INTERVIEW – Au lendemain des annonces faites par Axa France pour soutenir ses assurés face à la crise du coronavirus, Jacques de Peretti, PDG de l'assureur, explique à News Assurances Pro quelles seront les conséquences de ces mesures sur les résultats de la compagnie. Le dirigeant s’inquiète également d’une remontée de la sinistralité et travaille désormais à la création d'un régime de catastrophe sanitaire.
Combien de clients pros et entreprises impactés par le coronavirus dénombrez-vous aujourd’hui chez Axa France ?
Parmi les mesures financières que nous avons annoncées ces derniers jours pour aider nos clients face à la crise du coronavirus, 200M d’euros sont mobilisés pour les professionnels et les entreprises, et plus particulièrement les artisans, commerçants, TPE et PME, qui sont ceux qui souffrent le plus.
Aujourd’hui, 300.000 de nos entreprises assurées vont bénéficier d’un gel de leurs cotisations 2019 lors du renouvellement de leur contrat. En parallèle, environ 150.000 de nos entreprises en portefeuille, probablement contraintes d’arrêter leur activité du fait des instructions de l’arrêté ministériel du 14 mars 2020, bénéficieront alors d’un remboursement de deux mois de cotisations.
J’ajoute que pour les entreprises de plus grande taille titulaires de contrats révisables et dont le chiffre d’affaires a été affecté par cette période de crise, elles pourront faire l’objet de réductions sur leurs appels de cotisations. Enfin, nous avons évidemment abondé le fonds de solidarité de l’État pour soutenir les indépendants et entrepreneurs à hauteur de 54M d’euros, ce qui fait d’Axa France le premier contributeur privé à ce dispositif.
Quels seront les conséquences de ces mesures sur l’activité d’Axa France ?
La priorité absolue a été de soutenir dès le début de cette crise nos clients dont les revenus ont souffert et nous continuerons à le faire. Toutefois, l’ensemble de ces mesures auront en commun d’avoir un impact sur les résultats d’Axa France, d’autant que la sinistralité s’aggrave sur certaines branches.
C’est notamment le cas en assurance annulation où les garanties souscrites avant l’apparition du Covid-19 continuent d’être honorées. C’est également le cas sur l’assurance-crédit qui fait face à de nombreux impayés, sans parler des dérives des indemnités journalières en santé/prévoyance. En automobile, si les sinistres ont chuté de 50 à 70% sur les deux derniers mois, l’attitude des assurés au moment du déconfinement va être décisive. Entre la période d’été et le prix du pétrole très bas, il est fort à parier que les français préfèreront l’automobile aux transports en commun, avec le risque d’une forte remontée de la sinistralité sur la fin d’année.Votre chiffre d’affaires sera-t-il impacté ?
Cette hausse de la sinistralité attritionnelle courante va venir s’ajouter à un niveau de primes plus faible. Entre les remises et le remboursement de plusieurs mois de cotisations, il faudra également faire avec un nombre d’impayés non-négligeable. Axa France a notamment retenu près de 150M d’euros d’impayés depuis le début du confinement. Il faut probablement s’attendre à une hausse des mises en cause en RC médicale ou des mises en cause de la faute inexcusable des employeurs, une fois la crise sanitaire passée.
L’ensemble des scénarios que nous étudions actuellement auront tous un impact négatif sur le chiffre d’affaires d’Axa France. Compte-tenu de l’environnement économique délicat qui se profile et de la santé des marchés financiers, le chiffre d’affaires en assurance-vie sera également touché. Toutefois, nous n’avons pas constaté de transferts de nos portefeuilles UC vers les fonds en euros. Nos épargnants ont compris l’intérêt d’un investissement de long terme.
Comment fonctionne votre réseau d’agents généraux durant cette période ?
Aujourd’hui, la quasi-intégralité de nos agences fonctionnent. Même si nos agents généraux ne reçoivent pas de visites, ils sont pleinement mobilisés par mail et par téléphone pour accompagner nos clients.
Ce sont eux qui depuis le début de la crise travaillent aux remontées des assurés sur le terrain pour nous permettre de dimensionner nos réponses. Le réseau est complètement mobilisé depuis lundi à redistribuer aux professionnels et aux entreprises les aides supplémentaires que nous avons débloquées.
Nous vivons une période inédite avec des entités économiques fragilisées et la réponse de proximité qu’apporte les agents généraux est très importante.
La création d’un nouveau régime de catastrophe sanitaire est-elle possible rapidement ?
Nous allons commencer à travailler à ce projet dès la semaine prochaine. Je serai d’ailleurs en lead avec deux de mes collègues sur ce projet au sein de la FFA. Je suis confiant quant à notre capacité à créer un régime de catastrophe sanitaire qui puisse fonctionner rapidement, mais la collaboration de l’État à ce mécanisme est indispensable pour qu’il soit efficace.
L’arrêt d’activité d’une très grande partie des entreprises françaises coûte aujourd’hui 20Mds d’euros par mois. Depuis le début du confinement, la mise à l’arrêt économique du pays s’élève à 60Mds d’euros, soit l’ensemble des fonds propres des assureurs exigé par la réglementation. Si le marché devait assumer cette charge seule, les assureurs français disparaîtraient.
Aujourd’hui, si l’on prend le modèle du régime Cat’ Nat’, il est capable de couvrir les dégâts d’une possible crue centennale de la Seine à Paris soit environ 15Mds d’euros. La profession est donc en capacité d’imaginer un mécanisme comparable pour faire face à un risque sanitaire comme le coronavirus.
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