Finance durable : Yves Perrier rend sa copie à Bercy
Yves Perrier, président d’Amundi et vice-président de Paris Europlace, remet à Bruno Le Maire son rapport visant à faire de la place financière de Paris une référence pour la transition climatique. Il constate que la transition implique une « transformation radicale » et nécessitera des « investissements massifs ».
Placements verts, unités de compte responsables, politique d’exclusion commune… Il n’a pas fallu longtemps au secteur de l’assurance pour comprendre que son destin était étroitement lié à celui des enjeux climatiques. Par son rôle de gestionnaire des risques mais également par sa contribution non négligeable au financement de l’économie. Pour autant, Bercy pourrait bien avoir une ambition plus grande pour la place de Paris. Missionné en novembre 2021, Yves Perrier, président d’Amundi et vice-président de Paris Europlace a remis un rapport au ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance sur ce sujet. Ce dernier vise à guider les acteurs financiers, dont les assureurs, dans leur transition énergétique et leur alignement avec les objectifs de l’accord de Paris.
Appelé « cadre d’actions », le rapport est constitué de 24 recommandations, articulées autour de 7 chantiers principaux. L’objectif est clair : « devenir la place européenne de référence pour la mise en œuvre des actions climat, reconnue comme telle par ses partenaires européens et anglo-saxons, présente dans les groupes de travail, les alliances et organisations internationales de référence sur le sujet, par l’intermédiaire de ses acteurs ou à titre collectif », peut-on-lire dans le rapport. Une volonté qui concerne assureurs comme gestionnaires d'actifs.
CO2 au compteur
Dans le premier volet, le rapport suggère d’instaurer une comptabilité CO2. En outre, il propose d’accélérer la finalisation des réglementations permettant un reporting financier accru et précis notamment en pesant sur les travaux de l’EFRAG et de l’ISSB. Pour la taxonomie européenne, Yves Perrier propose d’en définir les modalités d’interprétation et d’utilisation pour chaque filière économique. De même pour la mesure du scope 3 afin d’obtenir une cohérence dans les méthodes comptables.
Avec des modalités de calculs comptables arrêtées, les autorités de régulation comme l’ACPR peuvent alors établir des modalités de transmission des données CO2. Le rapport suggère également de définir les modalités d’intégration des données dans les portefeuilles d’investissement, ce qui nécessitera d’adapter les systèmes d’information en conséquence.
L’union fait la force
Le troisième « chantier » consiste à la création de quatre groupes de travail afin de développer « un corpus méthodologique commun ». Ce dernier permettrait d’analyser la notation des performances carbone des entreprises en fonction des trajectoires définies par leur secteur. De ce fait, les groupes de travail pourraient, dans un premier temps, définir des standards d’analyse, mais aussi des standards pour les indices climat utilisés dans la gestion passive de chacun.
France Assureurs au tableau !
Le rapport appelle, dans un quatrième point, les fédérations dont France Assureurs, à promouvoir de nouvelles pratiques de gouvernance et de gestion de l’externalité carbone. Il promeut un investissement total des conseils d’administration et comités exécutifs dans les décisions de stratégie carbone et les arbitrages afin d’intégrer le CO2 aux politiques d’investissement. Et pour cela, Yves Perrier propose d’intégrer la performance carbone dans le mode de rémunérations des cadres dirigeants et des dirigeants.
Avec une gouvernance consciente des enjeux climatiques, le rapport encourage à former comptables, analystes, gérants et chargés de clientèle, ainsi que les réseaux de distribution et les clientèles particulières et institutionnelles.
Un label de transition
Le cinquième volet revient sur la création d’un label de « transition climatique ». À ce sujet, un groupe de travail devrait être créé, selon le rapport, afin de « définir les contours d’un label en mesure de valoriser les investissements dans la transition carbone et pas uniquement dans les actifs déjà considérés comme verts ».
Surveillance accrue
Bien que les assureurs soient engagés depuis plus de cinq ans à exclure de leurs portefeuilles d’investissements certains secteurs à fortes émissions, le rapport Yves Perrier recommande de définir une trajectoire de sortie des énergies fossiles. Avec des piliers de 5 ou 10 ans, chaque institution financière devrait « déterminer des stratégies transparentes et comparables de sortie des énergies fossiles », dont la mise en œuvre fera l’objet d’un reporting public chaque année.
Réallocation de l’épargne
Enfin, le dernier chantier suggère la création d’un « groupe de travail formé de professionnels du secteur financier et des autorités publiques se consacrant à la recherche de solutions financières ». Ces discussions pourraient notamment permettre la combinaison de financements publics et privés permettant de réallouer l’épargne longue des ménages.
L’initiative venue de Bercy et accouchée sur papier par Yves Perrier est claire : si la place financière de Paris souhaite se positionner en tant que référent sur la question de la transition climatique, les chantiers mis en avant dans ce rapport doivent faire preuve d'une supervision accrue. La balle est désormais dans le camps du ministère.
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