Le ministère public a requis mercredi des peines de prison ferme à l'encontre de l'ancien maire de La Faute-sur-Mer et de son adjointe à l'urbanisme lors du procès Xynthia, la tempête qui a fait 29 morts dans cette station balnéaire de Vendée en février 2010.
Le procureur de la République Gilbert Lafaye a réclamé à l'encontre de l'ancien maire René Marratier, jugé pour "homicides involontaires", quatre ans de prison dont trois ferme et 30.000 euros d'amende. Lors d'un réquisitoire de plus de quatre heures et demie, M. Lafaye a pointé du doigt la "frénésie immobilière" et "l'urbanisation à outrance" qui se sont emparées de la commune sous le mandat de M. Marratier (1989-2014) avec une augmentation de 48% des constructions de lotissements dans les années 1990.
C'est dans certains de ces lotissements construits en zone inondable qu'ont péri les victimes lorsque la tempête a englouti les digues dans la nuit du 28 février 2010. A l'encontre de l'ex-adjointe à l'urbanisme, Françoise Babin, le procureur a réclamé trois ans de prison dont deux ferme et 50.000 euros d'amende, estimant que "l'appât du gain doit être pris en compte dans la gravité de la faute qui lui est reprochée". Il a requis deux ans de prison dont un ferme et 50.000 euros d'amende à l'encontre du fils de cette dernière, Philippe Babin, agent immobilier et président de l'association chargée de la surveillance de la digue.
"Mme Babin a été au summum du mélange des genres, à savoir propriétaire de terrains, vendeur de terrains, gérant d'une agence immobilière, propriétaire de maisons, locataire, première adjointe au maire, présidente de la commission d'urbanisme...", a-t-il égrené.
Didier Seban, l'un des avocats de René Marratier, s'est dit "totalement indigné" par ces "réquisitions exorbitantes et disproportionnées", "du jamais vu" selon lui. "M. Marratier est abasourdi. (...) Le maximum de la peine qu'ait prononcée un tribunal à l'encontre d'un maire, pour homicides involontaires, c'est 10 mois de prison avec sursis", a-t-il cité en exemple.
Réaction diamétralement opposée du côté de l'Avif, l'association des victimes. "Après un procès exemplaire, c'est une demande de peine exemplaire. Il faut que ce procès, que les 29 morts de Xynthia servent à quelque chose", a réagi son président, Renaud Pinoit.
"Je pense qu'on est loin d'avoir trouvé la vérité" que recherchaient les parties civiles, a souligné le procureur dans son réquisitoire. "M. Marratier voulait bien être le représentant commercial de la commune, mais en aucun cas celui qui allait dire la vérité aux gens (...). Pendant de longues années, il s'est mis en travers de la route des autorités, qui cherchaient à mettre en oeuvre des mesures de sécurité pour les habitants", a lancé M. Lafaye.
Lundi, l'ancienne ministre de l'Environnement, Corinne Lepage, avocate de l'Avif, avait visé dans sa plaidoirie les élus "cupides" de La Faute-sur-Mer, qui ont fait "le choix commun d'aller vers une urbanisation massive", au mépris des risques d'inondation, que le maire "connaissait parfaitement".
M. Marratier, qui reste conseiller municipal, et Mme Babin sont notamment poursuivis pour avoir signé des permis de construire pour des maisons de plain-pied qui auraient dû comporter un étage, en raison du risque fort de submersion de la digue censée protéger les habitations.
Le procureur n'a par contre requis qu'une peine d'un an avec sursis, et 5.000 euros d'amende, pour Alain Jacobsoone, un fonctionnaire de l'Etat poursuivi pour ne pas avoir alerté la mairie des dangers de la tempête qui s'annonçait, estimant que sa faute "ne peut être qualifiée de faute personnelle".
M. Lafaye a en outre réclamé 150.000 euros d'amende à l'encontre de deux sociétés de construction, jugées en tant que personnes morales, qui appartenaient à Patrick Maslin, un cinquième prévenu décédé en cours de procès. Le procès doit s'achever vendredi avec les dernières plaidoiries de la défense. Le jugement est attendu le 12 décembre.
(Avec AFP)
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