Jean-Paul Faugère : "Entretenir un dialogue ouvert et confiant"
TRIBUNE - Jean-Paul Faugère, vice-président de l’ACPR revient sur l’année 2021 sous l’angle de la réglementation, et sur les priorités d’action de l’autorité de contrôle pour 2022. Cette tribune est publiée dans notre magazine sur le bilan 2021 de l'assurance.
À l’occasion de la publication en ce début d’année des priorités de contrôle de l’ACPR, je crois utile d’en faire ici, à l’attention des professionnels de l’assurance, une brève présentation.
D’abord pour rappeler que tout programme a vocation à s’adapter aux circonstances : c’est aussi vrai en matière de supervision ! On l’a bien vu avec la survenance de la pandémie en 2020. Nous avons eu à cœur d’en suivre les conséquences pour le secteur de l’assurance conjointement avec les entreprises. Et nous continuerons à le faire car nous ne pouvons pas espérer hélas que la crise sanitaire soit terminée avant plusieurs mois. Cependant je relève la réactivité des entreprises du secteur : elles ont su faire face pour assurer la continuité opérationnelle et elles continuent de s’adapter aux circonstances.
Vulnérabilités et solvabilité
La solvabilité des compagnies reste solide en moyenne. Mais la crise peut avoir des conséquences très inégales selon le portefeuille de risques couverts et la situation préexistante. D’autant que le contexte des taux bas reste une contrainte très forte. Nous continuerons donc à suivre les vulnérabilités qui ont pu se matérialiser, avec les dirigeants concernés, au bénéfice de la stabilité financière et de la protection de la clientèle conformément à notre vocation.
Le cas échéant nous suivrons les mouvements qui se dessineront dans le paysage assurantiel français, toujours avec la même neutralité quant à la typologie des acteurs, mais aussi avec la même exigence sur les droits des assurés sur lesquels il nous appartient de veiller dans une perspective de long terme.
La composante technique de nos contrôles est évidemment essentielle. Les professionnels savent bien de quoi il s’agit. Nos contrôles sont récurrents sur tout ce qui commande le provisionnement et la gestion des risques. Je mentionne tout particulièrement les risques de marché qui pèsent lourd dans la détermination du capital requis, et dont l’actualité justifie une observation vigilante.
Transparence sur les frais en assurance vie
Le contexte réglementaire nouveau créé par la loi PACTE nous impliquera aussi : je pense notamment à la création de FRPS (Fonds de retraite professionnelle supplémentaire) qui pourront recevoir des portefeuilles retraite préexistant jusqu’à fin 2022 ; je pense aussi aux obligations de transparence sur les frais en assurance vie.
J’ai eu l’occasion d’insister longuement sur ce dernier sujet lors de la conférence de l’ACPR du 28 novembre dernier. Nous estimons devoir faire un point complet sur cette question des frais en assurance vie en 2022, après une enquête auprès des acteurs de la place. Nous verrons s’il y a lieu de formaliser une recommandation.
Toujours en vue d’améliorer les pratiques commerciales, nous nous attacherons aussi à vérifier une bonne application de la directive sur la distribution des produits d’assurance (DDA). Cela vise, au-delà du devoir de conseil, la gouvernance produit : définition des marchés cibles, politique de distribution, … Et nous vérifierons la qualité de la prévention des conflits d’intérêt, en particulier dans les dispositifs de rémunération des distributeurs.
On sait bien à ce propos que notre supervision ne peut se limiter aux seuls assureurs et que nous devons porter aussi notre regard sur les intermédiaires. Nous espérons avec la mise en place des associations professionnelles agréées de courtiers conformément à la loi nouvelle pouvoir structurer un dialogue avec les professionnels concernés.
Une obligation de résultat en matière de LCB-FT
Au nombre des priorités de notre action en 2022, je n’aurais garde d’oublier la LCB-FT : c’est un chantier permanent sur lequel pèse une obligation de résultat. Les entreprises comme les intermédiaires savent qu’il est prioritaire, même s’il induit des contraintes de gestion et des contraintes commerciales. L’attente du superviseur ne peut manquer de s’établir au meilleur niveau que permettent les progrès des technologies en ce domaine. On parle de plus en plus de « RegTech » et cela révèle que les moyens de détection des risques de blanchiment progressent vite, et que ces technologies, comme l’intelligence artificielle, doivent être intégrées dans les process ordinaires de gestion, sous réserve bien sûr du principe de proportionnalité.
Au titre des risques émergents qu’il importe d’intégrer dans le quotidien des entreprises, je mentionne aussi le risque cyber à propos duquel l’ACPR a publié une notice en juillet dernier. Cette notice comporte une série de 25 orientations pour une gouvernance efficace de ce risque. L’ACPR s’attend à ce que ces principes soient effectivement mis en œuvre. Je mentionne aussi, au chapitre des risques émergents, l’évolution du climat. La révision en cours de la directive Solvabilité II amènera à préciser le cadre réglementaire. Mais dès à présent, le superviseur attend des entreprises la clarté sur les engagement pris en ce domaine, la transparence sur les indicateurs de suivi de ce risque, et la réalisation de tests sur leur résilience à l’égard des conséquences prévisibles des divers scénarios.
N'oublions par IFRS 17
Un dernier point : 2022 sera l’année de préparation de la mise en œuvre de la norme comptable IFRS 17. Je mesure l’effort que représente l’intégration de cette nouvelle norme. Mais il est permis de penser que le degré de préparation des entreprises qui y sont assujetties est inégal. Nous nous attacherons donc à un dialogue suivi avec les assureurs afin de ne pas nous trouver à la veille de la date d’entrée en vigueur, le 1er janvier 2023, dans une situation inconfortable ! …
En définitive, l’agenda 2022 est bien chargé ! Mais j’y ajoute une priorité : celle d’entretenir avec l’ensemble des acteurs un dialogue ouvert et confiant. C’est la tradition séculaire du contrôle des assurances. Et sans que cela induise la moindre complaisance, j’attache beaucoup d’importance à la qualité de cette relation, fondée sur une compréhension pleine et entière des réalités du métier de l’assurance.
Jean-Paul Faugère
Vice-président de l'ACPR
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