Fabrice Domange : « Nous ne sommes pas (encore ?) en situation de "hard market" »
INTERVIEW - Fabrice Domange, président du directoire de Marsh France, fait le point sur le début d'exercice du courtier et sur un marché des grands risques qui se durcit depuis plusieurs mois. Le dirigeant revient également sur ses actions au sein de Mercer Marsh Benefits et sur ses perspectives d'acquisitions.
Pouvez-vous revenir sur votre début d'année 2019 et nous dire comment se passe la période des renouvellements ?
A fin septembre 2019, nous enregistrons une hausse de notre chiffre d'affaires de 3% et une progression de 7% de nos affaires nouvelles. Nous devrions atteindre les 7,8% de « new business » à fin 2019.
Cette belle performance est notamment soutenue par les grands comptes et les ETI, segments sur lesquels nous avons enregistré une croissance de revenus de 4% et une progression de 12% de nos affaires nouvelles. Preuve de la confiance que nous accordent nos clients, nous avons développé nos affaires à hauteur de 20% sur les grands comptes et de 22% sur les ETI. Je rappelle qu'en 2015, les ETI pesaient 6% de notre chiffre d'affaires, contre 20% aujourd'hui, notamment grâce au développement de nos forces commerciales et à la qualité des placements et du service client.
Sur quelles branches performez-vous ?
Nous enregistrons un très fort développement sur nos activités de conseil, ainsi que sur la gestion des sinistres complexes. Nous performons également en risques politiques ainsi que sur les garanties de passifs. Enfin, nous restons leader sur le risque cyber, en fort développement en 2019, où nous plaçons plus de 60% de prime sur un marché tricolore estimé à 100M d'euros.
Si nous enregistrons également une reprise des activités en construction après un exercice 2018 difficile, la période actuelle des renouvellements est tendue en dommages, aviation et automobile avec une plus grande discipline tarifaire appliquée par les assureurs. Jusque-là relativement épargné, le middle market est maintenant aussi confronté à des conditions de marché qui se durcissent.
Justement, comment faites-vous face à cette situation de marché plus tendue ?
Cette évolution du marché nous apporte un défi nouveau. Les placements compliqués et les hausses de primes moyenne - qui peuvent atteindre 20 à 30% en dommage, en D&O ou en aviation et espace - représentent des challenges très motivants. Dans ce contexte, chaque affaire doit être analysée et traitée au cas par cas, et si nécessaire, des solutions alternatives peuvent être recherchées avec le support des équipes de placement locales et/ou globales du groupe Marsh. Chaque situation est unique et toute notre expertise est mise en œuvre pour trouver la solution optimale pour nos clients.
Ces conditions de marché conviennent parfaitement à l'ADN de Marsh qui s'appuie sur l'expertise et la technicité. Grâce à la complexité des risques de nos clients, nous avons acquis une expérience qui nous permet de savoir parfaitement évoluer dans ces situations, au bénéfice de nos clients.
Aujourd'hui, 85% de nos revenus proviennent de clients dont le chiffre d'affaires dépasse le milliard d'euros. Nous ne sommes pas un simple vendeur de polices d’assurance, mais un courtier qui cherche des solutions, qui accompagne le management du risque. Aller challenger les assureurs dans un marché qui se redresse est une situation motivante pour nos équipes. Cela ne veut pas dire que c'est une situation facile, mais notre savoir-faire, notre expérience et le poids de notre réseau dans le monde sont autant d'atouts pour démontrer notre valeur ajoutée dans ce contexte.
Quel regard portez-vous sur les assureurs qui cessent de souscrire sur le marché français ?
Cette situation a un impact limité sur nos activités. Toutefois, nous constatons que les grands porteurs de risques réduisent également leurs capacités d'apérition. Nous faisons face à davantage de coassurance bien que les capacités restent suffisantes. Dans ce durcissement de marché, le segment middle-market semble notamment être dans le viseur de certains assureurs.
Le marché des spécialités, en cycle soft depuis 2001 et techniquement déficitaire depuis trois à quatre ans, se redresse, parfois brutalement. C'est par exemple le cas en aviation/espace, frappé par une sinistralité exceptionnelle liée aux déboires du Boeing 737 max ainsi qu’à une série d’échecs spatiaux.
In fine, si plusieurs acteurs annoncent de fortes majorations voire l'arrêt de souscription sur certaines branches, le marché reste globalement excédentaire en capitaux et par conséquent en capacités. C'est pourquoi nous considérons que nous ne sommes pas (encore ?) en situation de « hard market ». Désormais, les assureurs sont animés par la volonté d'appliquer une discipline de souscription plus assidue, surtout sur les comptes sinistrés, sur certaines branches et pour certains types de risques.
Où en êtes-vous des synergies engagées avec Mercer France dans MMB (Mercer Marsh Benefits) ?
La création de MMB nous permet d'accompagner encore mieux nos clients sur les sujets de prévoyance santé, en France comme à l'étranger, grâce notamment à la mise en commun de nos capacités de conseil, de courtage et de nos technologies. Au-delà des succès partagés, cela a également permis à nos équipes de mieux se connaître.
La montée en puissance des politiques RSE poussent les entreprises internationales à considérer dans leur ensemble les conditions de couverture d’assurance de leur salariés dans le monde. Mieux répondre à ces nouvelles attentes, c’est aussi l’objet de MMB.
Par exemple, nous travaillons actuellement avec Mercer à la mise en place d'une offre digitale de services via le déploiement d’une plateforme d'administration et de valorisation des avantages sociaux baptisée « Darwin », qui sera lancée conjointement dans les prochains mois. Nous avons également engagé des initiatives ciblées sur le middle-market, notamment en province et nous avons déjà apporté notre expertise conjointe à de nombreux clients durant l'exercice.
Entre le « human capital » porté par Mercer, la stratégie et le conseil délivrés par Oliver Wyman, la réassurance via Guy Carpenter et bien entendu le conseil en gestion de risque de Marsh, nous avons au sein de MMC toute une palette de compétences très pointues délivrées par l'ensemble des entités du groupe.
Peut-on s'attendre à ce que vous fassiez des acquisitions en France prochainement ?
Durant l'exercice précédent, nous avons regardé quatre dossiers sur le marché tricolore. En parallèle, nous devons, à l'échelle du groupe, terminer la phase d'intégration de JLT. Sur ce point, l'arrivée dans nos locaux en juin dernier des 6 spécialistes en risques politiques de JLT font de notre département risque politique et caution le plus étoffé du marché.
Concernant de futures acquisitions, notre principal challenge est aujourd'hui de trouver des dossiers intéressants. Nous cherchons par exemple une implantation géographique particulière ou une plateforme digitale qui pourrait apporter de la valeur ajoutée à nos clients. Notre objectif majeur, en tant que leader mondial, est de toujours tout mettre en œuvre pour renforcer nos compétences afin de répondre aux attentes de nos clients. Nous n'avons pas l'ambition de créer à tout prix du chiffre d'affaires ni de multiplier notre ebitda. A l'image de la capitalisation boursière de Marsh & McLennan Companies, qui ne cesse de grimper années après années, tout comme le cours de l'action du groupe, nous recherchons des opérations qui puissent avoir du sens et être rentables à long terme.
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