PCA, télétravail, gestion des risques, impact financier, réputation… L’Institut des actuaires publie les travaux de l’Observatoire actuariel de la crise du coronavirus, une étude sociologique qui analyse les perceptions et les enseignements de la crise.
L’étude à destination des actuaires analyse l’impact de la crise pour le secteur de l’assurance. Elle est basée sur des entretiens réalisés auprès des actuaires. Le travail, conduit par l’agence Accroche-com’ et l’équipe de PhDTalent, est signé par Pauline Vessely, docteure en sociologie de la culture et chercheure associée au CERLIS.
Jusqu’à présent, les plans de continuité d’activité et de gestion des risques étaient basés sur des données historiques. La crise du coronavirus invite les actuaires à envisager de nouveaux modes de construction basés davantage sur l’ « imagination » et les « signaux faibles ». Les PCA devront donc désormais envisager l’exceptionnel, et vont se centrer sur la mobilité et l’accès à distance des collaborateurs, au lieu de prévoir des plans de repli classiques, pointe l’étude.
L'interconnexion des risques
La crise a également révélé l’ « interconnexion des risques », car tous les maillons de la chaîne d’activité (clients, fournisseurs, consultants et sous-traitants) doivent être considérés conjointement. Les auteurs de l’étude invitent les actuaires à documenter l’expérience vécue afin d’adapter les PCA.
Concernant la continuité d’activité pendant le confinement, les PCA n’avaient pas anticipé une situation si extrême, même si les entreprises ont fait preuve d’adaptabilité et qu’il n’y a pas eu des pertes de productivité importantes. L’équipement informatique, la numérisation et les serveurs sont citées comme les principales difficultés. « Le télétravail intensif s’est avéré une réponse à la crise bien plus efficace que ce qui était attendu », écrivent les auteurs de l’étude.
Concernant la gestion des risques, les équipes se sont retrouvées dans l’incapacité à évaluer les risques du fait de l’urgence à traiter au jour le jour. Par ailleurs, cette crise invite à adapter les systèmes d’information à un télétravail mieux sécurisé. De nouveaux risques apparaissent comme les cyber-attaques ou la sédentarité. L’amélioration des outils et des pratiques s’impose dans un contexte de télétravail qui devrait se prolonger.
Les personnes interrogées considèrent que les répercussions de la crise pour le secteur de l’assurance seront palpables dans les résultats de l’année 2020 mais surtout 2021 et 2022. L’étude prévoit aussi une diminution des recrutements, voire des licenciements. Le recours aux consultants et prestataires pourrait aussi être impacté.
Inquiétudes sur les actifs des assureurs
Il faudra attendre le dernier trimestre 2020 pour connaître l’impact financier de la crise sur le secteur. En attendant, les inquiétudes majeures concernent les pertes d’exploitation, les arrêts de travail, le chômage partiel et la portabilité. « Le portefeuille d’actifs des entreprises d’assurances » reste cependant la principale préoccupation. L’étude indique qu’en fonction de la diversification des activités, les entreprises d’assurance seront plus ou moins touchées par la crise.
Le cyber-risk accentué par le télétravail
Parmi les nouveaux risques à couvrir, le risque cyber représente la principale opportunité. Le développement d’une couverture pandémie en discussion pose la question de l’assurabilité de ce risque systémique. Parmi les nouveaux services envisagés pour renforcer la relation client, sont évoquées la prévention des risques psychosociaux liés au télétravail ou la reprise du travail dans un contexte anxiogène
Confrontée à la crise économique, l’activité commerciale des assureurs tourne au ralenti car il est difficile de rencontrer les prospects. Certains assureurs envisagent d’augmenter les tarifs ainsi que d'élargir les exclusions dans leurs contrats. Pour d’autres, il est préférable de faire preuve d’humanité et d’adaptabilité face aux entreprises qui sont en difficulté.
Solva 2 est inadapté
Concernant le cadre règlementaire, « les modèles de calculs, qu’il s’agisse des scénarios pandémie, de l’ORSA ou des tables de mortalité tels qu’ils sont proposés dans Solvabilité II, sont loin de la réalité d’une crise extrême comme celle du Covid-19. Notamment parce qu’ils ne tiennent pas du tout compte de l’interconnexion actuelle entre crise sanitaire et crise économique et sociale », selon l’observatoire. Solva II aurait montré ses limites mais en période de crise et de reconstruction, comment faire évoluer la réglementation ? Les assureurs souhaitent être impliqués dans les réflexions des futurs cadres règlementaires post-covid.
Enfin, les assureurs anticipent une réorganisation des entreprises autour du télétravail et de la numérisation. L’étude souligne les avantages pour la santé économique de l’entreprise de ces nouvelles organisations : « diminution de la taille des locaux et donc des coûts immobiliers, délocalisation des salarié.es, etc ». Ils pointent également la corrélation entre les relations informelles au bureau et productivité et soulignent les difficultés pour intégrer de nouveaux salariés ou stagiaires dans un contexte de télétravail étendu. Les auteurs alertent également sur une stigmatisation probable des "absents physiques" dans un contexte où le télétravail n’est plus généralisé.
La crise a par ailleurs démontré l’urgence d’accélérer la numérisation des entreprises et de leurs process. Le dernier chapitre de l’étude est consacré à l’image écornée du secteur de l’assurance, suite à une communication jugée trop dispersée pendant la crise. Les auteurs recommandent de mettre en place des actions pédagogiques efficaces pour améliorer la culture du risque.
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