Bertrand Romagné : "Les renouvellements 2021 ont permis de clarifier les contrats de réassurance"

jeudi 15 avril 2021
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INTERVIEW - À la présidence de l'Apref depuis plus de deux ans, Bertrand Romagné fait le point sur l'exercice 2020 de l'association des professionnels de la réassurance en France et sur ses perspectives de développement. Pour News Assurances Pro, il revient notamment sur les relations entre cédantes et réassureurs, sur les travaux autour des risques pandémiques et cyber et sur la refonte de l'image de l'association. 

Comment s’est passé l’exercice 2020 pour les membres de l’Apref ?

Pour tous nos membres ayant des activités à l’international, la globalisation de cette crise a rendu l’année 2020 difficile, d’autant que le marché de la réassurance sort de trois exercices déjà compliqués avec des ratios combinés dégradés.

La crise Covid a évidement impacté les résultats. De 80 à 85% des sinistres liés au coronavirus concernent l’activité non-vie, notamment à cause des pertes d’exploitations et des annulations. Des sinistres en RC sont également attendus.

En Europe, la France ainsi que l’Angleterre et l’Allemagne ont été particulièrement touchées par les conséquences de la Covid-19. Dans le même temps, les réassureurs ont également dû faire face à une fréquence à nouveau préoccupante de la sinistralité climatique (notamment en sécheresse).

Les discussions avec les cédantes ont-elles été plus compliquées ?

La conjonction de plusieurs facteurs comme le changement climatique, la baisse des taux et bien sûr la pandémie a entraîné une pression sur les prix lors des derniers renouvellements. Si les discussions ont parfois été un peu tendues avec certains assureurs, les renouvellement 2021 ont permis de clarifier les contrats de réassurance, grâce notamment à l’introduction de nouvelles clauses d’exclusions pour les maladies infectieuses. Le marché doit d’ailleurs se féliciter d’avoir trouvé rapidement un consensus sur les rédactions appropriées.

Comme l’ACPR l’avait demandé pour les polices d’assurance, les réassureurs ont souhaité éliminer certaines ambiguïtés de leurs contrats. En effet, ils ont été parfois surpris de devoir intervenir pour des sinistres pertes d’exploitation qu’ils pensaient ne pas couvrir. D’autant plus que, compte-tenu du niveau relativement faible de rétention des cédantes, ce sont les réassureurs qui prendront en charge la majeure partie des sinistres concernés.

Même si le rapport de force s’est récemment inversé en faveur des réassureurs, je considère que les évolutions de tarifs sont restées raisonnables au regard des baisses de prix concédées sur les dix dernières années.

Il faut enfin souligner que tous les programmes de réassurance se sont placés à la fin de l’année dernière. Ceci prouve que les réassureurs ont su faire preuve d’une remarquable résilience malgré un environnement de travail fortement dégradé.

Comment l’Apref a-t-elle travaillé autour de cette problématique du risque pandémique ?

L’Apref a été étroitement associée au groupe de travail du ministère de l’Économie sur les risques exceptionnels ainsi qu’au projet CATEX porté par la FFA.

Selon nous, la question de la (re)assurabilité d’un risque de l’ampleur et de la durée de cette pandémie peut légitimement se poser. Quoi qu’il en soit, la réassurance privée ne pourra pas mobiliser à elle seule les capacités nécessaires pour couvrir ce risque dans le monde entier. A titre d’exemple, la France ne pèse qu’environ 2,5% des primes de réassurance cédées dans le monde, ce qui est peu à l’échelle des impacts financiers qui ont touché notre pays ces derniers mois.

Les réassureurs souhaitent toujours participer aux réflexions et aider à la recherche d’une solution assurantielle pérenne, mais ils ne pourront le faire que dans la limite de leurs fonds propres.

Ce dont nous sommes persuadés, c’est que pour faire face aux coûts exceptionnels d’un tel évènement, la mise en place d’un partenariat public-privé s’impose. Il y aura sans doute dans le futur des solutions innovantes à trouver, en se tournant par exemple vers des financements alternatifs comme les cat bonds ou les ILS.

