Olivier Brenza : "J’ai baissé de 40% la rémunération de directeur général"
INTERVIEW – Olivier Brenza, directeur général d’Aésio Mutuelle, répond aux critiques des députés et élus locaux concernant son plan d’économies, sa gestion et sa rémunération. Il annonce une réduction de 12% sur les dépenses de la mutuelle en 2023.
Aésio Mutuelle a accumulé près de 130M d'euros de pertes en trois ans. Vous avez annoncé un retour à l'équilibre d'ici 2025. Où en êtes-vous dans la mise en œuvre du plan d’entreprise Élan 2025 ?
Élan 2025 est un plan de transformation de l'entreprise pour conforter ses capacités de développement et affirmer son engagement dans l'économie sociale et solidaire. Ce projet s’articule autour de quatre leviers : de développement commercial, de pilotage de notre portefeuille, de rationalisation de nos frais de gestion et d’optimisation de notre modèle organisationnel.
Nous travaillons sur notre développement commercial, avec l’objectif d’un mix produit équilibré, notre portefeuille étant composé aujourd’hui pour la moitié de contrats individuels et pour moitié de contrats collectifs.
Nous avons lancé par ailleurs un plan de rétention et de fidélisation de nos adhérents. Aésio Mutuelle a la volonté de couvrir l’ensemble de la chaîne de valeur de l’assurance y compris la gestion et la distribution des contrats.
Avez-vous revu votre positionnement sur certains risques ?
Dans une stratégie de multi-équipement, nous avons progressé sur le développement en prévoyance individuelle. S’agissant de la prévoyance collective, nous n’en faisons pas un axe de développement. Cependant, lorsqu’un appel d’offres en assurance collective contient un volet santé et prévoyance, nous souhaitons pouvoir répondre sur le volet prévoyance, et si nécessaire en partenariat avec d’autres acteurs.
Nous travaillons aussi pour équiper nos clients individuels et petites entreprises en assurance IARD et emprunteur.
Allez-vous continuer à travailler avec le courtage ?
Nous souhaitons continuer de nous appuyer sur nos équipes commerciales, mais nous n’excluons pas de travailler avec le courtage sur des zones où nous sommes peu ou pas présents. Aujourd’hui, le taux d’affaires réalisé via le courtage est d’un peu plus de 15% de notre chiffre d’affaires.
Où en êtes-vous du redressement de votre portefeuille ?
Fin 2022, nous avons bien avancé sur la rationalisation des conventions collectives nationales (CCN). Nous allons poursuivre en 2023 sur les CCN dites recommandées. En 2023, le chiffre d’affaires d’Aésio Mutuelle devrait avoisiner les 2 milliards d’euros, avec une amélioration de 18 millions d’euros de notre marge technique. Nous avons par ailleurs mené un travail de rationalisation du nombre de garanties. L’idée est de commercialiser moins de produits mais avec des effectifs plus importants. Parallèlement, le travail sur le pilotage du portefeuille nous a conduit à avoir une approche tarifaire plus adaptée. On recentre et on concentre nos ressources sur moins de segments et de contrats.
Où en êtes-vous dans votre trajectoire de réduction de frais ?
Nous avons initié un plan d’économies sur les achats et une rationalisation de nos charges. Nous avons également la volonté de réduire le nombre de sites administratifs pour passer de 44 à 12 sites administratifs, répartis au sein de nos 8 territoires politiques. Nous allons revenir à une organisation plus simple, plus lisible, avec des circuits de décision plus courts.
Nous devons ramener notre ratio combiné de 105% à 100% d’ici 2025. Cela représente un effort significatif sur les frais. Mais ce n’est pas le seul levier de redressement. Comme je l’ai évoqué, nous réfléchissons aussi à notre stratégie de développement et au pilotage technique de notre portefeuille .
Vous avez annoncé 387 suppressions de postes et 444 mobilités géographiques ou fonctionnelles sur un effectif de 3.458 collaborateurs. Des députés et des maires vous ont demandé de reconsidérer votre plan social. Que leur répondez-vous ?
Je comprends et j’entends les interrogations, les craintes d’élus locaux de villes de petite ou moyenne taille lorsqu’ils apprennent qu’Aésio va fermer un site administratif. Notre objectif premier est de pérenniser les activités et de renforcer notre présence sur le territoire, de maintenir nos actions de proximité. Quand on ferme un site administratif, on ferme un bâtiment, mais on conserve nos activités de gestion et de distribution.
