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Jean-François Lequoy : « Le besoin de protection et d’épargne demeure inchangé »

jeudi 10 janvier 2019
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TRIBUNE – Dans le cadre de notre magazine le bilan 2018 de l’assurance, Jean-François Lequoy, membre du comité de direction générale de Natixis, en charge des activités d’assurance chez Natixis prend sa plume. Il revient sur l’année 2018 de l’assurance vie et se projette sur 2019.

Tel un long fleuve tranquille, l’assurance vie irrigue paisiblement l’épargne des Français depuis bien longtemps. Son cours assez tranquille s’est quelque peu agité ces dernières années, sous l’effet conjugué de la baisse des taux, de la réglementation et de l’accélération digitale.

Elle doit aujourd’hui évoluer pour continuer à jouer pleinement son rôle de placement préféré des Français.

L’assurance vie toujours aussi plébiscitée

L’année 2018 a confirmé le statut privilégié de l’assurance vie auprès des Français. Elle a continué à se démarquer des autres placements d’épargne : à fin octobre, la collecte nette continuait de progresser et s’établissait déjà au-delà de 20 milliards d’euros alors que, dans le même temps, les livrets d’épargne réglementés marquaient le pas. Il y avait pourtant quelques inquiétudes l’an dernier, liées notamment à l’instauration du prélèvement forfaitaire unique de 30 % sur les revenus des capitaux mobiliers qui a également concerné l’assurance vie.

Pour rappel, cette « flat tax » ne s’applique toutefois qu’aux nouveaux contrats et versements et concerne uniquement les placements (par souscripteur et non par contrat) d’un montant supérieur à 150 000 euros pour un célibataire et 300 000 euros pour un couple, ce qui continue de donner un avantage relatif à l’assurance vie par rapport aux autres produits d’épargne du marché.

Repenser l’offre dans un environnement de taux bas

Même si certaines conditions ont changé, le besoin d’assurance vie est par ailleurs resté intact, car le besoin de protection et d’épargne demeure inchangé, qui plus est dans un contexte marqué par de nombreuses incertitudes.

L’assurance vie a surfé pendant 30 ans sur la baisse des taux. Elle offrait à tout moment un rendement supérieur au taux instantané du marché avec, de surcroît, un environnement fiscal et juridique favorable, une garantie du capital en permanence et une flexibilité forte à l’entrée comme à la sortie. Les fonds euros constituaient alors une réponse unique et parfaite à tous les besoins d’épargne (protection, projets, retraite...) et rassuraient aussi bien les épargnants que les banquiers et les assureurs. Cela ne peut plus être le cas aujourd’hui dans un environnement de taux qui demeure très bas. Le taux de l’OAT 10 ans est en effet resté en moyenne aux alentours de 0,7 % en 2018 (contre 0,82 % en 2017).

Dans ce contexte, les fonds euros ne peuvent plus et ne pourront plus jamais jouer un rôle identique à celui qui a été le leur jusqu’à présent. Les supports en unités de compte vont donc prendre une importance grandissante.

Cela nous oblige à repenser l’offre d’assurance vie et, plus largement, la façon d’exercer notre métier, pour apporter à nos clients une réponse désormais plus personnalisée, plus servicielle, réellement adaptée à leurs besoins dans une optique de temps long.

L’accélération digitale

Pour la première fois de l’histoire, deux sociétés ont, en 2018, dépassé le seuil symbolique des 1 000 milliards de dollars de capitalisation boursière. Et ce n’est pas un hasard s’il s’agit de deux des « superpuissances » du numérique : Apple et Amazon. Cette année a également été marquée par l’arrivée à maturité des interfaces naturelles, des robo-advisors ou autres assistants virtuels.

L’assurance est bien sûr, elle aussi, touchée par ces évolutions. Tous les acteurs du numérique s’y intéressent et de nouveaux apparaissent. Parmi eux, les assurtech qui commencent à être présentes sur tous les maillons de la chaine de valeur de l’assurance.

Les assureurs « traditionnels » ne peuvent bien évidemment pas rester à l’écart de cette transformation. Ils se sont d’ailleurs déjà mobilisés et ont réalisé de lourds mais indispensables investissements pour accompagner les nouveaux usages et comportements de leurs clients et répondre à leurs nouvelles attentes d’immédiateté, de disponibilité à tout moment, ou de personnalisation des offres et services.

Plutôt que de chercher à concurrencer ou affronter les acteurs du numérique, nous devons nous en rapprocher et coconstruire avec eux de nouvelles solutions.

Une réglementation plus protectrice

2018 a été très intense en matière de réglementation (et d’acronymes plus ou moins heureux…) : PRIIPs (Packaged retail investment and insurance-based products), RGPD (Règlement général sur la protection des données) et DDA (Directive sur la distribution en assurances) sont respectivement entrés en vigueur en janvier, mai et octobre.

Ces nouveaux textes visent, à titre divers, à davantage informer et à mieux protéger nos clients afin de les aider à choisir en toute connaissance de cause les produits d’assurance les plus adaptés à leur situation.

Il s’agit certes, pour nous assureurs, de contraintes supplémentaires que nous nous devons de respecter. Mais elles sont indéniablement en phase avec l’évolution de notre métier et pertinentes au moment où le fonds euros n’est plus la réponse universelle à tous les besoins d’épargne. À nous de nous en saisir au mieux et d’être exemplaires dans l’accompagnement de nos clients.

Contribuer aux grands défis sociétaux

L’année qui s’ouvre annonce de nouvelles et importantes évolutions pour l’assurance vie. Si le calendrier parlementaire est respecté, le Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (dite « Loi PACTE ») devrait être adopté d’ici la fin du premier trimestre. Il prévoit notamment la simplification des règles encadrant l’épargne retraite et la modernisation du fonds eurocroissance. Cela aura un impact important sur notre activité.

Je suis aussi convaincu que les compagnies comme les nôtres doivent prendre toute leur part aux réflexions liées aux grands sujets ayant trait à l’avenir de nos sociétés. Parce qu’ils gèrent 1 600 milliards d’euros d’encours, les assureurs vie français ont notamment un rôle déterminant à jouer pour répondre au défi du changement climatique. Selon les options qu’ils retiendront ou non en matière de financement de la transition énergétique et écologique, ils contribueront à livrer une planète plus ou moins belle aux générations futures.

Cela est, pour moi, une responsabilité de tout premier ordre que notre profession doit assumer. J’ai souhaité que Natixis Assurances agisse en la matière de manière volontariste et concrète.

Je ne peux qu’encourager toutes les initiatives – elles sont déjà, il faut s’en réjouir, nombreuses – qui seront prises cette année. Le temps est en effet compté.

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