L’Apref a opéré depuis quelques mois une refonte de son image et de sa communication. Quel est l’objectif ?

L’Apref regroupe aujourd’hui plus de 100 membres dont un tiers de réassureurs (environ 90% de la réassurance souscrite en France), un tiers de membres associés (courtiers, avocats, consultants, etc) et un tiers de membres individuels (souvent d’anciens cadres en lien avec la profession).

Le plus gros du travail de l’association et de ses membres repose sur la production de notes techniques, d’analyses ou d’échanges sur les problématiques liées au métier de la réassurance. Elle organise également des évènements, destinés à un auditoire plus ou moins large, sur des sujets de marché. L’association est aussi l’interlocuteur privilégié des pouvoirs publics, des parlementaires et des fédérations professionnelles.

Ces derniers mois, nous avons décidé de repenser l’organisation, les statuts et le fonctionnement de l’association pour la rendre plus fluide et efficace. Nous avons également modernisé notre communication grâce à une refonte de notre site internet, une dynamisation de nos réseaux et la mise en place d’une nouvelle charte graphique.

Notre délégué général, Nicolas Boudias et son adjointe, animent l’association avec pour objectifs de la rende plus visible et de promouvoir le travail de nos différentes commissions qui planchent toute l’année sur des sujets d’actualité comme les Cat’ Nat’ ou le risque cyber par exemple.

Justement quelle est votre vision du risque cyber aujourd’hui ?

Nous voyons certaines similitudes entre la pandémie et un évènement cyber majeur, en raison notamment de leur caractère global et sériel avec un risque majeur d’accumulation. La crise du Covid a servi, en quelques sorte, de révélateur au risque cyber.

Le coût économique mondial des attaques informatiques a été estimé dernièrement à 700Mds de dollars pour seulement 5Mds de dollars assurés. Le chemin est donc encore long pour parvenir à couvrir correctement ce risque. Même s’il existe de plus en plus de couvertures affirmatives, de nombreuses questions se posent encore pour mieux définir et cantonner ce risque. Les couvertures silencieuses, couvertes dans de nombreux contrats, posent encore un vrai problème aux réassureurs pour la gestion de leurs cumuls.

Le secteur de la réassurance pousse depuis longtemps à ce que le risque soit mieux identifié, mais aussi mieux rémunéré, avec des primes ajustées en fonction des nouvelles expositions. La combinaison de ces deux facteurs pourrait contribuer à attirer de nouvelles capacités en France. La prévention et la formation sont aussi des vecteurs importants pour permettre aux entreprises et aux risk-managers de réduire leurs expositions et faciliter l’accès aux capacités du marché.

Il me semble d’ailleurs que sur ce point les PME et ETI, qui font la masse sur ce risque, ont encore une certaine marge de progression par rapport aux très grandes entreprises.

Les problématiques et les enjeux du cyber semblent avoir été identifiés par les pouvoirs publics, les assureurs et les réassureurs en France. Il faut désormais chercher ensemble les solutions qui permettront de couvrir ce risque en s’inspirant des États-Unis, où 80% de la prime mondiale est souscrite.

L’Apref travaille-t-elle aussi sur le sujet des captives ?

L’association est depuis longtemps associée aux discussions et aux travaux visant à renforcer l’attractivité de la place de Paris. Bon nombre de captives sont aujourd’hui encore établies au Luxembourg, non pas pour des raisons fiscales comme beaucoup le croient, mais parce que les règles de provisionnement y sont plus souples qu’ailleurs.

Les annonces de Bruno Le Maire en fin d’année dernière sur la mise en place d’une forme d’auto-assurance facultative pour les entreprises destinée à couvrir le risque de pandémie, a relancé le dossier des captives notamment pour les plus grandes d’entre elles. Le sujet est actuellement entre les mains des pouvoirs publics et les réassureurs le suivent de très près.

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