Grands risques : Discrétion de mise autour des contrats kidnapping et rançon
Dans un monde chahuté, le risque de kidnapping et d’extorsion n’est plus du tout virtuel.
Pour les entreprises envoyant des collaborateurs en mission ou en séjour à l’étranger, le risque de kidnapping n’est pas une menace à prendre à la légère. Dans certains pays, y compris dans de vastes marchés où toute entreprise peut légitimement vouloir se développer, et notamment en Amérique latine et en Amérique centrale, le kidnapping constitue une autre sorte de business, et pour certains malfrats une source de revenus à part entière.
Ainsi, le Mexique, l’Inde et le Nigeria, devant l’Irak et l’Afghanistan, constituent un triste trio de tête des pays où ont été commis le plus d’enlèvements en 2016, indique le courtier Aon. Dans les pays les plus exposés, on parle de milliers de cas chaque année. Les chiffres précis sont toutefois sujets à caution, car aucune nation ne tient à reconnaître et communiquer sur le problème.
Parmi ces enlèvements, dans chaque pays, les ressortissants nationaux sont majoritaires, mais la mondialisation croissante amène de plus en plus de personnes à se déplacer pour des raisons professionnelles, et à se faire enlever… Le nombre de kidnapping de ressortissants étrangers aurait par exemple doublé entre 2011 et 2012, selon les derniers chiffres disponibles qu’a pu relever le cabinet de conseil américain Cognizant dans une note publiée à l’automne dernier.
Constatant l’augmentation de ce phénomène, et pour accompagner les entreprises à mieux le gérer, les assureurs ont développé des garanties d’assurance spécifiques pour couvrir les risques liés à un enlèvement. Les polices Kidnapping & Rançon (K&R) permettent de couvrir les personnes qui résident ou se rendent régulièrement ou ponctuellement dans des régions à haut risque. Amérique latine, mais aussi Afrique subsaharienne, Proche et Moyen Orient, Asie… Les zones à risques sont nombreuses. Ces polices intègrent des services (formation des personnes appelées à se déplacer, de leurs interlocuteurs dans l’entreprise, briefing à l’aéroport), des prestations d’assistance et de négociation si le risque survient, et de l’indemnisation, pour couvrir le coût d’un enlèvement, qu’il s’agisse des frais de négociations et de voyages, mais aussi des dépenses pour la rançon, voire des exigences d’indemnités si la victime porte plainte contre son employeur.
Un ratio sinistres sur primes inférieur à 50%
Depuis sa création en 1975, l’entreprise de sécurité Control Risks, qui s’occupe notamment de la formation des personnes protégées et de l’intervention sur place en cas de rapt, a accompagné la résolution de plus de 3.000 kidnappings. Paradoxalement, protéger une personne avec une police K&R la rend aussi plus vulnérable : assurée, son éventuelle rançon serait payée. Elle devient de fait un objectif prioritaire. Du point de vue des entreprises, la discrétion fait donc loi au sujet de la souscription de ces polices. Assureurs et courtiers tiennent eux aussi à rester discrets sur les polices K&R. Si la loi française impose à l’employeur de se préoccuper concrètement de la protection des salariés, en parallèle, de nouvelles contraintes ont été apportées dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme.
« Sur les contrats kidnapping & rançon, la situation est devenue très complexe. La loi française dit que l’employeur a une obligation de résultat en matière de protection des collaborateurs. Parallèlement, les autorités considèrent aussi que le paiement de rançon à certaines organisations revient à financer le terrorisme et qu’il ne faut donc pas payer. Entre confidentialité des polices, incohérence des positions et craintes des coûts élevés, alors que ce n’est pas vraiment le cas, la promotion de ces garanties est difficile », estime un intervenant.
Sur ce marché, la discrétion est donc de mise… Hiscox, leader incontestable du marché des polices K&R avec une part de marché de 60 à 70%, ne souhaite pas en parler. Et cette discrétion a du bon, semble-t-il, au moins pour les assureurs : le cabinet Cognizant estime que le K&R affiche un taux de croissance annuel à deux chiffres, et un ratio sinistres sur primes inférieur à 50%.
À voir aussi
Grands risques : François Périquet rejoint HDI Global
Grands risques : Albingia sur le point de remanier son capital
Grands risques : Marsh trouve l’alchimie avec Solvay
Grands risques : Julien Monegier du Sorbier évolue chez Zurich France