Covid 19 : Pourquoi les parlementaires veulent taxer les assureurs ?
INFOGRAPHIES - Une nouvelle proposition de loi prévoit de taxer les assureurs de façon récurrente à chaque période d’urgence sanitaire. Les parlementaires s’appuient sur un rapport gouvernemental pour mettre l’assurance à contribution.
L’idée de faire payer les assureurs s’est répandue dans l’Hémicycle comme une traînée de poudre. Certains commerçants risquent de perdre le travail d’une vie suite au confinement. Les vannes de la dépense publique sont ouvertes pour compenser la baisse d’activité dans de nombreux secteurs. Face à l’explosion de la dette publique, toute idée pour trouver de nouvelles recettes est la bienvenue et les assureurs ont réalisé des économies pendant le confinement.
Le gouvernement a été le premier à proposer une contribution exceptionnelle sur les contrats de complémentaire santé, circonscrite aux années 2020 et 2021. Elle doit permettre de dégager 1,5 milliard d’euros pour soulager le déficit de l’Assurance Maladie. Cette « taxe covid », n’a été contestée par aucun parti politique. Les parlementaires ont en effet eu accès à un rapport du gouvernement sur le fonds de solidarité. Il estime les économies réalisées par les assureurs à presque 2 milliards d’euros en 2020.
Ce document rendu au Parlement en juin dernier analyse l’impact de la crise sur les assureurs autour de deux axes. D'un côté l’impact de la chute des marchés financiers sur leurs portefeuilles d’actifs. De l'autre, l’impact des mesures d’urgence sanitaire sur la survenance des sinistres. Sur la chute des marchés financiers, « au premier trimestre 2020, environ 100 milliards d’euros ont ainsi disparu. Le rebond observé depuis ne permettra sans doute pas un retour rapide à la situation de départ », indique le rapport. Les fonds propres des assureurs ont également baissé de 40 milliards d’euros en un trimestre, selon le document. Enfin, le ratio de solvabilité SCR a perdu entre 20 et 30 points entre fin 2019 et mars 2020.
Ce rapport réalisé par l'ACPR analyse également la baisse de sinistralité, même si le régulateur estime que les effets de l’épidémie sur les bilans « ne seront connus que sur la durée, et que les ressources financières des assureurs doivent être prioritairement utilisées pour couvrir leurs engagements contractuels ».
Au total, le secteur de l’assurance a enregistré une baisse de 25% sur les sinistres payés en avril et mai, sur l’ensemble des activités non-vie. Le rapport précise que la baisse sur les sinistres corporels correspond principalement à des remboursements de frais de soins.
« Le CTIP projette d’ailleurs pour l’ensemble de l’année 2020 une hausse des prestations en prévoyance (+7% par rapport à 2019) qui compenserait la baisse des prestations de santé (-8 %) », selon le rapport.
Les mesures de soutien dépassent les économies réalisées
Concernant l’assurance automobile, le rapport constate une baisse de la charge de sinistres de 25% contre 38% pour la baisse des sinistres payés. Parallèlement, la facture des dommages aux biens des professionnels augmente, en raison des provisions constituées pour faire face aux pertes d’exploitation des restaurateurs. La charge de sinistre supplémentaire s’élève à 1,1 milliard d’euros.
En conclusion, « l’ACPR prévoit une baisse des revenus financiers et sur les primes émises, une amélioration en assurance automobile mais des dégradations dans un grand nombre de branches : prévoyance, assurance annulation d’événements, garanties du chômage, assurance-crédit, pertes d’exploitation et responsabilité civile ».
Selon le rapport les mesures commerciales et de solidarité des assureurs d’environ 5 milliards d’euros dépassent largement les économies réalisées pendant la crise, estimées à 1,9 milliard d’euros. Cependant, grâce à ce document, les parlementaires ont eu une confirmation sur l’amélioration des résultats techniques des assureurs en période d’urgence sanitaire.
