Epargne-retraite : L'objectif du gouvernement est-il atteignable ?
La Loi Pacte simplifie le marché de l'épargne-retraite jusque-là très compartimenté entre différents produits. Le gouvernement espère faire monter l'encours à 300Mds d'euros d'ici la fin du quinquennat, soit un bond de 30%.
L'épargne-retraite en France représente 230Mds d'euros d'encours. Une goutte d'eau face au 1.700Mds d'euros de l'assurance vie, aux 400Mds d'euros placés sur les livrets réglementés, mais également au regard des sommes laissées en sommeil sur les dépôts à vue. Elles atteignaient 390Mds d'euros début 2018.
Une manne financière que le gouvernement espère bien rapatrier sur le plan épargne-retraite version loi Pacte. Ce dernier vise en effet les 300Mds d'euros d'encours d'ici la fin du quinquennat, soit une hausse de 30% dans les deux années à venir. Une chose est sûre, assureurs et gestionnaires d'actifs vont se jeter à corps perdu sur ce marché. « Dans le contexte de taux négatif, il va être très compliqué pour les assureurs d'assumer la liquidité totale et la garantie à tout moment du capital », pointe Guillaume Rosenwald, directeur général de MACSF Epargne Retraite. En d'autres termes, le fonds euros semble avoir vécu. « Aujourd'hui nous sortons une performance de 1,5% sur nos placements », fait valoir un dirigeant, illustrant les difficultés des assureurs pour trouver de la performance financière.
Se débarrasser du carcan de la garantie du capital à tout moment
La réforme de l'épargne-retraite tombe dès lors à point nommé. La gestion pilotée à horizon permet en effet aux assureurs de se débarrasser de ce carcan de la garantie à tout moment et de diversifier les placements vers des actifs plus risqués. « Nos taux d'UC sur le Perp et le Madelin frisent les 50% », illustre Olivier Mariée, directeur des ventes et de la distribution d'Axa France. Ils montent à 90% chez Swiss Life France.
Le texte prévoit toutefois de sécuriser progressivement le capital, mais à partir de 10 ans avant la liquidation du contrat. Assureurs et gestionnaires sont alors contraints d'investir au moins 20% du capital en supports peu risqués à 10 ans, puis au moins 50% à partir de 5 ans et au minimum 70% à partir de 2 ans.
Pour autant, tous les Français ne trouveront pas nécessairement un intérêt à souscrire un PER. « Il ne sera intéressant en sortie en capital que lorsque le différentiel de taux d'imposition entre la phase de capitalisation et la phase de liquidation est significatif », souligne Baptise Yon, actuaire produit épargne retraite à la MACSF. En d'autres termes, le PER se trouve être plus porteur pour des patrimoines déjà importants et imposables. « Nous visons des patrimoines supérieurs à 100.000 euros », annonce Eric Le Baron, directeur général de SwissLife Assurance et Patrimoine et directeur de la distribution de Swiss Life France.
Les versements volontaires sur le PER individuel sont en effet déductibles de l'assiette de l'impôt sur le revenu dans la limite des plafonds déjà existants pour le Perp et le Madelin. Si cette option est choisie, les capitaux versés, au moment de la liquidation deviennent soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu et les plus-values latentes au prélèvement forfaitaire unique. « Il sera donc important de liquider son PER en année fiscale pleine lorsque le client touchera sa pension de base, afin de ne prendre en compte que cette pension et non ses quelques mois de revenus d'activité », pointe un observateur. « Plus le client a un différentiel de taux marginal important, plus il est gagnant », souligne Olivier Mariée.
L'alternative rente/capital peut accélérer la collecte
La fiscalité en cas de sortie en rente est différente, mais il y a de fortes chances que la sortie en capital soit privilégiée. Le seul produit offrant l'alternative rente/capital, à savoir le Perco, est liquidé à presque 100% en capital selon des chiffres publiés par la Drees, preuve d'une certaine forme de désamour de la rente.
Et c'est justement ce point qui pourrait débloquer les versements sur les PER. « La liberté de choix entre rente et capital devrait favoriser les arbitrages pour des versements vers le plan épargne-retraite », estime Stéphane Dessirier, directeur général du groupe MACSF. A cela s'ajoute le nouveau cas de sortie anticipée pour l'achat de sa résidence principale, le report du plafond de déductibilité d'épargne-retraite non utilisé pour le Perp en 2018 pour l'exercice 2019 et le doublement de l'abattement annuel de l'assurance vie en cas de transfert vers un PER jusqu'au 1er janvier 2023.
« Je pense que cela va vraiment développer la collecte, anticipe Olivier Mariée. Nous réalisons 850M d'euros de collecte sur les Perp et les Madelin. Je suis convaincu que nous pourrons faire beaucoup plus dans les mois qui viennent ». Même enthousiasme du côté de Swiss Life France qui prévoit de doubler sa collecte dans les 4 à 5 prochaines années. Enfin, pour Guillaume Rosenwald, « l'objectif du gouvernement est atteignable ».
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