rendre le dispositif plus attractif en baissant de 30% la cotisation volontaire.
Quel objectif de souscription visez-vous ?
Nous n'avons pas d'objectif sur ce point précis. Mais on pourrait rapidement multiplier par 10 le nombre d'indépendants couverts par une assurance volontaire.
Les indépendants restent peu couverts en prévoyance complémentaire. Avez-vous songé à la mise en œuvre d'une assurance obligatoire ?
A titre personnel, j'étais favorable à rendre la prévoyance complémentaire obligatoire. Mais il aurait fallu une action à la hausse sur le niveaux des cotisations payées par les indépendants, ce qui dans le contexte actuel aurait été difficilement acceptable. J'invite donc les assureurs privés à travailler sur ce sujet en menant de réelles réflexions branche par branche. Car les risques sont très différents selon les professions.
Quel regard portez-vous sur la gestion de la crise par les assureurs et notamment les polémiques sur la perte d'exploitation ?
Globalement, les assureurs ont raté la marche sur l'écoute de leurs clients et la communication. Ils avaient toutes les cartes en main pour éviter d'accroître cette défiance à leur égard. Maintenant, il est nécessaire que le lien de confiance soit rétabli. Mais cela va prendre beaucoup de temps.
Bruno Le Maire avait évoqué la constitution de provisions fiscalement attractives, pour renforcer la résilience des entreprises en cas de crise. Où en êtes-vous sur ce sujet ?
J'avais assisté à la dernière réunion durant laquelle les assureurs avaient proposé leur régime Catex. Une solution jugée nulle et non avenue par le Medef et la CPME. Pour résumer, les assureurs s'engageaient peu, demandaient beaucoup à l'Etat, avec à la clé une cotisation supplémentaire pour les entreprises. Bruno Le Maire avait donc fait le choix de ne pas retenir cette solution. S'agissant de la constitution de provisions attachées à un avantage fiscal, rien n'est, pour le moment, prévu dans le cadre du projet de loi de finances actuellement en discussion.
Qu'attendez-vous des assureurs sur le plan tarifaire pour les renouvellements 2022 ?
La situation économique s'est nettement améliorée. J'en appelle donc à la modération tarifaire.
Quel est le calendrier de votre réforme ?
J'ai présenté le texte en conseil des ministres ce mercredi 29 septembre. Il passera devant le Sénat les 25 et 26 octobre, puis à l'Assemblée nationale le 10 janvier. La loi sera promulguée dans la foulée de ces discussions et les décrets d'application publiés dans le courant du mois de février. Pour autant, certaines mesures de ce plan passeront par le projet de loi de finances 2022 et le projet de loi de la financement de la Sécurité sociale 2022 pour une entrée en vigueur le 1er janvier prochain.
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