Covid-19 : Travailler chez Axa France en temps de pandémie

mardi 1 septembre 2020
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REPORTAGE - A partir du 1er septembre, les salariés doivent porter le masque en entreprise, y compris lorsqu’ils sont assis à leur poste de travail. Chez Axa France, la direction considère que c’est un pli à prendre et les collaborateurs tentent de faire preuve de résilience.

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Les collaborateurs d’Axa France ne se bousculent pas à l’accueil de leur siège à Nanterre ce lundi 31 août. Masqués, ils arrivent au compte-gouttes, de façon échelonnée. « Visage détecté, veuillez mesurer la température », commande une machine à l’entrée. Disciplinés, ils avancent le poignet et attendent le feu vert de l’automate. Quand cela ne marche pas, un agent de sécurité prend le relais avec un thermomètre frontal infrarouge. Aucun salarié n’a présenté de la fièvre ce matin.

Les collaborateurs sont ensuite priés de passer par la borne de gel hydro-alcoolique pour se désinfecter les mains. A l’accueil, ils peuvent récupérer leur pochette contenant 4 masques par jour. L’hôtesse essaie de se faire comprendre derrière son bout de tissu. « Excusez-moi, je ne comprends pas bien ce que vous dites », répond poliment une salariée. Tout le monde fait preuve de patience. Dans l’ascenseur, un autocollant au sol indique les emplacements autorisés afin de garder les distances. Arrivés à l’open space, les postes sont attitrés. Personne à droite, ni à gauche car une place sur deux est condamnée.

Les espaces de convivialité ont été également fermés pour éviter tout risque de contamination. Les salariés peuvent se faire un café mais ils doivent le boire à leur poste de travail. La capacité des salles de réunion est réduite de moitié. Il convient de passer un coup de lingette après chaque réunion. Dans les toilettes, une "poignée sanitaire" permet d’ouvrir la porte avec son pied. Les couloirs et les open space sont bien vides ce lundi matin. En revanche, le café-boulangerie Eric Kayser du sous-sol est très animé. C’est un des rares endroits où les gens peuvent se parler sans masque.

[caption id="attachment_1413708" align="alignnone" width="620"]Estelle Guyon Abinal, secrétaire générale d’AXA France. Estelle Guyon Abinal, secrétaire générale d’AXA France.[/caption]

Retour au bureau en alternance

Après un confinement de 11 semaines, le siège a rouvert ses portes en juin dernier. Les collaborateurs d’Axa France pouvaient retourner sur site sur la base du volontariat, mais la plupart d’entre eux ont préféré prolonger le télétravail. La direction souhaitait mettre fin au principe du volontariat. « Il était nécessaire de renouer avec le lien social. Il n’est bon pour personne de ne pas se voir pendant une période indéfinie », selon Estelle Guyon Abinal, secrétaire générale d’Axa France.

Depuis le 1er juillet, les salariés sont divisés en deux équipes. Les rouges sont obligés de se rendre au bureau lundi, mardi et un mercredi sur deux. Les bleus, de leur côté, doivent être physiquement présents jeudi, vendredi et un mercredi sur deux. A chaque changement d’équipe, le mobilier est désinfecté en profondeur. Ce système bicolore a fait ses preuves dans les entités d’Axa en Asie avant d’être exporté en France. De cette façon, Axa s’assure de ne jamais avoir plus de 50% des collaborateurs sur site.

« Le nouveau système a pu susciter des craintes avant son application, mais finalement c’est un système très égalitaire », explique Estelle Guyon Abinal, secrétaire générale d’Axa France. Les craintes concernent principalement les transports en commun. Pour y répondre, la compagnie a ouvert l’accès au parking de l’entreprise pour tous les collaborateurs et a autorisé les horaires décalés. Le groupe a également organisé deux webconférences et 5 ateliers collaboratifs  avec des intervenants externes pour préparer psychologiquement les collaborateurs au retour sur site et leur permettre d’évacuer les peurs.

