La majorité des assureurs vie ont augmenté significativement la provision pour participation aux bénéfices en 2016. Cette PPB, censée amortir d’éventuels chocs financiers, pourrait ne jamais être restituée aux épargnants.
« Dans la perspective d’un environnement de taux durablement très bas, nous avons choisi de doter de manière significative notre provision pour participation aux bénéfices. Cette mise en réserve est un gage de rendement futur pour l’ensemble de nos assurés… ». La déclaration de Bernard Le Bras, président du directoire de Suravenir, filiale du Crédit Mutuel, pour présenter la baisse des taux servis sur les fonds euros en 2016 résume le positionnement de la quasi-totalité des acteurs du marché de l’assurance vie. Finalement, l’augmentation de cette provision est présentée comme la seule note positive dans un contexte de baisse des performances.
Selon les données clés de la Fédération française des assureurs (FFA), la PPB avait très nettement augmenté en 2015 : +27,1% par rapport à 2014. En attendant les données officielles de l’ensemble du marché en 2016, les premières annonces des assureurs laissent entrevoir une nouvelle augmentation significative de cette réserve financière en 2016.
En effet, la provision pour participation aux bénéfices moyenne était de 2,27% des encours fin 2015 et devrait dépasser 3% en 2016, selon les estimations du cabinet Facts & Figures. Mais cette réserve moyenne cache beaucoup de disparités. Aux deux extrêmes, on retrouve l’Afer, qui a constitué une PPB pour le première fois en 2014 - elle atteint 0,60% fin 2015 - et GMF avec 5,20% des encours (voir notre tableau).
Cette hausse est encouragée par la loi Sapin II, qui introduit la possibilité pour les régulateurs de moduler les dotations et les prélèvements réalisés par les assureurs vie sur leurs provisions pour participation aux bénéfices (PPB). Cependant, la gestion et la restitution de cette réserve aux épargnants soulèvent quelques interrogations. « Théoriquement, si la PPB est dotée aujourd’hui, elle doit être restituée aux assurés dans les 8 années. Mais dans la pratique, de manière légale, les assureurs peuvent faire tourner la PPB, c’est-à-dire, au bout de 8 ans, les assureurs vont restituer aux assurés ce qu’ils doivent légalement restituer, mais simultanément, ils vont redoter la PPB du même montant, grâce au rendement du fonds euros de l’année en cours. Au fil du temps, le risque est donc que la PPB ne soit jamais restituée aux assurés », affirme Cyrille Chartier-Kastler, président de Facts & Figures, qui ajoute : « L’assureur n’a aucune obligation de reverser aux assurés les rendements financiers issus de cette PPB. »
La quasi totalité des assureurs vie ont décidé de se munir d’une provision pour participation aux bénéfices, à l’exception de Monceau Assurances. La mutuelle explique son positionnement dans un communiqué : « En constituant des provisions, d’autres assureurs se réservent la possibilité de distribuer ultérieurement les performances acquises sur la gestion des capitaux confiés, prenant ainsi le risque de faire profiter des rendements d’une année à des souscripteurs entrés plus tard. Capma & Capmi ne prélève pas sur les participations aux bénéfices acquises par les sociétaires en place pour les reverser plus tard ; elle ne lisse pas les performances. La Caisse assure ainsi à tout détenteur de fonds investis dans le support en euro de chacun de ses contrats de percevoir immédiatement et personnellement le fruit de son épargne ».
La dotation de cette poche de richesse se fait au détriment des taux servis par les assureurs, mais « finalement, les assurés ne voient pas que le rendement qu’on leur a servi n’est pas celui qu’on aurait pu leur servir, car très peu d’épargnants vont consulter la PPB », pointe C. Chartier-Kastler. Selon un autre observateur : « Au regard de Solvabilité II, cette provision pour participation aux bénéfices, pour peu qu’elle soit correctement gérée, est assimilée à des fonds propres. Cela montre clairement que l’on considère que ce n’est pas certain que cela revienne aux assurés. »
Le but premier de cette provision est de constituer un coussin financier qui pourrait venir amortir un éventuel choc financier. Le précédent de la crise de 2008 est bien présent dans la tête des acteurs financiers. « En 2008, pour absorber le choc lié à la dépréciation des obligations grecques, certains assureurs ont vidé la réserve de capitalisation qu’ils avaient pu constituer et d’autre part ils ont ponctionné une large partie de leur provision pour participation aux bénéfices afin de pouvoir servir un taux correct aux assurés ». Cela dit, selon certains observateurs, les provisions constituées seraient largement insuffisantes pour faire face à un éventuel crack obligataire.
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