Étude : Comment les assureurs peuvent-ils concurrencer les banques ?
Un tiers des assurés n’a eu aucun contact avec leur assureur au cours des 24 derniers mois et cela convient à 82% d’entre eux. Les assurés ont intérêt à détecter les moments de vie de leurs assurés grâce aux données personnelles pour proposer des services pertinents et personnalisés, selon la première édition du baromètre Deloitte « Les Français et leur assureur ».
L’étude s’intéresse à la relation que les Français entretiennent avec leur assureur, en matière d’assurance auto, habitation, emprunteur et prévoyance. Sont donc exclues l’assurance vie et santé. 3.000 assurés ont été interrogés dans le cadre de cette étude réalisée en partenariat avec Harris Interactive.
68% des Français n’ont pas eu de contact avec leur assureur au cours des 24 derniers mois et uniquement 18% d’entre eux auraient souhaité être contactés. Les assurés partagent peu leurs événements de vie personnels avec leur assureur. Une naissance est déclarée dans 53,4% des cas, un mariage, dans 51,4% des cas, un décès d’un proche ou une succession, dans 31,6% des cas, la dépendance d’un proche, dans 26,1% des cas. Les assurés sont donc distants de leur assureur principal et cela leur va bien car 54% d’entre eux considèrent que leurs événements ne le concernent pas.
Malgré ce peu de cas des assurés, l'assureur a intérêt à proposer des offres commerciales personnalisées et à se positionner en tant qu’accompagnateur des moments de vie de l’assuré, car quand, il le fait, il obtient de bons taux de satisfaction (73% en cas de naissance, 69% en cas de mariage, 68% en cas de chômage, 67% en cas de divorce). « L’assureur se doit d’être exceptionnel dans le traitement de ces moments de vie. Face au caractère généraliste des banques, il doit être en mesure d’apporter une réponse plus personnalisée », avance Hugues Magron, associé conseil assurances de Deloitte.
Prêts à partager les données personnelles avec l'assureur
Les banques, grâce aux données bancaires de leurs clients, sont très bien placées pour pouvoir détecter les moments de vie. « Il existe donc un enjeu de détection de ces moments de vie chez les assureurs, grâce notamment à l’exploitation des données personnelles », explique Anaïs Bréger, directeur conseil assurances de Deloitte. D’autant plus que 7 assurés sur 10 sont prêts à partager leurs données personnelles avec leur assureur si cela leur permet de réduire leur cotisation ou de personnaliser leur contrat.
Autre atout des assureurs, la majorité des Français (78%) déclarent avoir confiance en leur assureur, un niveau de confiance supérieur à celui qu’ils ont envers leur banque, envers de nouveaux acteurs (46%) ou envers des acteurs en ligne (57%). Les Français sont également fidèles à leur assureur. Plus de la moitié d’entre eux n’a pas changé d’assurance auto ni habitation dans les 10 dernières années. Seulement 11% d’entre eux envisagent de résilier leur contrat dans les prochains 6 mois. Pour souscrire un nouveau contrat 62% des Français s’orientent vers une compagnie d’assurances, 52% vers une mutuelle et 28% vers une banque. En revanche, uniquement 10% déclarent vouloir souscrire auprès d’une start-up ou une enseigne de la grande distribution.
Encore du chemin sur le digital
Les usages du digital restent encore faibles et l’étude montre un décalage entre les intentions d’utilisation et les usages réels. Ainsi, même si 27% des répondants déclare vouloir entrer en contact avec son assureur via le site web ou l’espace client, uniquement 16% le font réellement. Inversement, uniquement 16% déclarent avoir l’intention de passer par le téléphone alors que 28% appellent finalement son assureur.
Le contact humain reste prépondérant pour les assurés. 29% se sont rendus à leur agence au cours des 24 derniers mois, et 27% ont appelé leur assureur. Pourquoi les Français sont peu nombreux à passer par des canaux digitaux ? Deloitte avance deux hypothèses. « Soit le digital reste encore trop complexe, avec une expérience utilisateur à améliorer, soit la fonctionnalité n’existe pas pour l’instant dans l’espace client de l’assureur », explique Hugues Magron, associé conseil assurances de Deloitte.
29% des opérations réalisées par les Français se font en agence, notamment les évolutions de contrat, la souscription et le devis. Cependant, 24% des Français n’y vont jamais et 22% uniquement de façon ponctuelle. Les acteurs qui enregistrent plus de fréquence de visite sont les bancassureurs qui disposent d’un réseau physique étendu. Les assurés se disent prêts à accepter une fermeture d’agence à condition de pouvoir continuer à interagir avec leur assureur, explique Deloitte.
28% des opérations sont effectuées par téléphone, notamment pour déclarer un sinistre, poser une question sur un contrat ou faire une réclamation. Seulement 16% des opérations se font via l’espace client de l’assuré. Elles concernent la recherche d’informations et la comparaison d’offres, le suivi d’un sinistre ou bien la modification administrative d’un contrat.
Manque d'intérêt pour l'appli mobile
40% des Français déclarent n’avoir aucun intérêt à utiliser les applications mobiles et la messagerie instantanée. Ils sont également réticents utiliser les assistants vocaux. En revanche 68% d’entre eux se disent prêts à gérer totalement leurs sinistres en ligne, un indicateur anormalement élevé qu’il convient de relativiser, selon Deloitte. « Si un quart des assurés s’intéressaient déjà à la gestion de sinistre en ligne, cela serait déjà très bien car il y a un facteur émotionnel et deux moments clés dans la gestion de sinistre : celui où l’assistance intervient et celui où l’assureur informe du montant de l’indemnisation », explique Hugues Magron.
Les nouveaux acteurs, pas de concurrents de taille
L’étude Deloitte prouve que les nouveaux acteurs (start-up, géants du Web, enseignes de grande distribution) ne jouissent pas du même capital de confiance que les assureurs traditionnels. Face aux nouveaux acteurs, 66% des Français craignent une mauvaise gestion des contrats et des sinistres, et 71% d’entre eux ont peur que leurs données personnelles soit utilisées à d’autres fins que celles de leur assurance. Uniquement 6% des Français feraient complètement confiance à un nouvel acteur pour gérer leur contrat et 10% pour en être l’intermédiaire. « Les assureurs ont intérêt à se positionner comme partenaires de ces nouveaux acteurs dans une démarche d'open insuring, puisque les Français ne sont pas prêts à leur faire confiance seuls », explique Anaïs Bréger.
Les nouveaux acteurs ne représentent pas pour l’instant une menace pour les assureurs traditionnels. « La menace pourrait venir d'un nouvel acteur qui souhaite intermédier la relation client. La vraie concurrence se joue aujourd’hui entre bancassureurs et assureurs, car, dans un contexte de taux bas, la capacité des banques à générer du produit net bancaire est faible. Leur portefeuille de clients bancaires représente un réservoir de personnes à équiper, notamment en IARD », considère Hugues Magron.
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