Une nouvelle obligation est venue percuter cette organisation bien huilée. Le port du masque était obligatoire jusqu’à présent pendant les déplacements à l'intérieur de l'entreprise et dans les salles de réunion. A compter de ce 1er septembre, il est obligatoire partout, y compris dans l’open space lorsque le salarié est assis à son poste de travail. « Il est cependant possible de l’enlever pour boire. On ne va pas risquer des problèmes de déshydratation », précise Estelle Guyon Abinal.

« Porter le masque toute la journée est une contrainte supplémentaire à laquelle il faudra s’habituer. C’est une question d’accoutumance. Personnellement, pendant les premiers trajets en RER avec le masque, j’étouffais et je n’étais pas bien physiquement alors que maintenant je trouve cela normal », considère Estelle Guyon Abinal.

La secrétaire générale d’AXA France a déclenché la cellule de crise en mars. Depuis avril, cette cellule a été remplacée par un « comité opérationnel de résilience » qui adapte les mesures sanitaires de l’entreprise en fonction de l’évolution de la pandémie. Il décline également de façon opérationnelle les grandes décisions.

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La cantine pleine comme un oeuf

A 12h, une des cantines commence à se remplir. Plusieurs mesures ont été prises pour adapter la restauration collective. « Emplacements des tables en quinconce, sens de circulation, horaires élargis… L’objectif est d’éviter l’encombrement. Nous servons ici 750 couverts. Même avec uniquement 50% des collaborateurs, nous avons des problèmes de fluidité, indique Pascal Poncet, de la direction du cadre de vie. Nous avons 3 selfs ouverts, plus Eric Kayser et un distributeur de sandwichs pour les gens qui souhaitent manger à l’extérieur. La restauration a été repensée et l’offre simplifiée, tout en préservant la qualité. Il n’y a plus de manipulation de couverts. Sur les plateaux, il y a déjà les couverts et le pain et nous avons remplacé les bars à salades ou à fruits ».

Normalement, la cantine prévoit des repas pour 60 à 65% des salariés présents sur site. Mais en ce jour de rentrée, ils ont prévu large, car les salariés ont envie de se retrouver. 12h30, la cantine est pleine comme un œuf. La direction des ressources humaines va étudier la possibilité d’ouvrir des créneaux de réservation, de 11h30 et jusqu’à 14h, afin d’éviter les attroupements. Axa France étudie également la réouverture de la brasserie d’entreprise Chez Auguste et des services de coiffeur, esthétique et manucure.

Ce matin, les partenaires sociaux et la direction ont organisé une réunion du comité social et économique (CSE) exceptionnelle. « Il a été décidé le port du masque fourni par l’entreprise en toute circonstance. Ce n’est pas prévu dans le nouveau protocole sanitaire national, mais les salariés vulnérables bénéficiant d’un certificat d’isolement pourront rester en télétravail à plein temps, indique Sibylle Quéré-Becker, directrice du développement social d’Axa France. Je pense que l’acceptation de ces mesures de la part des partenaires sociaux est assez bonne. Retenir des règles simples peut être rassurant. Il faudra ensuite voir comment les collaborateurs vont supporter de porter le masque toute la journée. Il faudra certainement prévoir 10 minutes pour aller respirer un peu », affirme Sibylle Quéré-Becker.

[caption id="attachment_1413705" align="alignnone" width="620"]Marie-Anne Homond est chef de marché Epargne et Retraite Part et Pro d'Axa France Marie-Anne Homond est chef de marché Epargne et Retraite Part et Pro[/caption]

