Interview / CDS : Ces contrats d’assurance dont « les banques sont juges et parties »

dimanche 31 juillet 2011
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Lors du sommet européen qui s’est déroulé jeudi 21 juillet, les dirigeants de la zone euro ont tout fait pour éviter que les CDS ou Credit Default swap ne puissent être déclenchés et provoquent une panique des marchés, suivie d’une contagion aux autres pays. Ce sont ces mêmes contrats d’assurance contre le défaut de paiement qui avaient entrainé la chute d’AIG avec Leman’s Brothers en 2008. Gage de protection ou moyen de contourner les règles prudentielles, les CDS sont des outils qui appellent à une règlementation pour Paul Jorion, ancien trader aux Etats-Unis aujourd’hui chroniqueur pour Le Monde.

Qui sont les émetteurs de CDS ?
Les banques mais aussi les hedge funds ou les shadow banking peuvent émettre des CDS. Il s’agit de contrats de gré à gré qui ne sont pas règlementés comme les assurances traditionnelles. Celui qui accorde un CDS se rémunère par une prime. Cette prime, qui permet un revenu régulier sans avoir à émettre de capital, dépend du risque encouru par le titre. Elle est évaluée en fonction de l’offre et de la demande. La particularité de ces contrats : ils ne sont pas réglementés comme le reste du système bancaire. Il n’est pas nécessaire de constituer les réserves nécessaires pour faire face au risque.

Contre quoi protègent ces contrats d’assurance ?
Contre le défaut de paiement, c’est-à-dire la chute de la valeur du titre. La personne qui souscrit le CDS peut être dans deux situations. La première est dite « de couverture », c’est-à-dire que le risque véritablement encouru par le titre est protégé. A l’inverse, il est possible de contracter un CDS pour un risque qui est inexistant en assurant un portefeuille qu’on ne détient pas. Lors de la souscription, l’émetteur de CDS ne demande pas de preuve de détention du titre. Cette position dite « nue » est un pur pari. Dans le jargon on appelle ça s’assurer sur la « voiture du voisin ». Et dans ce cas-là, on a tout intérêt à ce que la voiture ait un accident…

Quels sont les avantages et les risques de ce type de pratique ?
Dans le cas de vente « nue », les CDS sont utilisés comme des instruments de spéculation. C’est un truc de trader. Exemple : on s’assure contre la chute de la valeur de la dette grecque. Ensuite, on la fait chuter en investissant 20.000 euros dessus, non pas en une fois mais par tranches de 5.000 par exemple. Ce procédé va donner l’impression que la demande augmente, faire augmenter le taux d’intérêt du titre grec et par conséquence la perception du risque de défaut de paiement, puisque le pays aura plus de mal à rembourser sa dette. Appliquée sur des millions, cette pratique peut précipiter la situation d’un pays et mener à l’évènement de crédit.

Les CDS vont-ils continuer à échapper aux réglementations et comment vont-ils évoluer ?
Il faut savoir que les agences de notation, dont on parle beaucoup, ne font qu’interpréter le risque. Actuellement, ce sont les banques qui sont juges et parties. Les CDS leur permettent de gagner beaucoup d’argent mais font augmenter le risque systémique. C’est un cercle vicieux, les prix deviennent beaucoup trop élevés pour s’assurer et le fait de s’assurer fait encore augmenter le risque global, soit car il n’est pas possible de rembourser soit parce que cela entraine une hausse des taux d’intérêt du pays. Actuellement, il y a une tentative de réglementation votée par le Parlement européen, qui vise à interdire la position de couverture. L’un des moyens est que celui qui demande le CDS fasse la preuve qu’il détient le portefeuille qu’il désir assurer.

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