Démarchage téléphonique : Cette obligation qui fait grincer des dents
Adopté en commission mixte paritaire, le texte définitif sur la réforme du courtage prévoit l’enregistrement et la conservation des échanges entre courtiers et clients dans le cadre du démarchage téléphonique. Une obligation qui fait grincer certains intermédiaires.
Définitivement adopté par la CMP le 10 mars dernier, le texte relatif à la régulation du courtage vient clore plus de deux ans de travaux parlementaires, avec la création dans les prochains mois d’associations représentatives de la profession. Si la CNCEF Assurance et la CNCEF Crédit ont salué l’adoption définitive de la loi, les nouvelles obligations concernant le démarchage téléphonique ne passent toujours pas chez certains intermédiaires.
En février dernier, l’adoption devant le Sénat de deux amendements visant à renforcer l’encadrement de la vente de contrats à distance avait déjà fait réagir la profession. Le texte, qui prévoyait l’interdiction des « ventes en un temps », introduisait surtout, en cas d’appel pour la vente d’un nouveau produit d’assurance, une obligation d’enregistrement et de conservation des communications téléphoniques par le courtier.
« Cette obligation va donc s’imposer à l’ensemble des professionnels de la distribution d’assurance qui est pourtant respectueuse de la règlementation par ailleurs déjà extrêmement exigeante en termes de protection des clientèles », avaient alors écrit dans un courrier conjoint les président(e)s d’Agéa, de Planète CSCA et de la FFA que News Assurances Pro a pu consulter. Les trois fédérations, qui considéraient que ces nouvelles contraintes, imposées « sans discussion ou étude d’impact préalables » auraient pour eux des coûts importants, leur soient imposées, avaient alors demandé expressément à Bruno Le Maire « d’intervenir pour revenir, sur ce point, au texte de la Proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture ».
L’enregistrement en question
Au sortir de la CMP, le texte a finalement été revu sur certains points, faisant notamment la distinction entre appels sollicités et non sollicités. Mais l'obligation d'enregistrer des communications demeure, même si elle ne s'appliquera pas lorsque l'adhérent a sollicité l'appel, a consenti à être appelé ou encore lorsqu’il est lié au distributeur par un contrat en cours.
« Nous sommes satisfaits de l’issue de ces travaux parlementaires. Nous avons, avec la FFA et les courtiers, fait œuvre de pédagogie auprès des parlementaires et du gouvernement pour retailler le périmètre du démarchage téléphonique. In fine, l’appel d’un client en portefeuille ou d’un prospect qui a accepté d’être sollicité n’est pas du démarchage », indique Agéa, sollicité par la rédaction.
De son côté, Bertrand de Surmont, président de Planète CSCA s’interroge. « De manière pragmatique, devoir enregistrer l’ensemble de ses échanges téléphoniques me semble très éloigné de la réalité du terrain. Seules les grosses structures de courtage ont la capacité de faire cela. Comment voulez-vous que les courtiers de proximité, les petits cabinets de quelques salariés qui passent la majorité de leur temps sur les routes ou utilisent uniquement leurs téléphones portables puissent appliquer ces mesures ? Je m’interroge également sur le fait que cet amendement relatif au démarchage téléphonique, rejeté comme cavalier législatif devant l’Assemblée Nationale, soit réapparu devant le Sénat avant d’être validé en CMP. C’est troublant, voire incompréhensible », fait valoir ce dernier.
« La rédaction proposée contribuera à préserver les offres commerciales en cours, et singulièrement les offres globales dans le domaine des assurances : à défaut, certains modèles économiques auraient été freinés, dont celui des comparateurs en ligne, qui est bénéfique puisqu'il offre un choix au consommateur. Nous aboutissons à un texte tout à fait protecteur et clair », a déclaré pour sa part la députée Valéria Faure-Muntian, auteure du texte en question et rapporteure pour l'Assemblée Nationale
Problème constitutionnel ?
De manière plus générale, la question de la constitutionnalité du texte est revenue sur la table à plusieurs reprises lors des discussions générales de la commission mixtes paritaires. « Ne sommes-nous pas en train de tirer une balle dans le pied de nos propres courtiers ? », s’est ainsi interrogé le député (LR) Patrick Hetzel. « N'y a-t-il pas un problème de nature constitutionnelle ? Ce texte réintroduit des dispositions qui avaient déjà été censurées par le Conseil constitutionnel dans sa décision sur la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises. Un risque similaire ne se présente-t-il pas ? », a questionné ce dernier.
« Nous ne sommes pas les seuls à considérer que cette PPL pose un problème constitutionnel. Je constate avec déception que nous sommes loin d’un choc de simplification et nous ne partageons pas les moyens imposés pour atteindre les objectifs initiaux. Sans doute aurait-il fallu simplement créer un Ordre des courtiers. In fine, cette PPL va entraîner une distorsion de concurrence entre les courtiers et les intermédiaires opérant en LPS, ou les agents généraux pratiquant le courtage accessoire », argue Bertrand de Surmont. « Désormais, une vraie bataille commerciale va se jouer entre associations représentatives, notamment autour de la formation. Le mélange des genres entre commercial et réglementaire est un sujet à prendre en considération. Si chaque gouvernance d’associations aura ses propres modes de sanction, elles pourront aussi faire des recommandations sur les démarches commerciales avec le risque que les courtiers se rapprochent des structures les plus conciliantes… », ajoute ce dernier.
Désormais, les décrets d’applications du texte sont attendus, la mise en place effective de ces associations représentative du courtage interviendra au 1er avril 2022.
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