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Jean-Luc Vidal (Snagan) : « Nous sommes dans un tunnel dont on ne voit pas le bout »

lundi 7 janvier 2019
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INTERVIEW - Jean-Luc Vidal, président du Snagan, le syndicat des agents généraux Gan Assurances, livre sa vision de l'état du réseau. Entre plan de redressement, nouveaux outils et surveillance technique, il évoque aussi les difficultés qui persistent entre les agents et la mandante et sa succession à la tête du syndicat en 2019.

Quel regard portez-vous sur la situation réseau Gan Assurances depuis votre élection à la tête du Snagan ?

Lors de mon premier discours de président élu du Snagan en juin 2016, je détaillais les erreurs et insuffisances devant la direction de l’époque : une stratégie absente ou illisible sur les fondamentaux métiers, un programme de réassurance très largement insuffisant, aucun investissement sur le réseau et les outils depuis des années.

Quelques mois après, nous assistions au départ d’une très grande partie de l’équipe de direction et il n'y a pas eu de round d’observation avec la nouvelle direction générale. Devant les difficultés, nous nous sommes rapidement rejoints sur la nécessité de retrouver une organisation plus cohérente avec les fondamentaux de notre métier (souscription / gestion / indemnisation) et le nouvelle équipe a fini le travail de sécurisation des traités de réassurance.

En parallèle, alors que nous avions connu depuis quelques années une décentralisation finalement trop coûteuse en région - et nous étions un certain nombre à avoir tiré la sonnette d’alarme à l’époque - il a été décidé d'engager une importante recentralisation des pouvoirs, chantier loin d'être terminé à ce jour.

Dans l'urgence, nous avons donc construit avec la direction générale de Gan Assurances un plan de redressement avec une convergence d’intérêts et nous sommes entrés directement dans le vif du sujet pour rétablir les comptes.

Êtes-vous satisfaits de ce plan de redressement ?

Ce plan incluait pour les agents généraux des contreparties permettant de garder certains leviers et des volumes d'affaires suffisants. Au cours de l’année 2018, l'ensemble du réseau a littéralement été « au combat » pour accompagner le redressement technique nécessaire avec une politique tarifaire très lourde, mais en aucun cas nous ne nous sommes engagés à tenir ce rythme sur plusieurs années.

Pourtant, cette politique tarifaire trop forte perdure en 2019 (notamment sur les branches PNO / Construction / Flottes automobiles) entraînant une pression supplémentaire sur les agents. Au lieu d'entrer dans une phase de détente, nous sommes dans un tunnel dont on ne voit pas le bout.

Au sein du Snagan, 90 agents se sont investis dans ce plan de redressement, mais aujourd'hui nous avons atteint la limite. La balle est désormais dans le camp de Gan Assurances. Si nous avons accepté cette convergence d’intérêts avec la mandante, les revalorisations tarifaires nous font aujourd'hui perdre des clients et les majorations pratiquées pour rattraper le chiffre d'affaires ne suffisent plus.

Notre taux de couverture est négatif depuis 3 ans, il devient urgent de briser le cercle vicieux. Si notre direction générale semble croire que l’élastique ne casse jamais, elle doit avoir conscience qu'il casse quand il est trop tard… Je me demande jusqu'où ira cette perte de confiance avec la compagnie.

Dans ces conditions, il est encore possible de développer le réseau ?

Il n'y a pas d'opposition de principe de notre part à la nouvelle politique réseau menée par la direction générale, tant que les choses sont faites au cas par cas, en tenant d'abord compte de l’humain et des spécificités de chaque situation. Pour l'heure, cela se fait sainement en essayant de limiter le nombre d'agents sous les 180.000 euros de commissionnement annuel moyen, l'idéal étant autour de 300.000 euros.

Aujourd'hui, nous enregistrons environ 80 nouveaux arrivants chaque année dans le réseau pour un effectif total de 930 agents. Les arrivées et les départs sont le moment privilégié à ce stade pour, éventuellement, procéder à des regroupements d’agence.

A mon sens, il restera encore des agences inférieures à 300.000 euros de commissions car notre réseau est présent en milieu rural et dans de petites et moyennes villes où des regroupements ne seront pas possibles. La politique réseau s’adaptera nécessairement à cette réalité qui n’est pas un handicap et qui correspond aux fondamentaux de notre métier.

Justement quel segment de clientèle visez-vous aujourd'hui ?

Les portefeuilles contiennent majoritairement une clientèle de particulier - avec toutefois des disparités très fortes selon les agences - et nous souhaitons désormais monter en puissance sur la clientèle des professionnels et entreprises dans chaque agence, ce qui est parfaitement réalisable. En même temps, nous continuons à subir une politique de redressement qui épuise collaborateurs et agents et qui a pour conséquence des taux de couverture fortement négatifs.

Nous vivons un vaste chantier de refonte des outils et produits (Ideogan) sur l’ensemble du périmètre IARD, qui, au passage, monopolise énormément les équipes du Snagan et qui va faire baisser en productivité tout le réseau au moment des bascules, voir au-delà.