Trois véhicules législatifs pour faire payer les assureurs
Olivier Jacquin, sénateur socialiste, s’est emparé du sujet. Avec d’autres sénateurs socialistes et écologistes, il a déposé un amendement au projet de loi de finances rectificative (PLFR 1) et ensuite au PLFR 3 afin de demander une contribution des assureurs. Les amendements ont été rejetés par la majorité sénatoriale. Après ces deux tentatives, le sénateur a déposé une proposition de loi qui vise à « créer une juste contribution, exceptionnelle, sur les assurances afin qu'elles concourent à la solidarité nationale dans la réponse globale à la pandémie ». La PPL cite une étude du cabinet Addactis qui estime la baisse de la sinistralité automobile à 80% pendant la période de confinement.
Un dispositif récurrent et pérenne
« Il ne faut pas se baser uniquement sur le premier ou le deuxième confinement. En cas de pandémie, le confinement devrait se reproduire », affirme le sénateur. Plutôt qu’une contribution assise sur le chiffre d’affaires, Olivier Jacquin propose que, « à la fin de l'état d'urgence sanitaire, chaque entreprise d'assurance (hors assurance vie) soit mise à contribution à hauteur de 80% de l'augmentation des résultats d'exploitation réalisés par rapport à la moyenne de ces mêmes résultats des trois années précédentes ». A la différence d’autres dispositifs circonscrits dans le temps, la PPL prévoit que cette contribution soit « pérenne et récurrente ». Les assureurs devraient contribuer à chaque nouvelle déclaration d’état d’urgence sanitaire.
Le sénateur souligne également que sa mesure est « plus juste », envers les organismes assureurs ayant mené des actions de solidarité. La contribution serait calculée sur les « sur-bénéfices » engrangés du fait de la crise. Les actions de solidarité viendront mécaniquement réduire le résultat d’exploitation qui servirait d’assiette pour le calcul de la contribution.
« Ma proposition permet également d’intégrer les éventuels effets rebonds sur la consommation médicale, par exemple, puisqu’elle se base sur le résultat d’exploitation de toute l’année », indique Olivier Jacquin. La moitié des recettes serait allouée à des opérations de sauvegarde des entreprises sur le principe du fonds de solidarité et l’autre moitié au financement de politiques de solidarité envers les plus fragiles.
Un petit geste, dans le cadre du Budget
Olivier Jacquin ne se fait pas d’illusion. « Les chances d’aboutir de cette proposition de loi sont très faibles, puisqu’elle émane de l’opposition ». Le sénateur considère que l’amendement au Budget adopté le 21 novembre par le Sénat qui prévoit une contribution de 2% du chiffre d’affaires sur les assurances dommages est venu « couper l’herbe sous le pied » de sa proposition de loi. « J’ai voté favorablement pour cet amendement, même si je considère que c’est une mesure aveugle qui taxe tous les organismes d’assurance de la même façon, indépendamment des mesures de solidarité adoptées. C’est un petit geste, une sorte d’aumône qui ne dépassera pas quelques millions de recettes », commente Olivier Jacquin.
« D’ailleurs, cet amendement était très inattendu, car la majorité sénatoriale nous a asséné pendant des mois sur le fait qu’il ne fallait pas augmenter les taxes et d’un coup, on voit arriver cette taxe sur les assurances déposée par Jean-François Husson, ancien assureur. Encore plus surprenant, le sénateur centriste Vincent Delahaye a présenté un sous-amendement pour porter le taux de contribution d'1% à 2%. Cela a été adopté, contre l'avis du gouvernement par 174 voix contre 170 ».
Olivier Jacquin, agriculteur, a peu de contacts avec le monde de l’assurance. L’idée de cette contribution lui est venue en écoutant les questions au gouvernement et en voyant les commerçants et restaurateurs en difficulté. « Je suis pour la justice et quand je vois des secteurs qui vont mourir et d’autres qui profitent, je ne comprends pas qu’on n'essaie pas d’équilibrer les choses. Il est important d’essayer de soulager la dette publique. L’assurance est un secteur fortement réglementé, avec des exigences de transparence. Il est donc facile d'imposer ce genre de contribution. Je suis content de voir que la proposition de loi sur l’assurance a inspiré un dispositif similaire sur les entreprises numériques », déclare-t-il.
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