Prévoyance : Les impacts vertigineux de la réforme des retraites
Addactis estime qu’un report de l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans aurait un impact de 20% sur les provisions du risque invalidité, en cas de financement par les organismes assureurs des invalides en cours.
Reculer le départ à la retraite est une des promesses de campagne d’Emmanuel Macron. Le président de la République veut porter progressivement l’âge légal de départ de 62 à 65 ans. Cette réforme aura mécaniquement un impact bénéfique sur les cotisations sociales et le financement des retraites, mais elle peut faire bondir la sinistralité en prévoyance. En effet, maintenir des salariés âgés en emploi plus longtemps implique d’avoir des assurés couverts contre le risque d’arrêt de travail ou invalidité plus longtemps. Par rapport aux jeunes actifs, ces salariés âgés présentent un risque plus élevé de tomber malades, d'être en arrêt maladie ou atteints d’une invalidité.
Addactis s’est penché sur la question de l’impact d’une réforme des retraites sur les invalides en cours. La société d’actuariat a partagé ses estimations le 30 juin dernier, dans le cadre d’un webinaire.
« Un mécanisme d’amortissement comptable serait vraisemblablement mis en place, comme ce fut le cas pour la réforme Woerth de 2010. Avec Solvabilité 2, ce mécanisme ne se répercuterait pas dans le bilan prudentiel, selon Thibaut Gilliard, directeur adjoint Modeling & Finance d’Addactis pour qui ce mécanisme, « s’il permet de lisser la charge de reprovisionnement pour l’organisme, il implique également la mise en place d’un mécanisme d’indemnités de résiliation. Il est opérationnellement complexe et source de contentieux ».
Impact majeur sur les provisions
Dans le cas d’un financement des invalides en cours, la mise en place d’une réforme progressive aurait un impact de 15% sur les provisions comptables du risque incapacité, selon Addactis. L’impact serait de 20% sur une réforme à 65 ans sur toutes les générations.
Concernant le risque invalidité, les impacts d’une réforme progressive seraient de l’ordre de 20%, pouvant aller jusqu’à 35% si l’ensemble des générations étaient indemnisées jusqu’à 65 ans.
Sur les engagements arrêt de travail, le risque serait plus faible : de 17% en cas de réforme progressive et de 28% si toutes les générations étaient concernées par le recul de l’âge de départ à 65 ans.
Concernant l’impact prudentiel en santé et prévoyance, Addactis anticipe « une diminution des fonds propres du fait de la perte technique liée au financement de la réforme par l’organisme assureur, sans aide extérieure. Il y aurait également un effet d’assiette sur les Best estimates et les SCR ». Selon les modèles de la société d’actuariat, en 2023, un organisme complémentaire type verrait donc son ratio de solvabilité passer de 249% à 191%, soit une baisse de 58 points, du seul effet de la réforme sur les engagements du stock ».
Dans le cas où l’âge légal des invalides en cours serait maintenu, les organismes complémentaires n’auraient à supporter que les nouvelles survenances. L’impact tarifaire annuel initial serait alors de 15% en moyenne sur le risque arrêt de travail, selon Addactis. Les autres garanties, (santé, décès annuel, rente décès), seraient également impactées, mais en moindre mesure.
1,5 million d'actifs seniors supplémentaires
Un des effets démographiques qui a été moins documenté est celui du vieillissement de la population active couverte. Sur les 10 dernières années, le vieillissement de la population explique à lui seul une dérive de la sinistralité prévoyance de près de 10 points. En cause, la diminution de la population active entre 25 et 45 ans et la croissance de la population active des salariés de plus de 55 ans. Addactis souligne qu’avec un report de l’âge de départ à la retraite, la France compterait 1,5 million de personnes actives de plus de 50 ans supplémentaires par rapport à aujourd’hui.
Ces projections poussent Addactis à recommander : « Notre conviction est que le principal enjeu pour l’ensemble des acteurs de la prévoyance résidera dans la mise en œuvre d’actions de maîtrise du risque, et donc de prévention, pour garantir des salariés de plus de 50 ans en bonne santé ».
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