Marie-Anne Homond est chef de marché Epargne et Retraite Part et Pro depuis 2003. Elle nous accueille avec un magnifique masque collector de Jean-Paul Gaultier qui lui permet de sourire même en étant masquée. Elle a passé le confinement dans une banlieue verdoyante de l’Ouest parisien avec son mari et sa fille étudiante. « J’ai été amenée à assurer des missions différentes. D’habitude, je représente la voix du client, je passe du temps avec les agents, je rencontre des panels de clients pour tester des services. Tout cela a disparu et j’ai bon espoir que cela reprenne car nous avons perdu de vue les clients. C’est ce qui m’a le plus manqué. Il y avait en plus le stress des réseaux parce que les ventes se faisaient moins bien. Nous en avons profité pour former les commerciaux. Je trouve qu’on a bien travaillé. Les gens étaient plus respectueux des horaires et plus impliqués que pendant les réunions physiques ». Marie-Anne n’a pas souffert du confinement mais elle a beaucoup travaillé pendant cette période. Elle commence à avoir mal aux cervicales. « Il est temps que j’investisse sur un fauteuil et un autre écran à la maison », dit Marie-Anne qui aimerait perdre son « ventre de confinement ».

Vivre sans l'ambiance de la machine à café

La chef de marché est revenue en juin quand la présence au bureau était sur la base du volontariat. « Nous étions trois collègues par étage, et il fallait manger son plateau repas devant son PC. Heureusement, nous nous sommes tous retrouvés un midi dehors pour nous serrer les coudes », se souvient-elle.

Depuis le premier juillet, Marie-Anne Homond fait partie de l’équipe rouge. « Le masque ne me dérange pas. Je le porte depuis ce matin et je ne m’en rends pas compte, sauf quand quelqu’un me lance un compliment. Ici, tout est organisé pour qu’on puisse travailler en toute sécurité. Nous croisons le personnel de ménage toute la journée, mais ma principale crainte sont les transports ». Marie-Anne a 20 minutes de RER le matin pour se rendre au bureau. Elle change son beau masque en tissu par un autre avec un filtre dès qu’elle met un pied dans le RER. Après la crise, elle aimerait passer de 1 à 2 jours de télétravail par semaine afin d’éviter de se déplacer.

Marie-Anne Homond se dit cependant chanceuse par rapport à son mari qui n’est pas encore revu ses collègues. Elle est contente de reprendre sa vie sociale au bureau. Le seul souci c’est qu’elle n’a pas croisé certains de ces camarades depuis mars dernier avec lesquels elle aimait déjeuner une fois par semaine. Ils font partie de l’équipe bleue. Elle est également embêtée vis-à-vis de sa future alternante. Leurs temps de présence au bureau sont incompatibles. « Je vais uniquement la voir un mercredi sur deux », regrette-t-elle. Mais ce qu’elle regrette le plus c’est l’ambiance de la machine à café « C’est une catastrophe ! C’est là où tout se joue, où l’on apprend les détails de la prochaine réorg », s’amuse-t-elle.

Marie-Anne et ses camarades ont trouvé le moyen de contourner les interdictions de rassemblements autour de la machine à café. Ils se retrouvent dehors, pendant les pauses clope, ou bien en fin de journée. Les restaurants autour du bureau sont pris d’assaut, après une période très morose. Face à la forte fréquentation, le bar à côté a même décidé d’ouvrir jusqu’à minuit pour accueillir les nombreux after-work des salariés d’Axa.

[caption id="attachment_1413706" align="alignnone" width="620"]Alban Durand de Corbiac est executive assistant de la Directrice Santé et Prévoyance AXA Santé et Collectives. Alban Durand de Corbiac est executive assistant de la Directrice Santé et Prévoyance AXA Santé et Collectives.[/caption]

"Je suis prêt à faire ce petit sacrifice"

Alban Durand de Corbiac est executive assistant de la Directrice Santé et Prévoyance AXA Santé et Collectives. Il a la chance d’être bicolore. Il a droit à deux jours de télétravail par semaine mais il ne les prend pas toujours. « Je m’organise comme je veux, en fonction de ma charge de travail », dit-il. Alban est asthmatique et se rend au bureau en voiture. « Je n’ai pas envie de reprendre les transports. C’est stressant, dit-il. J’ai perdu du poids à cause du stress du covid, j’étais angoissé de l’attraper ».

