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Cercle LAB : Retour sur la 3ème réunion du club santé (saison 2020-21)

lundi 26 avril 2021
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Le club santé s’est réuni le 1er avril pour aborder la question de la confiance des assurés concernant l’exploitation de leurs données de santé par les assureurs.

Le club santé a décidé d’explorer cette année le traitement des données de santé par les organismes complémentaires. Après une première réunion dédiée au cadre juridique, et une deuxième réunion sur les services de prévention, le club santé s’est penché sur la confiance des assurés le 1er avril dernier.

Pierre-Emmanuel Lefebvre, CEO d’Axa Partners France, a expliqué pourquoi la donnée était stratégique pour sa société d’assistance : « Des modèles basés sur l’intelligence artificielle nous permettent aujourd’hui de prévoir de façon assez précise un volume d’activité prévisionnel et donc d’adapter les ressources humaines en conséquence. Cela a de la valeur pour tout l’écosystème ».

Utiliser la donnée dans l'intérêt de l'assuré

Une autre illustration sur l’utilisation des données est celle de Travel Eye, service à destination des salariés en mobilité internationale. « Nous sommes en mesure de les alerter en temps réel sur les risques sociaux, climatiques ou encore liés à l’évolution de la pandémie, et de leur proposer une solution. Nous utilisons pour cela les données de géolocalisation des expatriés toujours avec leur consentement. Nous utilisons la donnée dans l’intérêt de l’assuré et nous n’avons pas rencontré des réticences de leur part », explique Pierre-Emmanuel Lefebvre.

Dès lors que c’est un enjeu stratégique, il faut s’organiser, avoir une approche d’organisation et de gouvernance de la donnée, en s’appuyant sur des modèles reposant sur un data lake, et pouvoir ensuite construire des analyses. Avoir une équipé dédiée en charge du traitement des données, mais proche des équipes opérationnelles, permet de bien répondre aux besoins des métiers.

Dans toute organisation humaine, la sécurité sur la protection des données est essentielle. Le groupe Axa avait pris des engagements très forts en la matière il y a des années, aux débuts de la téléconsultation, avec des infrastructures lourdes, et avec un principe directeur : « Ne faites pas aux données des clients ce que vous n’aimeriez pas que l’on fasse avec vos données personnelles ».

Le cadre légal n'est pas connu

Les participants du club santé ont constaté que le cadre légal est déjà très protecteur pour les assurés, mais que les restrictions ne sont pas forcément connues. Par exemple, la Loi Evin empêche l’utilisation de la donnée pour tarifer et pourtant, cette crainte est bien présente dans l’esprit des assurés.

« Il convient de donner du sens à la donnée pour obtenir la confiance des assurés », a signalé un participant au club santé.

La gestion des données confidentielles n’est pas un sujet nouveau pour Axa Partners. « Quand vous déclenchez une assistance médicale, il y a des données médicales en jeu. Les équipes médicales et celles en charge de l’assistance sont physiquement séparées sur le plateau d’’assistance. Nous avons toujours très bien géré ce cloisonnement entre le chargé d’assistance et le médecin qui échange avec l’hôpital. La donnée de santé doit uniquement être accessible aux personnes qui en ont besoin », signale Pierre-Emmanuel Lefebvre.

Quel que soit le cadre et les garde-fous, est-ce que les assurés vont oser utiliser le service et partager leurs problèmes de santé ? Pendant une téléconsultation, « il y a un espace de proximité et même de confidentialité. Par exemple, sont souvent abordées des questions autour de la sexualité, des maladies sexuellement transmissibles, peut-être plus facilement que face à un médecin traitant. En étant pertinent et en apportant une réponse personnalisée, on a recréé un espace d’intimité qui n’existait pas », explique Pierre-Emmanuel Levebvre.

Connecter tous les services

Axa Partners a fait le constat que les assurés sont souvent perdus face à l’atomisation du paysage de la santé. Les assurés ont des questions légitimes mais n’ont pas le bon numéro. D’où l’importance d’accompagner le patient de bout en bout. « La ségrégation de nos métiers et des briques servicielles est un frein à l’utilisation vertueuse et positive de la donnée. Le client a l’impression d’avoir dit des choses et il faut ensuite les répéter », explique Pierre-Emmanuel Lefebvre.

Pour connecter toutes les briques, Axa France a lancé Angel, un service d’information médicale en complément de son métier de téléconsultation, qui a l’ambition de répondre aux questions de santé de manière large. Par chat ou téléphone, les assurés peuvent poser toutes les questions relatives à leur santé et avoir accès à du soutien psychologique, entrer en relation avec un diététicien, un assistant social ou bien entrer en relation avec un médecin pour faire une téléconsultation.

