Portabilité : Que peut faire l’assureur en cas de liquidation judiciaire ?

mardi 5 janvier 2021
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Le financement de la portabilité des droits de protection sociale en cas de liquidation judiciaire inquiète les organismes complémentaires. A quelles conditions peuvent-ils résilier le contrat ? Décryptage juridique.

La portabilité des garanties de protection sociale dont bénéficient les salariés ayant quitté l’entreprise pendant un an est un des sujets les plus sensibles en période de crise économique. En cas de liquidation judiciaire, le financement de la portabilité pose question.

Jusqu’en 2017, il existait un vide juridique autour du maintien des garanties en cas de liquidation judiciaire de l’entreprise. Les mandataires et liquidateurs judiciaires plaidaient la cause des anciens salariés et les organismes assureurs la leur, considérant qu’il n’est pas possible de couvrir des anciens salariés d’une entreprise qui n’existe plus.

Après des années de contentieux et de décisions de justice contradictoires, le Tribunal de Grande Instance de Strasbourg a demandé en 2017 à la Cour de cassation son avis formel sur la question. « L’avis de la Cour de cassation pose le principe selon lequel la portabilité doit être maintenue en cas de liquidation judiciaire car le code de la Sécurité sociale ne fait pas de distinction entre les entreprises en activité et en liquidation judiciaire. L’avis de la Cour est clair, mais ajoute une condition : Il y a un principe de maintien de la portabilité mais le contrat d’assurance ne doit pas avoir été résilié », précise dans un webinaire Pascale Baron, avocate associée de Rigaud Avocats.

L’arrêt de la Cour de cassation du 5 novembre 2020 rappelle cette condition : pour pouvoir bénéficier de la portabilité, le contrat doit être en vigueur. « La Cour opère un transfert de la responsabilité de la portabilité de l’entreprise vers l’organisme assureur », considère Pascale Baron.

En revanche, aucune disposition législative ne prévoit comment financer la portabilité en cas de liquidation judiciaire. La question qui se pose est celle de savoir si lorsque l’entreprise est en liquidation judiciaire, les organismes peuvent résilier les contrats pour éviter de financer la portabilité ?

Les conditions de résiliation du contrat

Dès qu’un organisme assureur constate une procédure de liquidation au sein d’une de ces entreprises clientes, il va envoyer une mise en demeure sur la poursuite du contrat. En cas de résiliation par le mandataire judiciaire, la portabilité ne s’applique pas. En cas d’absence de réponse dans un délai de 30 jours, l’assureur a la possibilité de résilier le contrat. « Malgré cette règle juridique, certains mandataires laissent passer le délai d’un mois et considèrent que l’absence de réponse ne permet pas à l’assureur de résilier le contrat », avertit Pascale Baron.

Autre hypothèse, si le mandataire souhaite maintenir le contrat d’assurance, deux possibilités se présentent. Si l’entreprise n’a plus de salariés, la portabilité doit être maintenue. En revanche, si l’entreprise a encore des salariés en activité et qu’elle ne paie pas leurs cotisations, l’assureur peut enclencher une procédure de résiliation, dans un délai de 50 jours, à condition que les impayés ne soient pas antérieurs à la procédure de liquidation judiciaire.

Si l’entreprise est à jour de ses cotisations sur ses salariés en activité, l’assureur peut également procéder à une résiliation à l’échéance annuelle du contrat, même lorsque l’entreprise est en procédure de liquidation judiciaire. En tout état de cause, la clôture de la procédure de liquidation judiciaire met un terme à la portabilité.

La prime unique, une bonne idée ?

Certains assureurs ont réfléchi à un moyen alternatif permettant d’anticiper le financement de la portabilité en amont, au moment où l’organisme assureur constate quelques difficultés de paiement ou une réduction de la masse salariale. « La première solution consiste à augmenter les cotisations, ce qui revient à faire peser le risque sur les entreprises les plus impactées par la crise. En revanche, cette hausse de cotisation ne peut pas être appliquée de façon unilatérale, doit être acceptée par l’entreprise et communiquée bien en amont du délai légal de résiliation annuelle du contrat », indique Pascale Baron.

L’autre possibilité est de négocier avec le liquidateur la mise en place d'une prime unique afin de faire financer la portabilité par les salariés encore présents dans l’entreprise. « Il est très important de contractualiser cette prime unique car la clause peut être réputée non écrite. Par ailleurs, cette prime unique soulève des questions concernant son traitement social et un éventuel risque Urssaf », conclut Pascale Baron.

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