Albert Lautman : "Modifier le code de la mutualité est nécessaire"
INTERVIEW - Albert Lautman, directeur général de la FNMF, commente les derniers arbitrages du PLFSS et les futures modifications du code de la mutualité.
La Mutualité Française soutient-elle les modifications du code de la mutualité prévues dans les articles 12 de la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification ?
Nous avions demandé ces modifications. L’idée est d’éviter qu’une mutuelle fusionne avec une autre entité juridique, relevant du code des assurances ou du code de la Sécurité sociale. Selon notre analyse juridique, le code de la mutualité a toujours prévu qu’une fusion ne peut se faire qu’entre des organismes relevant du code de la mutualité. Les mutuelles ont une gouvernance spécifique. Elles appartiennent à leurs adhérents. De son côté, l’ACPR relève qu’il n’y a pas une interdiction explicite à fusionner des organismes de codes différents. Or, on peut considérer que ce qui n’est pas interdit est autorisé. Cet article de la proposition de loi vient expliciter une interprétation qui a toujours été celle de la Mutualité Française. Cela n’empêche pas de créer des groupes prudentiels, des partenariats, des sgam, qui permettent à des mutuelles du code de la mutualité de se rapprocher d’organismes d’autres codes, sans forcément fusionner les portefeuilles.
Est-ce qu’il y a déjà eu un précédent de mutuelle fusionnée avec un organisme relevant du code de la Sécurité sociale ou des assurances ?
En 2019, une petite mutuelle a été fusionnée avec une société d’assurances, avec l’accord de l’ACPR. Suite à ce précédent, nous avons alerté les pouvoirs publics et nous espérons que cette proposition de loi va clarifier les choses.
L’article 13 de la proposition de loi prévoit également que les mutuelles puissent organiser leurs instances en visio-conférence et organiser des votes à distance. Ce n’est pas déjà le cas ?
La tenue des instances en visio-conférence a été rendue possible dans le cadre de la crise du covid par des ordonnances. Une première ordonnance l’a rendu possible jusqu’au 31 juillet puis, ensuite elle a été prolongée jusqu’au 30 novembre. Pour les assemblées générales de fin d’année, il y a un risque juridique. L’objectif de cet article de la proposition de loi est de créer un cadre pérenne et pas un régime dérogatoire d’exception. Loi ASAP prévoit que les mutuelles puissent organiser leurs conseils d’administration à distance. Cette proposition de loi, va aussi le permettre pour les assemblées générales, et pas uniquement en cas de covid. Nous soutenons cette mesure car il est parfois compliqué d’atteindre le quorum dans nos assemblées. La crise du covid a changé le rapport qu’on peut avoir à organiser des instances dématérialisées. Cela dit, ce n’est pas une obligation et chaque mutuelle décide si elle veut organiser son AG en présentiel, à distance ou de façon hybride. Cela facilitera la vie démocratique des mutuelles.
Quel sera l'impact de ce reconfinement pour les organismes complémentaires ?
Les Français ont l’impression que ce confinement est moins sévère que celui de mars. Il est encore tôt pour en tirer des conclusions mais j’ai le sentiment qu’il sera moins marqué par un arrêt des consultations et du recours aux soins. Nous appelons les Français à maintenir les RDV médicaux, parce que la perte de chance est plus importante en cas de renoncement ou des reports des soins.
Sur la prévoyance, il est encore tôt pour tirer des conclusions. Nous aurons cette fois-ci pas d’arrêts de travail pour garde d’enfants. En revanche, il convient de faire un diagnostic sur l’état de santé de la population dans le contexte actuel. A mon avis, le sujet le plus préoccupant n’est pas la prévoyance, mais la portabilité des droits en santé et prévoyance, à la suite de la fermeture d’entreprises.
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale a été voté en première lecture par l’assemblée nationale. Quelles sont vos marges de manœuvre sur la taxe covid ?
Cette taxe a été imposée par le gouvernement aux organismes complémentaires. La construction juridique est celle du forfait médecin traitant. Notre seule incertitude est liée aux 500 millions de 2021. Nous souhaitons pouvoir imputer cette taxe sur l’exercice comptable de 2020. Suite à la demande de la Mutualité Française, une commission de normalisation comptable a été saisie par le ministère et nous attendons la position des pouvoirs publics. Courant novembre, ce sera réglé. Nous demandons de pouvoir faire des provisions sur l’exercice 2020 pour pouvoir régler la taxe en 2021. C’est bien en 2020 que nous avons enregistré de moindres prestations. Sinon, nous risquons de payer des impôts sur le résultat de 2020 et ensuite de devoir payer la taxe. Ce serait la double peine.
Que pensez-vous de l’amendement qui oblige les organismes complémentaires à mettre en place le tiers payant pour les équipements du 100% santé ?
Cet amendement ne va rien charger pour les complémentaires, qui proposent déjà le tiers payant. En optique, 80% des prestations se font en tiers payant via les réseaux de soins. Chaque réseau a son outil. Nous pourrions mettre en place un outil commun, cela se discute. Via l’association Inter-AMC, nous avons créé une solution technique à destination des médecins mais les éditeurs de logiciels n’intègrent pas cette fonctionnalité dans le logiciel des médecins. Nous avons beaucoup de mal à ce que les travaux informatiques faits par les ocam se traduisent sur le bureau des médecins. En dentaire, nous sommes en train de créer une norme pour permettre aux dentistes de faire du tiers payant. Elle sera prête début 2020, mais ensuite il faudra que les éditeurs de logiciel s’en saisissent. Nous ne sommes partisans de l’obligation, mais si le gouvernement oblige à mettre en place le tiers payant, il faut obliger tout le monde. A un moment donné, il faut entrer dans une logique de généralisation.
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