Climat : Les assureurs jugés à visage découvert par l'ACPR et l'AMF
Dans un rapport sur le climat publié par l'AMF et l'ACPR, les assureurs sont appelés à accélérer leurs travaux concernant les énergies fossiles.
L’ACPR et l’AMF publient leur deuxième rapport sur les engagements climatiques pris par les institutions financières de la place de Paris. Regroupant les données de 46 acteurs du secteur, les travaux se penchent sur les assureurs et banquiers ainsi que sur les gestionnaires d’actifs. Dans la continuité de leurs précédents travaux, les autorités passent au crible les engagements climatiques ainsi que les évolutions des politiques sectorielles. Elles ont également étendu leur analyse au pétrole, gaz et énergies fossiles non conventionnelles.
Contrairement à leurs confrères gestionnaires d'actifs, c'est une double peine que le changement climatique inflige aux assureurs. L'actif du bilan, lié à l'activité d'investisseur, ainsi que le passif, lié à l'activité d'assureur se voient entachés. Pour rappel, lors de son premier stress test climatique, l’ACPR avait mis en évidence que le coût des sinistres pourrait être multiplié par 5 ou 6 dans certains départements français entre 2020 et 2050.
Une pratique opaque
Transparence de l’information, stratégies de sortie des énergies fossiles, engagements en faveur du financement d’activités vertes, 53% des assureurs se sont engagés sur le climat en 2020. 37% d’entre eux ont instauré des politiques internes et d’empreinte carbone, 20% ont établi des stratégies de sortie des énergies fossiles, 17% se sont engagés en faveur d’investissements verts ou d’assurance verte et 17% à des actions actionnariales et à l’accompagnement des acteurs.
Malgré une implication des acteurs plus importante que par le passé, « il reste néanmoins difficile de recenser, de comparer et d’évaluer ces engagements qui ont des portées différentes et peuvent être mis en œuvre de manière plus ou moins ambitieuse par les établissements », précise l’AMF et l’ACPR. En effet, à l’exception d'une date butoir pour atteindre une neutralité carbone des portefeuilles qui - pour la plupart des assureurs – se situe en 2030 et 2040, les assureurs manquent de précision. Avec des objectifs de long terme dispensés de « jalons précis » et d’« échéancier contraignant », il est difficile de déchiffrer les étapes de transition ainsi que les résultats.
En alignement avec les objectifs de l’Accord de Paris, « certains acteurs de la Place complètent leurs engagements individuels par des engagements collectifs, indiquent les autorités dans leur rapport. On constate cependant, tout comme dans le rapport précédent, que l’articulation entre engagements individuels et collectifs n’est pas toujours claire et que l’information fournie ne permet pas de juger des progrès accomplis ou de l’état d’avancement dans la réalisation des objectifs ». Même remarque au sujet des accords collectifs fleurissants. « Des progrès restent à accomplir afin de communiquer de manière claire et transparente sur les objectifs et les modalités d’action prévus dans le cadre de ces engagements collectifs », précise le rapport.
Entre 0% et 3,5% des placements exposés au charbon
Cependant, l'exposition de leur activité aux énergies fossiles reste moindre. Les assureurs ont déclaré exposer 0,6% du total de leurs placements au secteur du charbon, soit environ 14,9Mds d’euros d’encours. Dans le détail et au regard des chiffres fournis en 2020, le rapport montre une exposition des placements comprise entre 0% et 3,5%, soit une « dynamique baissière » d’une année à l’autre. En effet, en 2020, près de 725 millions d’euros ont été désinvestis dans le secteur du charbon selon les données partagées par les organismes, soit près de la moitié du montant total désinvesti entre 2015 et 2020.
Les gendarmes constatent notamment « une généralisation des critères absolus portant sur la production annuelle de charbon ou sur la capacité installée des centrales à charbon ». La base semble donc acquise mais d’autres points pourraient être améliorés comme la transparence et la délimitation d’un périmètre d’application. En d‘autres termes, il est encore récurrent de trouver des critères d’exclusion sans informations concernant leur périmètre d'application. Ils peuvent donc être appliqués à l'entièreté du portefeuille ou seulement sur les nouveaux investissements, par exemple.
Pétrole et gaz, un langage commun nécessaire
Concernant le pétrole et le gaz, le flou persiste. « Une minorité » d’acteurs a développé des politiques consacrées au fossiles conventionnels et parmi eux, les disparités persistent. « Les politiques sectorielles liées au fossile conventionnel ne couvrent pas toute la chaîne de valeur, ou sont liées à des cadres d’analyse peu précis comme des stratégies de réduction « crédibles » ou fixant des horizons lointains dans le temps », expliquent les autorités dans leur rapport. Du côté des fossiles dits non conventionnels, il en va de même. Les acteurs n’ont pas de définition commune pour ce type d’énergie. D’après le rapport, certains assureurs sont « en attente » de définitions venant de la FFA.
« Les organismes ont privilégié le segment spécifique du secteur des énergies fossiles non-conventionnelles pour leurs politiques d’exclusion. Toutefois, compte tenu de l’hétérogénéité des définitions d’un hydrocarbure « non conventionnel », l’adoption d’une définition commune semble un nécessaire préalable à l’approfondissement des politiques sectorielles sur ce secteur très spécifique ». En attendant, le chiffrage de ce type d’exposition est trouble. En effet, « la quasi-totalité des organismes n’ont pu fournir des données quant aux désinvestissements sur les hydrocarbures. Ceci montre, encore une fois, le paradoxe de politiques sectorielles visant exclusivement le secteur des hydrocarbures non conventionnels, en l’absence de méthodologies permettant de distinguer, au sein des bilans assurantiels, le conventionnel du non-conventionnel ». Néanmoins, les assureurs semblent s’être, pour le moment, penchés sur les sables bitumeux puisque « une majorité des organismes ont adopté des politiques d’exclusion portant sur ces dernières ».
Afin d'améliorer ses engagements liés au réchauffement climatique, l'ACPR et l'AMF ont encouragé les acteurs du secteur financier à accroître la transparence et la précision de leurs politiques sectorielles pour le pétrole et le gaz ainsi qu'à intensifier les travaux en cours visant à permettre une mesure plus robuste de leur exposition aux énergies fossiles. Enfin, les autorités proposent de "formaliser davantage les politiques d'accompagnement des clients et d'engagement actionnarial, souvent mises en avant par les établissements comme un des leviers d'action du secteur financier en faveur de la transition", conclut le rapport.
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