En effet, ce chantier consiste à nous intégrer dans des outils communautaires avec Groupama. Or, de tout temps, nos pratiques du métier sont très différentes, à commencer par notre statut qui est le point majeur. Malgré tous les efforts faits pour adapter ces systèmes, il semble que nous allons hériter de process et d'outils très peu agiles, souvent très éloignés de nos besoins. Nous touchons ici les limites d’une centralisation en ce qu’elle a de plus néfaste pour nous, à savoir l’uniformisation. Ceci est à l’opposé de l’ADN d’un réseau d’agents généraux. Nous sentons que tout ou presque, concernant les outils, est piloté par Groupama et que la confiance n’y est pas vis-à-vis des agents généraux.

Certes, Gan Assurances va atteindre ses objectifs 2018 en réduisant son ratio combiné, grâce au combat quotidien mené dans les agences, mais nous restons dans des visions de très court terme et dans le contexte global que j’ai rapidement décrit, je ne crois pas en notre capacité à retrouver du dynamisme commercial sur les marchés pros et entreprises.

La balle est dans le camp de la compagnie, car de notre côté nous avons fait tous les efforts possibles. Le Snagan a exposé très clairement à la direction générale les limites à ne pas dépasser en formulant de nombreuses propositions pour essayer de rétablir la confiance, condition sine qua non d’un retour au développement.

Avez-vous d'autres inquiétudes sur le fonctionnement des agences de votre réseau ?

Le dossier Ideogan est clairement une forte inquiétude. Groupama avance comme un rouleau compresseur sans se soucier des dégâts. Jusqu’où ?

La poursuite d’une politique trop restrictive en souscription, d’une surveillance renforcée, et de majorations au-delà de ce que peuvent accepter les clients dans la durée, n’incite pas à l’optimisme. Encore une fois, nous avons accepté et accompagné le redressement des comptes, nous acceptons de travailler des mesures très ciblées complémentaires, mais trop c’est trop. Il est encore temps de corriger, mais la limite qui nous ferait basculer dans le décrochage irrémédiable n’est plus très loin.

Enfin, l’épée de Damoclès permanente du S/P par agence, pénalisation qui a été mis en œuvre avec le plan de redressement, doit absolument évoluer pour, là encore, pouvoir parler de confiance entre le réseau et sa mandante.

Je veux dénoncer les pratiques de la profession dans ce domaine. Nous avons collectivement accepté de faire rentrer le critère de S/P d’une agence comme un juge de paix permettant à nos mandantes de faire varier nos commissions, nos budgets, nos pouvoirs, nos tarifs, sur ce seul critère. Faire porter l’aléa qui est l’essence même de notre métier à l’agent général est, selon moi, parfaitement anormal. Je crois que notre syndicat Agéa doit réagir sur ce sujet pour inverser cette tendance. Tantôt les compagnies nous traitent comme des salariés lorsque ça les arranges et par souci d’uniformisation, tantôt comme des courtiers en nous faisant payer en partie l’absence de rentabilité d’un portefeuille. Sauf qu’il n’aura échappé à personne que nous devons respecter une exclusivité. Cela change tout.

Bien évidemment l’agent général a un rôle majeur et direct dans la qualité de la production qu’il apporte à sa mandante, mais pas dans la survenance de l’aléa. Aussi les critères de S/P doivent être largement pondérés par la qualité des contrôles de production, sinistre, comptable opérés par nos mandantes et par la qualité du développement IARD et VIE, bref un ensemble de critères sur lesquels l’agent général a la maîtrise.

Heureusement, le réseau des agents du Gan est très fort, il l’a déjà prouvé. En réalité, il faudrait que la direction générale comprenne qu’il ne manque presque rien pour que les choses repartent dans le bon sens. En tout cas, c’est le vœux que je formule pour cette nouvelle année.

Êtes-vous candidat à votre propre succession à la tête du Snagan en 2019 ?

Je serai ravi de voir quelqu'un, notamment de mon équipe actuelle, prendre la place ! Mais pour l’instant ce n’est pas le cas… Le Snagan est très ouvert et nous avons d’ailleurs écrits à l'ensemble des agents du réseau Gan Assurances pour rappeler notre organisation, nos missions et les différentes fonctions à pourvoir lors de prochaines élections.

Nous avons de nombreux retours, c’est encourageant, car nous accomplissons un travail vraiment important et très utile pour la collectivité des agents mais également pour la compagnie. Je et nous croyons beaucoup aussi à notre présence très décentralisée pour bénéficier des remontées du terrain, souvent les plus précieuses pour faire évoluer les choses, mais également pour aider au quotidien nos nouveaux confrères et ceux qui peuvent se trouver en difficulté.

Enfin, nous ne négligeons jamais les moments de convivialité, de partage et d’amitiés importants pour nos organisations. Pour ma part et pour ne pas éluder votre question, si personne bénéficiant du soutient de notre équipe et d’un expérience suffisante ne se présente, il est évident que je ne laisserai pas pour autant le travail engagé en jachère et j'assurerai un second mandat qui sera également bien rempli…

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