SÉRIE DE TÉMOIGNAGES - À un moment de sa carrière, Marie* travaillait jour et nuit, de façon acharnée, comme si elle avait besoin de prouver quelque chose. Avec le recul, elle pense que c’était dangereux et contre-productif. Aujourd’hui, elle a arrêté de travailler trop pour travailler mieux.
Elle oeuvrait de 5h à 7h, enchaînait sa journée de travail jusqu’à 19h et elle s’y remettait de 21h à minuit. « Plus j’en faisais, plus ils étaient contents », observe Marie. Son entourage a sonné l’alerte : « Quelle est la limite ? » « Tu vas faire cela toute ta vie ? « Qu’est-ce que tu fuis ? » « Si l’entreprise est en sous-effectif, tu ne vas pas sauver ta boîte », lui ont reproché ses proches.
Parmi ses piliers, Marie compte sur un entourage solide et sincère qui l’aide à mettre les choses en perspective. Des amis et un mari qui la connaissent parfaitement et la remettent à sa place quand elle s'égare. « Arrête de faire ton enfant gâtée », lui a dit une amie proche à propos d’une embrouille professionnelle.
Marie a été nommée à un emploi important dans son entreprise, grâce à l’intuition de son patron. Elle était venue passer un entretien pour un job avec un périmètre plus restreint et son patron l’a retenue mais pour un poste de senior executive. « Elle peut le faire », a-t-il décidé. « J’avais envie du poste et après discussion avec mon conjoint qui m’a toujours soutenue, j’ai foncé », résume-t-elle.
Marie a mis longtemps à apprendre à dire « non ». Elle y est arrivée lorsqu’elle a commencé à manager, pour protéger son équipe. « Dès que j’ai osé dire non, j’ai obtenu du budget supplémentaire pour pouvoir embaucher », partage-t-elle. Dans son comex, elle a des alliées très précieuses et elle estime qu’entre femmes, elles ne se font pas de croche-pieds, arrivent à se rendre service, à créer une sorte de sororité. A l'inverse, le manque de confiance n’est pas réservé aux femmes, pour Marie. « Les garçons peuvent aussi manquer d’ambition ou ne pas demander d’augmentation », partage-t-elle.
Management paternaliste
Elle estime que les managers avec les filles sont protecteurs. Elle a déjà été jeune manager et eu un chef qui la protégeait face aux clients. « J’ai pu me sentir infantilisée », reconnaît-elle. Elle s'estime bienveillante avec ses équipes, sans être maternelle. Pour elle, manager c’est dialoguer, comprendre les personnes, être malin face aux situations. « J’ai plus appris la finesse de patrons masculins que féminins car les femmes, nous avons un côté impulsif et gnangnan », dit-elle.
Elle assure que « ce n’est pas la petite abeille qui remporte la mise et ce n’est pas parce que tu travailles beaucoup que tu vas avoir plus de reconnaissance. Il faut apprendre à mettre l’énergie au bon endroit ». Marie recommande à ses collaboratrices un peu sanguines de ne pas réagir à chaud, d’être patientes, d’apprendre à jouer des situations pour placer ses pions au bon moment.
Les femmes vont prendre de plus en plus de postes de direction parce que le « client est au centre des préoccupations » et les assureurs doivent être représentatifs de leurs clients, soutient-elle.
Toute seule, face à la grivoiserie
Marie a maintes fois entendu des blagues à consonance sexuelle pendant des réunions ou à la pause café, pas forcément sur elle-même. Elle se souvient d’une réunion où il n’y avait que des garçons. Son responsable lance une blague salace à propos d’une main aux fesses, les autres éclatent de rire et elle se sent complètement exclue. Ce comportement grivois atteint toutes les couches de la hiérarchie, « des plus jeunes aux plus gradés, jusqu’au niveau DG », selon Marie, mais « il n’est pas généralisé, car certains garçons restent sur la retenue ».
Face à ces commentaires, Marie sourit. « J’estime que ce n’est pas à moi de réagir. En revanche, je ne tolère pas au sein de mes équipes les blagues racistes, sexistes ou franchouillardes », assure-t-elle.
Marie considère que son attitude ne permet pas aux hommes d’avoir des gestes déplacés. En revanche, elle n’échappe pas aux commentaires sur sa tenue. « Le matin, je suis dévisagée de la tête aux pieds ». Elle coupe court aux discussions avec des répliques du genre « Je ne suis pas en train de commenter vos chaussures, moi » ou « nous ne sommes pas là pour parler mode ».
Marie a entendu parler d’un cas de harcèlement moral qui avait été mal traité il y a une dizaine d’années. L’agresseur avait eu une promotion dans un pays étranger. « Aujourd’hui, les enquêtes sont menées plus sérieusement par des sociétés indépendantes pour s’assurer d’une certaine neutralité et les agresseurs sont automatiquement licenciés », pense Marie.
"Elle vend plus parce qu’elle est charmeuse"
Marie estime que les filles jouent de leur féminité et ont le droit de s’habiller avec une jolie jupe. Elle dit à ses collaboratrices qu’elles doivent assumer leurs tenues. Si elles mettent des vêtements trop courts ou saillants, elles seront forcément remarquées. Elle a déjà entendu à propos d’une jolie fille « elle a de bons résultats commerciaux parce qu’elle est charmeuse. C’est facile pour elle parce qu’elle est jolie », alors qu’elle n’a jamais entendu dire qu’un garçon est bon dans son travail parce qu’il est mignon.
"Je ne cours pas le networking à tout prix"
Concernant la conciliation entre vie personnelle et vie privée, la maternité ne l’a pas pénalisée, mais après chaque enfant, elle a changé de société. Marie a gardé une liberté absolue. « Je maîtrise ma vie personnelle et professionnelle et j’estime avoir été bien accompagnée par des managers garçons avant et après mes accouchements », affirme-t-elle.
« Les femmes se mettent beaucoup de pression et doivent être parfaites partout », regrette-t-elle. Après une période pendant laquelle elle pensait pouvoir tout assurer, elle admet ne pas s’occuper de la logistique à la maison. Pour consacrer du temps à la famille, « Je ne cours pas le networking à tout prix et peut-être que cela me jouera des tours à l’avenir, mais je préfère aller à l’essentiel et me concentrer sur ce qui m’amuse le plus », confie-t-elle.
Face à sa carrière ascendante, « mon mari ne rêve que de devenir homme au foyer. Je lui ai formellement interdit », plaisante-t-elle. Elle pense qu’il y a un temps pour tout dans la vie. Elle ne regrette pas de s’investir à fond aujourd’hui mais n’écarte pas la possibilité, à l’avenir, de prendre du temps pour une pause, de s’orienter vers un job moins important car, « à la fin de la vie, ce qui reste, ce n’est pas le travail ».
*Le prénom a été modifié Retrouvez les autres témoignages de la série "Paroles de femmes dans l'assurance" iciÀ voir aussi
Cercle marketing et relation client : Retour sur la troisième réunion (2023-2024)
Courtage : Maintien de salaire pour les salariés en congé de paternité
Cercle marketing et relation client : Retour sur la deuxième réunion (2023-2024)
Explosion rue de Trévise : Les difficultés des victimes avec les assurances