Les données appartiennent à l'assuré

Isabelle Hébert, directrice de la stratégie, du marketing, du digital et de la relation client d’AG2R La Mondiale, a partagé une expérience venue des États-Unis, où les données de santé appartiennent aux patients. Les assurés peuvent demander la restitution de leurs données. Les limites de cette démarche sont celles de la compréhension des données de santé par les assurés eux-mêmes.

Les organismes complémentaires doivent faire face à une certaine paranoïa des Français, qui craignent que l’assureur se serve des données de santé pour renchérir les couvertures. Cette crainte contraste avec la propension des Français à faire confiance à l’Assurance Maladie, concernant la gestion de la crise et des cas contact. Y aura-t-il un avant et un après Stop Covid ?

Il convient de réfléchir à des modèles moins cantonnés entre assureur et assisteur, selon Isabelle Hébert. Ces sujets sont liés à la structure de notre système de santé avec d’un côté le régime obligatoire et de l’autre, les complémentaires. La question centrale est celle de la finalité. « On a besoin des données pour quoi faire ? Les assureurs sont légitimes dans leur rôle d’accompagnement de la gestion du capital santé. On veut les utiliser pour le bien commun de nos adhérents. Toutes les études internationales ont démontré que quand on peut apporter des accompagnements ciblés, nous sommes plus efficaces. Qui aura les données demain ? Et pour quoi en faire ? Le sujet de la donnée a une dimension éthique et quasi philosophique », signale Isabelle Hébert.

Fidéliser les clients

Catherine Charrier Leflaive, directeur général d’April Santé Prévoyance, a insisté sur le fait que l’assureur doit démontrer une utilisation efficace et respectueuse des données qui sont en sa possession afin que l’assuré puisse voir en lui un interlocuteur de confiance et être convaincu que l’usage des données est dans son intérêt. Quels peuvent être ces usages ? L’utilisation des données de santé par les complémentaires est essentielle pour développer la prévention et accompagner au mieux les assurés en fonction de l’âge, la CSP et les risques médicaux. Trop souvent aujourd’hui les messages et les actions de prévention sont globaux et génériques, alors que l’usage des données doit permettre de développer une prévention plus personnalisée et donc plus adaptée. Et rappelons-nous que nous avons des données globalisées, et que nous ne connaissons pas la pathologie. Une démarche d’accompagnement personnalisée de nos assurés peut permettre également de les fidéliser, dans un contexte où le changement fréquent de contrat santé est rendu aujourd’hui possible avec la résiliation infra-annuelle. « Cela change nos modèles », indique Catherine Charrier Leflaive. Et il convient de remettre en perspective le fait que la fidélité n’est pas uniquement un enjeu financier, mais le moyen d’accompagner les assurés dans la durée.

Christophe Garric, de Cegedim, dispose d’une vision très fine sur les remboursements des soins, grâce à son activité de tiers payant. « Il faut que les complémentaires se tournent plus vers l’assuré. L’Espace Numérique de Santé redonne aux citoyens les moyens de gérer leurs données. C’est lui qui décidera si tel ou tel opérateur de service a le droit de traiter ses données. L’assuré acceptera de partager les données s’il y trouve un sens ».

D’autres intervenants ont pointé du doigt le cadre juridique trop restrictif. « Quand on regarde avec nos services juridiques, c’est ceinture bretelle, et parachute », indique Pascale Soyeux, directrice santé et prévoyance de Covéa. Marie-Sophie Houis, associée de PMP Conseil, considère en revanche que « le cadre juridique n’empêche pas le traitement des données. Il y a un peu d’auto-censure. Essayer de changer le cadre peut être perçu comme un sujet de défiance vis-à-vis des pouvoirs publics ».

Des pistes de progrès pour développer la confiance

80% des participants au club santé utilisent les données de santé de leurs assureurs. 87% d’entre eux affirment, qu’en tant qu’assurés, ils seraient prêts à partager leurs données avec leur assureur. Lors d’un atelier de brain-storming, les participants au club santé ont proposé les pistes suivantes pour améliorer la confiance des assurés vis-à-vis de leurs assureurs :

  •  Avoir un code de conduite partagé pour tout le secteur
  • Rappeler le cadre légal : ce que l’on peut faire avec les données et ce que l’on ne peut pas faire
  • Expliquer comment le tarif de la cotisation est calculé et décorrélé du profil médical de l’assuré.
  • Insister sur le fait que les données sont anonymisées
  • Permettre aux assurés de visualiser les données dont dispose son assureur dans l’espace client. Autoriser la restitution des données à l’assuré et montrer ce que l’assureur perd ou gagne s’il accepte de partager ses données.
  • Avoir une approche transparente sur la finalité précise de l’utilisation des données de santé.
  • Documenter et restituer annuellement aux assurés les bénéfices santé obtenus grâce au traitement des données
  • Faire témoigner les bénéficiaires des services basées sur le traitement des données
  • Communiquer sur les mesures de sécurité adoptées par l’assureur afin de protéger les données d’éventuelles cyber-attaques

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