Innovation : les assureurs tentent de percer sur le marché des biens nomades

lundi 1 juillet 2019
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Ces deux dernières années, plusieurs plateformes d’assurance à la demande pour les biens nomades ont vu le jour. Elles marquent l’émergence d’un marché de micro-primes en France.

Face à une concurrence accrue et qui menace de s’intensifier dans les années à venir, le secteur de l’assurance dit traditionnel tente de s’intégrer un peu plus dans le quotidien des assurés, au-delà des simples moments de souscription et de sinistre.

En mars 2018, Altima Assurances, filiale du groupe Maif, annonçait ainsi s’associer à Valoo pour développer une offre d’assurance à la demande dédiée aux objets nomades. Les utilisateurs de Valoo, ex-Cbien, pouvaient choisir d’assurer leurs biens inventoriés dans l’application en quelques clics.

Un saut dans l’inconnu actuariel

Les niveaux de primes varient de quelques centimes d’euros à quelques dizaines d’euros selon la durée et la valeur des biens couverts. Initialement, 6 catégories de biens entraient dans le dispositif : smartphone/tablette, ordinateur, enceinte, console de jeux, appareil photo et instrument de musique. Autant dire que l’offre ciblait avant tout les jeunes. Mais « l’été dernier nous avons suspendu l’activité sur les smartphones car nous soupçonnions des fraudes », indique Florent Villain, directeur du groupe Altima Assurances.

Encore très récent, ce marché de l’assurance à la demande programmée sur des périodes de couverture s’échelonnant d’une journée à quelques semaines demeure difficile à tarifer. « C’est assez rare, mais nous n’avons aucun plan de marche en termes de chiffre d’affaires. Notre ambition est de tester un nouveau marché, la façon dont les assurés l’utilisent et les niveaux de fraude pour affiner nos modèles de tarification », explique Laurence Willems, directrice de l’innovation du groupe April. Au mois de septembre prochain, le courtier lyonnais emboîtera en effet le pas à Altima Assurances en lançant Objhey en partenariat avec Generali. Le principe est le même : couvrir les « objets passions », sur de courtes périodes comprises entre 3 jours et 3 mois.

Le contrat prévoit la couverture de la casse et du vol pour des biens dont la valeur assurable ne dépasse pas 5.000 euros. Grâce à un partenariat noué avec Picsure, une start-up allemande, l’utilisateur photographiera l’objet qu’il souhaite couvrir. Un dispositif d’intelligence artificielle identifiera l’objet et déterminera automatiquement sa valeur et donc son tarif.

Le modèle diffère de celui de Valoo/Altima. « Nous l’avons conçu comme un service additionnel à des contrats d’assurance. Il peut parfaitement s’associer à des offres dédiées aux expatriés. Nous prospectons également du côté des grands acteurs de la mobilité. C’est un marché de micro-primes, très difficile à rentabiliser en stand-alone », estime la directrice de l’innovation d’April. Si la sortie opérationnelle n’est prévue que pour septembre alors que la plateforme est prête, c’est parce que le courtier lyonnais est en phase de prospection d’un grand compte. « Les discussions sont avancées avec un voyagiste ».

Un risque de fraude difficile à évaluer

Si les négociations devaient piétiner, le produit serait, quoi qu’il en soit, disponible pour les clients d’April Partenaires à la rentrée.

D’entrée de jeu, les smartphones ont été écartés du dispositif Objhey. « Il est pratiquement impossible d’écarter le risque de fraude sur ces appareils », poursuit-elle.

Pour limiter la fraude, April, gestionnaire du service Objhey, a prévu un processus de déclaration de sinistres très encadré. Un système de chat permet d’obtenir les premiers éléments du dossier comme les photos, transmises par l’intermédiaire d’un smartphone.

Mais à cela s’ajoute également une version audio de la déclaration de sinistre. « Les fraudeurs n’aiment pas faire de récit audio », soulève la directrice de l’innovation du courtier.

Une rentabilité qui reste encore à trouver

Le potentiel semble bel et bien là. « Nous visons les produits du marché secondaire. Ceux qui ont encore une valeur, mais qui ne sont plus sous garantie et pour lequel il existe un réel vide assurantiel », souligne Laurence Willems. Reste que l’expérience de Trov, précurseur sur ce segment de l’assurance à la demande, montre la difficulté de rentabiliser l’activité. La start-up américaine a pivoté pour abandonner la couverture des objets passions et se positionner sur l’assurance automobile à la demande.

Après avoir noué un partenariat avec Waymo, filiale dédiée aux véhicules autonomes de Google, en 2017, elle a signé avec Free2Move, le service d’autopartage du groupe PSA au début du mois d’avril dernier.

Si Trov n’a jamais communiqué de chiffre sur son activité, ce changement de cap montre la complexité de monétiser une activité par essence non récurrente.

En rejoignant le marché de l’auto, la start-up espère automatiser les couvertures d’assurance à la demande du début à la fin d’un trajet sans intervention humaine. La souscription se ferait au démarrage du véhicule et s’éteindrait une fois le moteur coupé. Dans son dernier baromètre « sur les Français et les services financiers », le cabinet Deloitte relevait que 22% des Français interrogés se montraient intéressés par des assurances de courte durée à la demande pour leurs objets. Ce chiffre est identique pour l’assurance habitation temporaire et grimpe à 23% pour l’automobile. Il atteint enfin 28% pour l’assurance à la demande en santé.

Mais de l’intention à la concrétisation, il y a un pas que les Français ne franchissent pas toujours, surtout en matière d’assurance.

Ainsi, à la fin du mois de juin, Valoo annonçait arrêter son activité. « Nous ne sommes pas parvenus à atteindre notre indépendance financière et nous ne sommes plus en mesure de pouvoir supporter les coûts associés au maintien de la plateforme », écrivent les fondateurs sur leur site internet. Les contrats en cours continueront à être gérés par Altima jusqu’à extinction, prévue pour le 31 décembre 2019.

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