INTERVIEW - Jean-Laurent Granier, PDG de Generali France et vice-président de la FFA revient sur les conséquences de la crise du coronavirus pour l'assureur et plus généralement pour le secteur de l'assurance. Il met en garde contre les visions court-termistes et les débats qu'il juge artificiels sur le rôle des assureurs durant cette période.
Comment le groupe Generali France a-t-il traversé la crise ?
Notre entreprise a su faire preuve d'une très grande réactivité face à cette crise. Nous avions déjà connu des périodes de blocage auparavant, comme lors des grèves du mois de décembre 2019. Mais là, il s'agissait d'un blocage généralisé avec confinement. La réaction collective a été extrêmement puissante et je crois pouvoir dire que nos clients n'ont pas eu à pâtir de cette période. Affronter cette situation a été possible grâce à la cohésion des collaborateurs de Generali France. Je pense tout particulièrement à tous les managers qui ont fait preuve d'une grande disponibilité vis-à-vis de leurs équipes. Mais aussi aux agents généraux. A la cacophonie de communications dans le secteur s'est ajoutée du stress moral et des craintes sur la trésorerie. Pour autant, ils ont fait preuve de résilience. J'ajoute enfin que nous n'avons pas eu recours au chômage partiel alors que notre réseau commercial salarié était à l'arrêt complet durant le confinement.
Commercialement, la période a-t-elle été compliquée ?
Nous avons constaté des biorythmes différents selon nos segments d'activité. L'épargne s'est bien maintenue pendant le confinement, mais la collecte a peu à peu ralenti pour atteindre, après le déconfinement, des niveaux plus faibles qu'à la même période un an plus tôt. Sur la retraite, nous étions en plein boom avec la mise sur le marché du PER. L'activité s'est quasiment intégralement arrêtée pendant le confinement. Mais, trois semaines après la sortie du confinement, nous avions retrouvé des niveaux de production proches de ce que nous avions connu au début de l'année. Enfin, en IARD, les affaires nouvelles ont reculé de 50 à 60% pendant les 55 jours de confinement. Mais depuis deux semaines, nous retrouvons nos niveaux antérieurs. Nous sommes sur une reprise en U pour ce segment.
La commission des Finances de l'Assemblée nationale a demandé à l'assurance un rapport sur les conséquences chiffrées de la crise pour le secteur, segment par segment. Avez-vous des premiers éléments de réponse ?
Si on peut me dire quel sera le niveau de chômage, où en sera le CAC 40 ou encore comment seront les taux au 31 décembre 2020, je serai plus à l'aise pour fournir une vision plus précise des conséquences de la crise pour le secteur. Ce qui est certain c'est que nous aurons une vision plus claire sur l'incidence des impayés et des reports de cotisation au mois de septembre prochain. Même chose pour l'automobile. Certes, la fréquence a chuté de l'ordre de 60% pendant le confinement. Mais à la lumière de ce que nous observons en Chine, nous nous attendons à une très forte remontée de la sinistralité cet été. Beaucoup de Français vont privilégier les vacances sur le territoire. Et ils préféreront la voiture aux transports en commun comme le train, l'avion ou le bus. Sur d'autres domaines comme la santé, nous n'aurons pas de vision précise avant plusieurs mois. La baisse de la consommation médicale pendant le confinement est en trompe l'oeil. Il y aura un effet rattrapage dans les prochaines semaines. A cela s'ajoute le sujet de la portabilité.
Le coût engendré par la portabilité des droits en santé vous inquiète-t-il ?
Sur le front du chômage, un vrai retournement de tendance se dessine. La hausse du nombre de demandeurs d'emploi va engendrer des coûts massifs pour les assureurs santé. Le système de portabilité des droits prévoit en effet le maintien de la couverture santé pendant un an. Mais durant cette période, les primes ne sont plus payées. Il faut faire attention aux analyses court-termistes qui laissent entendre que les assureurs santé sortent gagnants de cette crise.
L'image de l'assurance a été écornée pendant cette crise. Comment l'analysez-vous ?
Les problèmes d'image du secteur ont été nourris par des débats artificiels. Si l'on admet que l'assurance ne peut s'appliquer en tant de guerre, terme utilisé par le président de la République à plusieurs reprises lors de son allocution du 16 mars, je ne vois pas pourquoi ce serait le cas pour la pandémie. Dans ce cas précis, 100% des commerces non essentiels étaient fermés.
Notre image a également été brouillée par les initiatives commerciales des uns et des autres qui ont pensé qu'on pouvait s'affranchir des contrats. N'oublions pas par ailleurs la contribution significative du secteur, à plus de 3,8 milliards d’euros durant cette crise à l’effort de solidarité nationale. Aucun autre secteur ne l'a fait.
L'unité affichée par le secteur au début de la crise s'est peu à peu fissurée. Qu'en est-il des tensions aujourd'hui ?
Certains désaccords ont effectivement alimenté les petites phrases dans la presse. Mais la famille de l'assurance s'est retrouvée pour travailler à la mise en place d'un dispositif pour couvrir les catastrophes exceptionnelles. Ce régime catex est une bonne réponse pour faire face à la réalité des 3 crises qui sont devant nous. Une crise climatique, une crise sanitaire qui vient en complément d'une crise démographique liée au vieillissement de la population. Il faut remplacer les débats artificiels par des débats de fonds. Les assureurs sont la ceinture de sécurité de l'économie, mais aussi des particuliers. L'Etat a accumulé une dette faramineuse. Il va avoir besoin d'investisseurs de long terme, ce que sont les assureurs.
Un mot sur le rapprochement entre Klesia et Generali. Plusieurs étapes ont été franchies ces dernières semais. Quelle est la suite du calendrier ?
La totalité des étapes réglementaires sont désormais franchies effectivement. Nous nous consacrons maintenant à la mise en œuvre de ce partenariat. Il passe par la mise en commun de nos offres en santé et en prévoyance collectives à disposition de nos forces de distribution. Nous avons ainsi pour projet de regrouper plus de 200 collaborateurs de Klesia et Generali France sur un site commun à Saint-Ouen au début de l'année prochaine. Cette alliance reste multimarques et chacun conservera son nom.
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