Médecine libérale : Le règlement arbitral, une bonne nouvelle pour les ocam ?
ANALYSE – La mise en place d’un règlement arbitral pour encadrer les conditions d’exercice et de tarification de la médecine libérale des deux prochaines années ne résoudra pas les problèmes d’accès aux soins. L’éventuelle revalorisation du forfait patientèle reste également possible, avec le questionnement qu’elle pose quant au rôle des organismes complémentaires.
A l’origine, la convention médicale est un cadre de négociation visant à fixer la tarification des actes de la médecine libérale par type de profession. Par extension, se sont ajoutés des aspects plus techniques liés à l’informatisation des cabinets médicaux. Avec la transition épidémiologique et le vieillissement de la population, les pouvoirs publics cherchent à travers la convention à améliorer l’organisation des soins, mieux prendre en charge les pathologies chroniques et traiter le problème d’accès aux soins liés à la baisse de la démographie médicale.
Une revalorisation sous conditions
Pourquoi les syndicats de médecins ont-ils refusé le projet de l’Assurance Maladie ? Pour MG France, principal syndicat de médecins généralistes, une revalorisation de la consultation de 25 à 30 euros était nécessaire. Or, l’Assurance Maladie n’a accordé que 1,5 euros d’augmentation sur le tarif de la consultation. Pour atteindre les 30 euros que demandaient les médecins, ces derniers devaient signer un contrat d’engagement territorial et accepter de nouvelles contraintes. L’Assurance Maladie demandait aux médecins par exemple d’augmenter leur patientèle ou encore d’accepter de prendre en charge des soins non-programmés. Or, beaucoup de médecins considèrent être déjà au maximum de leur capacité. Pour augmenter leur patientèle, il faudrait modifier leur organisation, accepter de travailler davantage et en exercice coordonné en déléguant des tâches à d’autres professions. « Les pouvoirs publics poursuivent à travers cette convention, le souhait d’introduire des mesures qui ne sont pas simplement d’ordre tarifaire. Elles renvoient à des enjeux de réorganisation des soins dont le diagnostic et la ligne directrice méritent certainement d’être largement partagés pour accompagner le changement », considère Véronique Lacam-Denoël, présidente de Proxicare.
Pour Avenir Spé, principal syndicat de médecins spécialistes, 70% des spécialistes ne sont pas en capacité de respecter les critères d’éligibilité du contrat d’engagement territorial et ne pourront donc pas bénéficier des revalorisations tarifaires prévues par le contrat. Par exemple, le contrat imposait que 40% des actes soient réalisés au tarif opposable ou encore que le médecin accepte de prendre des soins non programmés le samedi matin.
Le précédent de 2010
Les besoins de l’Assurance Maladie et les revendications des médecins n’ont pas trouvé de terrain d’entente. L’unanimité de la base des deux principaux syndicats a rejeté le projet de convention de l’Assurance Maladie. Après l’échec des négociations, que va-t-il se passer ? L’arbitre Annick Morel va-t-elle partir du projet de convention soumis à signature ? Ou bien de la précédente convention de 2016 et ses avenants ?
En 2010, il y a déjà eu un règlement arbitral. « L’arbitre est neutre. A l’époque, l’arbitre Bertrand Fragonard avait reconduit la convention précédente de 2005 et ajouté quelques mesures complémentaires. Il avait notamment revalorisé la consultation avec un médecin généraliste qui était passée à 23 euros. Il avait par ailleurs introduit les incitations financières à la télétransmission et le tiers payant social pour les bénéficiaires de l’ACS. L’arbitre a retenu les seules mesures qui faisaient consensus, c’était donc plus un règlement de reconduction de la convention de 2005 », commente Véronique Lacam-Denoël.
Si le règlement arbitral de 2023 suit le même schéma que celui de 2010, « il faut s’attendre à ce que les pouvoirs publics prennent d’autres mesures par ailleurs pour régler les problèmes d‘accès aux soins des patients en ALD sans médecin traitant et de prise en charge des soins non programmés », considère Véronique Lacam-Denoël. Sept millions de Français n’ont pas de médecin traitant dont 650.000 sont en affection de longue durée. Pour respecter l’engagement du président de la République d’atteindre zéro patient en ALD sans médecin traitant, le gouvernement pourrait s’appuyer davantage sur des propositions de loi comme celle de Stéphanie Rist qui ouvre la possibilité d’avoir un accès direct à des professions paramédicales.
Quel avenir pour le forfait médecin traitant ?
Le forfait médecin traitant est l’aspect de la convention médicale qui dérange le plus les organismes complémentaires. Créé en 2018, ce forfait est versé à chaque médecin traitant de secteur 1 et son montant est calculé en fonction de la composition de sa patientèle. Le FPMT est partiellement financé par les organismes complémentaires à hauteur de 0,8% de leurs cotisations encaissées. En 2019, ce forfait représentait 800M d’euros, dont 300M d’euros pour les organismes complémentaires.
« Ce forfait que financent les organismes complémentaires sans que l’assuré ni le médecin s’en aperçoivent, c’est une taxe. L’enjeu pour les organismes complémentaires est d’être visibles par les assurés », explique Véronique Lacam-Denoël. Les ocam, représentés par l’Unocam peinent à se faire entendre pour remplacer ce forfait par une prestation plus visible par l’assuré et les professionnels de santé. Or, l’actuel projet de convention de l’Assurance Maladie prévoyait non seulement la pérennisation de ce forfait mais une revalorisation significative. Nul ne peut savoir que va décider l’arbitre Annick Morel mais étant donné que le forfait patientèle était déjà dans la précédente convention de 2016, il pourrait être revalorisé dans le cadre du règlement arbitral, au grand dam des complémentaires si leur contribution devait augmenter sous la forme d’une taxe. Affaire à suivre.
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