Gilbert Chahine (Axa) : "Avec l'eurocroissance, un triptyque s'installe"
INTERVIEW – Gilbert Chahine, directeur général de l’épargne, retraite et prévoyance des particuliers d’Axa France, revient sur le changement de stratégie du groupe en assurance vie. Le dirigeant insiste sur la place de l'eurocroissance dans l’allocation d’actifs de demain.
Peut-on dire aujourd’hui qu’Axa France ne croit plus en l’assurance vie classique ?
Non, le fonds euros, nous y croyons toujours. Il y aura probablement un temps où le cycle économique va s’inverser. Nous serons en capacité un jour lorsque les fonds obligataires remonteront de servir de nouveau, sur le fonds euros, des rendements attractifs. Néanmoins, nous sommes à un croisement de chemins de l’assurance vie où il est important de se transformer avec un plus grand choix pour les épargnants, c’est ce que nous sommes en train de faire chez Axa France.
Pourquoi Axa France a-t-il jeté son dévolu sur l’eurocroissance ?
Avec des taux obligataires très bas, le rendement du fonds général est diminué, encore plus cette année, avec la montée de l’inflation. Nous avons alors voulu très tôt enrichir la diversification de nos offres et permettre aux épargnants d’avoir accès à un produit pouvant capter un rendement plus important tout en gardant une garantie de capital à terme.
Depuis 2014, ce fonds connaît une performance satisfaisante, avec un rendement moyen autour de 3% par an sur les sept dernières années. Il a aussi la particularité de nous permettre de réaliser des investissements beaucoup plus importants dans l’économie réelle que ce que nous faisons actuellement sur le fonds général. Notre fonds Croissance est investi en partie dans l’immobilier, l’infrastructure, les sociétés non-cotées, la dette privée par construction. De plus, les investissements du fonds Croissance sont éthiques et durables labélisés ISR et nous avons l’ambition d’atteindre 50% d’investissements verts (forêts, éoliennes, infrastructures solaires…) dès la fin de l’année 2022. Tout cela est en ligne avec notre stratégie de diversification. Il est disponible dans nos contrats d’assurance vie, épargne, retraite et quel que soit le mode de gestion que le client souhaite.
Nous étions un des premiers acteurs du marché à avoir lancé dès 2014 un fonds eurocroissance. Ensuite, l’entrée en vigueur de la loi Pacte nous a permis de simplifier ce fonds et le rendre plus lisible pour les clients. Cela a été une renaissance pour le produit. Là où il était complexe par le passé, il est devenu plus transparent et compréhensible. Nous avons alors commencé à investir de façon massive dès 2019 afin de déployer ce produit sur l’ensemble de nos gammes et nos supports et monter en puissance sur l’ensemble de nos réseaux de distribution. Aujourd’hui, le fonds Croissance est désormais disponible au sein de nos réseaux salariés, chez nos agents généraux multibranches mais aussi au sein des réseaux tiers de nos partenaires CGP et partenariats bancaires.
S'agit-il d'un changement profond de stratégie de votre part ?
Nous sommes en train de passer d’un modèle historique où nous avions des unités de compte et du fonds euros à un modèle triptyque qui enrichit la gamme. C’est un changement stratégique, c’est une nouvelle orientation qui ne date pas d’aujourd’hui, mais nous sommes dans une situation où nous pensons que c’est le bon moment pour accélérer. L’inflation en est un facteur.
Nous croyons énormément au fait que l’assurance vie est en train de changer de paradigme. Nous sommes désormais dans un paradigme de diversification supplémentaire avec l’eurocroissance. Ce n'est pas conjoncturel ni contextuel, c’est fait pour durer et donc nous sommes sur une dynamique d’accélération des tendances. À titre d’exemple, dans la gestion pilotée que nous proposons à des profils équilibrés - qui représentent la grande majorité des clients - une allocation cible de notre point de vue serait 50% en unités de compte, 25% en fonds eurocroissance et 25% en fonds euros. C’est l’allocation qui fait sens aujourd’hui avec une garantie forte, celle de la sécurité du fonds euros dont le rendement est assez faible, l’eurocroissance qui permet une espérance de potentiel de rendement plus élevé et une garantie à terme, ainsi que des unités de compte sans garantie mais qui permettent un potentiel de rendement encore plus élevé.
Que représente aujourd’hui le fonds eurocroissance au sein de votre portefeuille clients ?
Environ 3% de nos contrats contiennent du fonds eurocroissance en 2021, mais ce qui est plus intéressant de regarder, c’est la part d’eurocroissance dans nos affaires nouvelles, qui est supérieure à 20% en 2021. Le produit a commencé à rencontrer son public cette année. La collecte a doublé avec plus de 600 millions d’euros.
2021 a été une excellente année pour l’assurance vie. Le marché a retrouvé des niveaux équivalents à 2019 et le niveau de diversification s’est encore amélioré. La part en UC et eurocroissance au sein de nos affaires nouvelles a avoisiné les 55%, ce qui représente un niveau historiquement élevé et nous positionne à 15 points au-dessus du niveau de marché.
Concernant l’assurance emprunteur, les sénateurs ont supprimé la possibilité de résiliation à tout moment, qu’en pensez-vous ?
Nous ne pouvons pas commenter des lois qui ne sont pas encore votées. C’est néanmoins, une ligne de métier à laquelle nous croyons beaucoup. Nous savons que les pouvoirs publics tentent de défendre le sujet et les choses sont en train d’évoluer. Cependant, malgré les lois Bourquin et Hamon, 85% du marché reste détenu par les banques. Nous pensons que, dans l’intérêt du consommateur et pour la compétitivité du marché, la résiliation à tout moment serait une bonne chose. Maintenant il faut attendre les débats des pouvoirs publics.
Et la sélection médicale supprimée par Crédit Mutuel, ça vous inspire ?
Oui, c’est une décision courageuse et engagée, même si elle concerne une petite partie des clients et qu’il serait intéressant de voir de quelle manière elle s’inscrit dans la durée. Nous sommes très impliqués sur tous les travaux qui sont en cours dans le cadre de la convention Aéras et la grande majorité de nos clients aujourd’hui bénéficient de tarifs compétitifs sans formalités médicales ou avec des formalités très simples. Ce que propose le Crédit Mutuel, c’est certain, reflète la volonté de l’ensemble du secteur d’aller encore plus loin sur l'inclusion et le droit à l’oubli.
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