Baromètre : L’assurance vie s'éloigne de la clientèle populaire

vendredi 19 juillet 2019
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INFOGRAPHIE - Bridés par des taux d’intérêt durablement bas, une baisse de la collecte nette en unités de compte et une hausse non désirée des fonds euros, les acteurs de l’assurance vie cherchent à se réinventer. L'assurance vie s'éloigne de sa clientèle populaire et s'oriente vers une clientèle patrimoniale, selon le baromètre 2019 de l’épargne-vie individuelle publié par Facts & Figures.

Sur le papier, 2018 a été une superbe année pour l’assurance vie, avec 22Mds d’euros de collecte nette contre 8Mds d’euros en 2017. Les prestations versées n’ont représenté que 6,9% des encours, grâce à un faible niveau de rachats et de décès, contre 7,5% en 2017.

Cependant, l’encours en unités de compte a baissé de 352Mds à 346Mds d’euros, en raison de la dégradation de la valeur des UC. Le taux d’UC dans la collecte est passé de 28% à 24% en un an. Ce taux n’avait cessé d’augmenter de 2008 à 2017. L'exercice écoulé marque donc une rupture dans cette tendance. La volatilité des marchés financiers a réduit l’appétence des Français pour les unités de compte. En plus, « les performances des gestions profilées sont médiocres. Elles expliquent une partie du recul du taux d’UC dans la collecte », explique Cyrille Chartier-Kastler, fondateur de Facts & Figures.

Malgré les efforts des assureurs pour réduire les versements sur les fonds euros, l’encours en euros a progressé de 1.330 à 1.354Mds d’euros, selon le baromètre de Facts & Figures. « Les assureurs ont servi des taux sur les fonds euros trop élevés en 2018. Cela a produit un effet d’aubaine pour les épargnants qui, affolés par la volatilité des marchés, se sont tournés vers les fonds euros », explique Cyrille Chartier-Kastler. Cette tendance se poursuit en 2019, puisque la collecte brute en euros est en hausse en 2019 par rapport à la moyenne des trois dernières années, indique le baromètre. Parallèlement, la collecte brute en UC est en recul sur les cinq premiers mois de 2019 par rapport à la moyenne des trois dernières années.

Cap vers l’épargne patrimoniale et la gestion privée

« Les assureurs se retrouvent à devoir chercher des investissements pour les fonds euros. Toute la profession a le regard tourné sur le taux de l’OAT et le niveau des unités de compte. Pour éviter de vendre des fonds euros, l’assurance vie s’oriente de plus en plus vers le patrimonial et la gestion privée », analyse Cyrille Chartier-Kastler. La part relative de l’épargne standard est passée de 48% en 2012 à 38% en 2018. A partir du moment où 88% de la collecte nette de l’assurance vie en 2018 relève de la gestion de patrimoine et de la gestion privée, « l’assurance vie risque de perdre son caractère populaire », selon l’analyste. « Les réseaux ont volontairement orienté les petits épargnants individuels vers des produits d’épargne bancaire règlementée », observe-t-il. Entre 2016 et 2018, les encours d’épargne réglementée ont augmenté de 43Mds d’euros, contre 24Mds d’euros seulement pour les fonds en euros.

Si l’épargne standard concentre encore la majorité des encours, ils ont faiblement progressé en 2018 (770Mds d’euros contre 766Mds d’euros en 2017). Les encours de l’épargne patrimoniale et l’épargne en gestion privée ont en revanche augmenté de 8 et 10Mds d’euros respectivement.

« Depuis 2015, la chute des taux a conduit à une assurance vie de plus en plus complexe et financière. Les produits sont de moins en moins accessibles aux clients populaires. Plus de 50% des encours appartiennent à 10% des ménages français », indique Cyrille Chartier-Kastler.

Taux de rendement stables, mais...

Les taux de rendements offerts en 2018 sur les fonds euros sont restés stables à 1,67% en moyenne, selon les estimations de Facts & Figures. Net d’inflation, ce rendement chute en territoire négatif, à -0,1%. Derrière cette stabilité, les acteurs ont eu des stratégies différentes. Des bancassureurs comme ACM Vie, BPCE Vie, CNP Assurances, Prédica ou Sogécap ont décidé d’augmenter de 0,05% les taux servis sur leurs contrats d’épargne standard tandis que les assureurs et mutuelles ont diminué leurs rendements. Les mutuelles sont passées de 1,94% à 1,90% et les agents généraux de 1,98% à 1,93%

Si le taux moyen du marché est d’1,67% (contre 1,68% en 2017), celui de l’épargne gestion privée s’élève à 1,87% (contre 1,93% en 2017), celui de l’épargne patrimoniale est légèrement inférieur à 1,82% (contre 1,88% en 2017). Moins généreux, le taux de l’épargne standard s’élève à 1,56%, contre 1,55% en 2017 (voir infographie ci-dessous).

Le marché a fait le choix de moins doter la PPB que les années précédentes. L’augmentation de la PPB en 2018 représente 0,25% du rendement brut des fonds euros, contre 0,52% en 2017. La PPB a atteint 3,83% des encours fin 2018. « La PPB permet aux assureurs vie de diversifier davantage leurs actifs au regard de Solvabilité II », commente Cyrille Chartier-Kastler. Malgré la chute de rendement des OAT, les assureurs ont réussi à diversifier leurs actifs.

Prévisions pour 2019

Facts & Figures prévoit une collecte nette pour 2019 très dynamique, entre 28 et 30Mds d’euros (contre 22Mds d’euros en 2018). « Après une année 2018 où le secteur a peu baissé les taux servis sur les fonds euros, l’année 2019 devrait connaître une baisse plus conséquente, accentuée par un effet rattrapage. Les assureurs veulent calmer les ardeurs sur les fonds euros », selon Cyrille Chartier-Kastler. Le rendement des fonds euros en 2019 devrait baisser de 0,3 points à 1,40% - 1,50%, selon les prévisions de F&F.

Le marché de l’assurance vie se retrouve coincé face à une situation paradoxale marquée par une hausse de la collecte nette et une baisse des taux d'intérêt. « Nous assistons à un foisonnement d'innovations. L’avenir de l’assurance-vie s’inscrira très probablement autour des parts clean share en gestion active et des trackers », affirme Cyrille Chartier-Kastler. Ces innovations amènent une complexification de l’assurance vie. « Il faudrait que certaines innovations s’imposent pour pouvoir construire demain une nouvelle assurance vie compréhensible par les Français », conclut Cyrille Chartier-Kastler.

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