Sur nos implantations géographiques, nous souhaitons conserver notre ancrage territorial. Notre plan prévoit de fermer 28 agences mais également d’en ouvrir d’autres. Nous souhaitons préserver 238 agences sur le territoire national, nos conseillers de terrain et nos élus mutualistes.
Pouvez-vous préciser quels emplois seront concernés par le PSE ?
Le projet concerne l’ensemble du personnel. Un tiers des emplois sont des cadres, un tiers des techniciens et un tiers des employés. Tous nos sites et toutes nos directions sont concernés par cette réorganisation.
Que répondez-vous aux élus qui vous accusent d’avoir mené des investissements hasardeux ?
Aésio Mutuelle a une politique de gestion financière prudente, encadrée par les normes de Solvabilité 2. Nous avons réalisé avec Aéma des prises de participation (10% d’Abeille et 6% d’OFI Invest). Ce ne sont en rien des investissements hasardeux : tout au contraire, cela conforte notre position et notre modèle. Nous communiquerons les résultats de ces activités en fin d’année.
Des élus vous accusent également de mauvaise gestion et de manque d’anticipation sur les problèmes sociaux liés aux fusions successives. Que leur répondez-vous ?
Nous venons de vivre une période de pandémie que personne n’avait anticipé, nous subissons les effets des évolutions règlementaires. Pour Aésio, le coût du 100% santé représente 70M d’euros, par an. Les transferts de charges attendus pour la rentrée représentent 25M d’euros par an pour notre mutuelle. Autant de charges supplémentaires que l’on ne pouvait pas anticiper. Nous avons lancé le plan Élan 2025 pour assurer la préservation de nos activités et la pérennité de notre entreprise.
Quelles évolutions tarifaires anticipez-vous pour 2024 ?
Il est encore trop tôt pour vous répondre. L’inflation des dépenses de santé et les mesures de transfert de charges vont peser sur nos équilibres techniques. Nous ne pouvons pas raisonnablement traduire la charge technique en augmentation tarifaire. Je pense notamment aux adhérents les plus vulnérables qui peinent à joindre les deux bouts. Nous allons évaluer les effets de ces transferts au plus juste afin de minimiser l’impact technique pour nos adhérents, tout en s’assurant que la charge ne vienne pas pénaliser notre trajectoire de redressement.
Les élus vous reprochent également votre niveau de rémunération, Olivier Brenza. Que leur répondez-vous ?
Certains syndicats communiquent de mauvaises informations et cela discrédite toute l’entreprise. Lorsque j’ai pris mes fonctions fin décembre, j’ai baissé la rémunération de directeur général de 40%. Nous avons également revu à la baisse la taille de l’équipe du cabinet de direction générale. L’effort d’économies est collectif et à tous les niveaux. Nos administrateurs et nos élus dans les territoires participent aussi à cet effort.
Quel est le montant d’économies estimées pour 2023 ?
Nous allons réaliser environ 12% d’économies sur notre niveau de dépenses en 2023.
Comme nous l’annoncions dans nos colonnes, Apivia Macif Mutuelle a vocation à quitter l’UMG Aésio Macif à la fin de l’année pour rejoindre la SAM Macif. Les résultats négatifs d’Aésio sont-ils à l’origine de cette décision ?
Les résultats d’Aésio ne sont pas à l’origine de ces évolutions. Le ratio de solvabilité d’Aésio Mutuelle, autour de 240%, va bien au-delà des obligations règlementaires. Il n’y a pas de sujet de solidarité financière au sein du groupe Aéma, ni au sein de l’UMG Aésio Macif, qui réunit également Apivia Macif Mutuelle, la MNPAF (Mutuelle Nationale des personnels d’Air France), Nuoma mutuelle et la Mutuelle des métiers de la justice (MMJ). Les évolutions au sein du groupe Aéma répondent à une approche par marque avec l’arrivée d’Abeille Assurances et la création du pôle de gestion d’actifs Ofi Invest. La mise en œuvre d’Elan 2025 ne va pas à l’encontre du développement du groupe Aéma, bien au contraire. Aésio Mutuelle est un des deux membres fondateurs, avec Macif, du groupe Aéma, et entend jouer un rôle majeur au sein du groupe.
À voir aussi
SPVie : "Nous nous sommes refinancés à hauteur de 50M d'euros"
Éric Chancy : "L’UMR multiplie ses partenariats externes"