Multirisques : Feu vert pour la réforme de l'assurance agricole
La réforme de l'assurance agricole prend corps avec la présentation d'un projet de loi en conseil des ministres ce mercredi 1er décembre.
Longtemps en jachère, la réforme de l'assurance agricole sort de terre. « Les assureurs appellent à une réforme depuis plusieurs années, pointe Franck Le Vallois, directeur général de la FFA. Le monde agricole est mal protégé avec un taux de non assurance qui frôle les 70% des surfaces exploitées ». L'épisode de gel tardif du printemps dernier fut un électrochoc pour les pouvoirs publics.
Le 28 mai, à l'occasion du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique, Julien Denormandie, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, confiait la rédaction d'un rapport au député Frédéric Descrozailles. « Les travaux du député posent des bases extrêmement intéressantes sur la refonte du système », estime Thierry Martel, président de l'AAM et directeur général de Groupama. L'élu LREM remettait ainsi ses conclusions le 26 juillet dernier. Un peu plus d'un mois plus tard, Emmanuel Macron jetait les bases d'une réforme devant un rassemblement de jeunes agriculteurs : « Nous voulons créer un système (...) pour avoir la réponse la plus rapide possible quand on est touché par une calamité agricole ». L'écriture d'un projet de loi était lancée.
Ce dernier est présenté ce mercredi 1er décembre en conseil des ministres. « Le constat est simple. Nous n'aurons pas de souveraineté économique sans souveraineté alimentaire. Et pas de souveraineté alimentaire sans une agriculture résiliente, explique-t-on dans les couloirs du ministère de l'Economie, des Finances et de la Relance. Or le système actuel est peu efficace et injuste, et conduit à un taux de couverture contre les risques climatiques inférieur à 18% ».
Un système à trois étages
Le texte, porté conjointement par les ministères de l'Economie et de l'Agriculture, s'inspire très largement du modèle espagnol mis en place dans les années 1970. Il s'appuie sur un système à trois étages. La première brique s'apparente à une franchise. Les agriculteurs prendraient une partie du risque sous forme d'auto-assurance. « L'hypothèse est de fixer ce seuil à 20% », croit savoir une source au fait du dossier. Le deuxième étage fait appel au secteur privé de l'assurance, à travers la diffusion d'une multirisques climatique subventionnée par l'Etat.
Pour l'heure, le projet de loi ne définit pas le niveau de prise en charge des primes d'assurance. « Le texte borne simplement l'intervention de l'Etat au regard des seuils autorisés par l'Union européenne », indique le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation. « Le cadre européen et la directive Omnibus permettent d'atteindre un taux de subvention pouvant aller jusqu'à 70% », précise Franck Le Vallois.
Enfin, la 3e brique fait intervenir la solidarité nationale pour indemniser les agriculteurs à partir d'un certain seuil. Sur ce point, le schéma reste encore flou. « Nous allons poursuivre les consultations auprès des assureurs et des assurés. La partie technique sera détaillée ultérieurement dans une série d'ordonnances », avance-t-on rue de Varenne.
Roule mon pool
S'agissant de l'assurance privée et donc du 2e étage de la fusée, le gouvernement réfléchit à la constitution d'un pool. L'article 5 du projet de loi ouvre cette possibilité. « Le dispositif de pool amène beaucoup d'interrogations structurantes pour les assureurs. Il impliquerait le partage des données et des informations pour créer une base de tarification technique commune entre tous les membres du pool et irait jusqu'à la mise en commun des sinistres », soulève le directeur général de la FFA. « Est-ce que Groupama accepterait de partager ses informations avec tout le monde ? », s'interroge un dirigeant du secteur. Pour les assureurs se pose également le sujet de la gouvernance de ce pool. « La tarification doit se faire sur des bases techniques et sans ingérence des politiques », poursuit ce dirigeant.
Autre point d'attention celui du guichet unique. « Le dispositif acterait la mise en place d'un interlocuteur unique pour les assurés, avec délégation de service. Mais quid de la rémunération de cette délégation de service public ? », se demande Franck Le Vallois.
Enfin, l'Autorité de la concurrence a été saisie par le gouvernement. Il existe ainsi un risque de distorsion de concurrence entre les assureurs membres du pool qui bénéficieraient de la subvention de l'Etat et ceux qui souhaiteraient continuer à commercialiser des contrats hors du pool, mais sans profiter de cette subvention. "Selon moi, ce pool ne tue pas la concurrence", tempère Thierry Martel.
Un calendrier serré
Quoi qu'il en soit, le calendrier est serré. Le projet de loi doit être déposé à l'Assemblée nationale à la mi-janvier et voté par les deux chambres avant la fin du mois de février. Année de présidentielles oblige, les députés cesseront leurs travaux parlementaires le 27 février. Le volet financement de la réforme est quant à lui renvoyé au Projet de loi de Finances 2023. « Avec une mise en œuvre de la réforme au 1er janvier 2023, le calendrier est particulièrement ambitieux », conclut Franck Le Vallois.
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