« Le confinement c’était facile au début. Après 25 jours de confinement, j’avais la sensation d’être déconnecté de tout, tous les jours se ressemblaient, c’était lassant et deshumanisant, comme un jour sans fin. Et avec le déconfinement, on pensait que c’était derrière nous. Cela me rappelle les sous-mariniers, qui ont besoin d’un accompagnement pour revenir à la surface », illustre-t-il.

Alban s’est fait alpaguer ce matin par un vigile quand il partageait un café avec des collègues. Après l’été, « revenir en septembre avec des règles plus coercitives c’est plus difficile ». Est-il prêt à travailler masqué toute la journée ? « Je suis prêt à faire ce petit sacrifice, car les chiffres sur l’épidémie plongent. On n’a pas été très vigilants. Une chose est sûre : je n’ai pas envie de me reconfiner », dit-il.

Alban considère que l’organisation dérogatoire bleu-rouge est une bonne chose. Pour l’après crise, il aimerait introduire plus de souplesse, que le retour sur site soit sur la base du volontariat, pour pouvoir plus facilement se déplacer et organiser ses journées en pleine liberté : être présent une semaine, pouvoir télétravailler la suivante et ensuite être présent deux semaines de suite. « Axa a très bien fonctionné avec des gens qui ont travaillé à distance », avance-t-il.

[caption id="attachment_1413707" align="alignnone" width="620"]Stéphane Baudot, responsable de la transformation et expérience client Direction Dommage Pro et particulier d'Axa France Stéphane Baudot, responsable de la transformation et expérience client Direction Dommage Pro et particulier d'Axa France[/caption]

Sortir fumer pour respirer

Stéphane Baudot, responsable de la transformation et expérience client Direction Dommage Pro et particulier, manage une équipe de 5 personnes. Il n’a pas identifié des situations de détresse, sauf pour une personne qui venait de rejoindre l’équipe et pour laquelle il a mis en place un suivi. Il vante les qualités de l’organisation mise en place par Axa France. Seul bémol, le délai d’1,5 mois pour recevoir le deuxième écran à la maison. Les consultants qui travaillent pour lui ont fait la demande de pouvoir passer d’équipe bleue à équipe rouge et vont bientôt avoir les mêmes temps de présence sur site que lui. L’objectif de ce système n’est pas de diviser les équipes mais de faire en sorte que les gens rattachés à la même direction puissent avoir la même couleur.

« Porter un masque sur son lieu de travail ne fait plaisir à personne. Cela dit, je pense que ça va grogner doucement car ce n’est pas un excès de sécurité. Nous allons fumer régulièrement avec les membres de mon équipe pour pouvoir respirer », admet-il. « Mon patron est en suspicion de covid. 5 cadres de l’entreprise avec lesquels il a déjeuné la semaine dernière ont été mis en quatorzaine. Axa prend toutes les mesures de précaution qui s’imposent », déclare-t-il.

Ce système bicolore dérogatoire est en vigueur jusqu’à nouvel ordre et peut évoluer en fonction de la situation sanitaire. Axa France a signé un nouvel accord de télétravail en avril dernier qui prévoit au minimum trois jours de présence sur site par semaine. L’accord n’a jamais été mis en application sauf pour l’article qui prévoit des circonstances exceptionnelles. Avant la crise, Axa France comptait 60% de télétravailleurs. Aujourd’hui, 65% des collaborateurs ont demandé à pouvoir faire du télétravail. Ce taux va vraisemblablement augmenter après cette période exceptionnelle. Faut-il revoir l’accord télétravail ? « Nous allons faire un retour d’expérience de la période, en tirer des enseignements et nous projeter dans le futur pour voir quelle organisation on souhaite pour demain », déclare Sibylle Quéré-Becker.

« Je suis peut-être de la vieille école mais je n’étais pas partisan du télétravail avant le confinement. Cette crise m’a fait changer d’avis et je serais désormais prêt à en faire un jour par semaine. Travailler de chez moi me permet de me lever plus tard et d’éviter les bouchons », affirme Stéphane Baudot.

Ce reportage a été intégralement réalisé avec un masque sur le nez.

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