Chronique : Groupe de protection sociale, sortir du huis clos français
News Assurances Pro ouvre son espace chronique à Eric Verhaeghe, ancien élève de l’ENA, passé par la FFSA et ancien président de l’APEC. Il a récemment fondé Parménide, « cabinet de l’innovation sociale ».
Grâce à la trêve qu’imposent les périodes électorales, le paysage de la protection sociale en France vit dans une relative quiétude. En revanche, une fois les échéances nationales passées, les opérations de concentration reprendront de plus belle.
Tout le monde le sait, les opinions convergent pour réduire la protection sociale paritaire à quelques groupes dotés d’une taille critique suffisante: Malakoff-Médéric, Aprionis et consors, Pro-BTP, et probablement AG2R-La Mondiale si sa solvabilité le permet, devraient devenir les grands pôles de regroupement du monde paritaire.
Cette réduction asymptotique des groupes a ses raisons. Dans un univers marqué par Solvabilité 2, aux accents de plus en plus concurrentiels, et au rôle de plus en plus important, la concentration autour de trois ou quatre acteurs majeurs est une solution de sagesse. Elle s’impose pour des raisons techniques, informatiques notamment, mais aussi pour des raisons capitalistiques. L’exigence en fonds propres ira grandissante.
Entre Solvabilité 2 et modèle de protection sociale vacillant
En outre, la difficulté de plus en plus importante à faire vivre le modèle de sécurité sociale issu de 1945 ajoute à cette tendance. Le régime général a vocation à jouer une part de moins en moins importante dans le système français de protection sociale. Les acteurs complémentaires ont vocation à se renforcer. Ils ont tout intérêt à consolider leurs structures pour affronter ce choc.
Le problème tient à la dimension politique des concentrations. Chaque institution paritaire est porteuse d’une culture, d’une vision, de valeurs, qui se conjuguent difficilement au pluriel. Si l’on se souvient des dégâts moraux causés par l’absorption au forceps des caisses agro-alimentaires dans le groupe AG2R, on mesure les risques que comporte chaque rapprochement ou chaque fusion.
Se tourner vers l'étranger ?
Les observateurs avisés aiment d’ailleurs à pointer le paradoxe de la fusion dans les groupes de protection sociale complémentaire. Alors que, dans les entreprises concurrentielles classiques, une fusion commence par l’unification du management et s’intéresse ensuite aux rapprochements des équipes, la manœuvre est exactement inverse dans les groupes : la fusion touche d’abord les équipes et concerne parfois, mais rarement, la gouvernance.
Avec le rapprochement D&O et Mornay, le monde de la protection sociale complémentaire a probablement atteint une sorte de frontière. Les fusions à venir seront de plus en plus difficiles à réaliser. La procédure d’appel d’offres lancée par Réunica en donne un indice. Le temps des rapprochements par affectio societatis est fini, et d’autres considérations sont aujourd’hui à l’oeuvre.
Dans ce contexte, il existe peut-être une voie pour sortir de l’impasse franco-française. Pourquoi les acteurs français encore solitaires ne cherchent-ils pas un rapprochement avec des acteurs étrangers ? Cette solution aurait beaucoup d’avantages : celui d’offrir un sang neuf au marché français. Celui de court-circuiter le jeu habituel des alliances, des assurances et des réassurances. Et celui de contourner les obstacles politiques qui minent les discussions internes. Accessoirement, cela permettrait de consolider les exigences capitalistiques imposées par Solvabilité 2. Un argument non négligeable.
Eric Verhaeghe
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