Réforme de la PSC : Que deviendront les perdants ?
ANALYSE - Au jeu des appels d’offres de la PSC, les perdants vont devoir se séparer d’une partie voire de la majorité de leur portefeuille. Quand le pire des scénarios se confirme, comment rebondir ?
L’appel d’offres des Services du Premier Ministre a hissé le néo-assureur Alan en qualité de vainqueur et donc d’assureur santé des agents publics de ce ministère. Par la même occasion, la Mutuelle centrale des finances (MCF) s’est vu coller l’étiquette du perdant. Même sort pour l’Ipsec et la CDC Mutuelle qui ont été écartées du marché de la Caisse des Dépôts et des Consignations.
Que vont devenir les organismes perdants, alors que la majorité de leur portefeuille d’actifs va basculer vers un contrat collectif au 1er janvier 2025 ? La MCF ne fait pas de commentaire, engagée par ailleurs sur d’autres appels d’offres. L’Ipsec, de son côté, fait partie du groupe paritaire Malakoff Humanis, qui protège de nombreuses entreprises en tant qu’assureur inter-professionnel. Pour CDC Mutuelle, ancien organisme référencé par la CDC jusqu’en 2020, cela risque d'être plus compliqué.
Virage stratégique
Les mutuelles de la fonction publique en général, et les affinitaires en particulier jouent leur survie dans le cadre de la réforme de la PSC. Privées des actifs, vont-elles devenir des mutuelles de retraités ? Se concentrer sur l'action sociale ? Devoir fusionner avec d’autres organismes ? Elles peuvent retenter leur chance auprès d'autres organismes d'État ou bien patienter pendant six longues années jusqu'au prochain appel d'offres. Mais si elles veulent survivre, elles vont devoir se réinventer. D'autant plus qu'elles disposent de fonds propres pour pouvoir se retourner.
Regardons de près certains cas passés de défaite. L'un des objectifs majeurs est de rajeunir le portefeuille. Après avoir perdu l'appel d'offres de la Caisse des Dépôts en 2020, CDC Mutuelle a accusé une baisse de 30% sur le nombre de bénéficiaires et de 20% sur les cotisations entre 2021 et 2022. Elle conservait encore 3.900 bénéficiaires et 3,7M d’euros de cotisations santé fin 2022, selon son rapport SFCR. Grâce à ses 8M d'euros de fonds propres, la CDC Mutuelle a adopté un plan triennal 2022/2025 avec l'objectif d'attaquer le marché des professions indépendantes tels que les freelances, auto-entrepreneurs et professions libérales.
La Mutuelle du ministère de la justice (MMJ) a également fait l’expérience de la défaite en 2017. Dans le cadre d’un mono-référencement, elle avait été écartée par le ministère de la Justice au bénéfice d’Intériale. La MMJ n’a pas pour autant disparu. Ces dernières années, elle a changé de nom pour devenir la Mutuelle des métiers de la justice et elle assure couvrir encore 70% des agents actifs du ministère et la majorité des retraités. En effet, ces dernières années l’adhésion aux offres santé référencées était facultative pour les agents. Et la participation employeur de 15 euros par mois depuis 2022 est disponible pour tout type de contrat.
La couverture des retraitées, porte de sortie
La réforme de la PSC est une autre paire de manches. Le gagnant de l'appel d'offres santé va forcément capter tout le portefeuille des actifs puisqu'il s'agit d'un contrat collectif à adhésion obligatoire. Les agents bénéficieront en plus d’une participation employeur plus conséquente et équivalente à la moitié du montant de la prime. Les mutuelles évincées pourront cependant maintenir une activité auprès des populations retraitées. Aujourd’hui déjà, les retraités représentent environ la moitié du portefeuille des mutuelles de la fonction publique.
Demain, les retraités auront le choix de rejoindre le contrat collectif, ou bien de garder leur contrat actuel. Quel pourcentage de retraités vont rejoindre le régime collectif ? C’est la grande inconnue de la réforme. « Même si nous remportons l’appel d’offres, nous allons encourager nos retraités à rester couverts dans le cadre de leur contrat actuel, qui sera moins onéreux, avec une garantie dépendance en inclusion et plus adapté à leurs besoins », signale un dirigeant mutualiste.
« Pour une certaine catégorie de retraités, entre 65 et 75 ans, il sera certainement plus intéressant de rester couvert en assurance individuelle, d’autant plus que le contrat collectif prévoit un niveau de garantie très élevé qui ne correspond pas toujours avec le budget de nos retraités », signale une autre dirigeante. Cependant, le départ des actifs va entraîner une remise en question des mécanismes de solidarité intergénérationnelle pour les perdants des appels d’offres. « Si les mutuelles doivent appliquer le prix réel pour les retraités, le tarif de la complémentaire santé va fortement augmenter », s’inquiète un acteur de ce marché.
La prévoyance comme alternative
La prévoyance constitue l’autre porte de sortie pour les tenants. Certains ministères (Services du Premier Ministre, Transition écologique) ont déjà lancé des appels d’offres dédiés pour chercher leur opérateur prévoyance. Les acteurs historiques ont encore toutes leurs chances. Mais même s’ils perdent ces appels à concurrence, le marché de la prévoyance restera ouvert, selon plusieurs observateurs.
Les agents pourront en effet décider de rester au sein de leur mutuelle affinitaire, l’adhésion au contrat prévoyance collectif étant facultative. Malgré cette perspective, la participation financière de l’employeur (7 euros par mois) sera un atout indéniable pour l’assureur du contrat collectif.
La diversification pour pouvoir se retourner
En tout état de cause, les mutuelles qui ont mis tous les œufs dans le même panier ont plus à perdre que celles qui ont une activité plus diversifiée. Intériale, par exemple, réalise la moitié de son chiffre d’affaires sur la fonction publique de l’État et l’autre moitié sur la fonction publique territoriale. Elle a annoncé sa volonté de répondre aux appels d'offres avec Axa. Si elle gagne les appels d’offres du ministère de l’Intérieur et de la Justice, elle va doubler son chiffre d’affaires. Si elle les perd, elle va réduire de moitié son portefeuille. C’est quitte ou double. En plus, la mutuelle protège 34.000 jeunes via la LMDE, ce qui lui permet de baisser la moyenne d’âge de son portefeuille.
Autre exemple, la Mutuelle générale de l’éducation nationale (MGEN), de son côté, a beaucoup œuvré ces derniers mois pour sortir de son rôle historique de mutuelle d’enseignants. Elle a annoncé de nombreux partenariats ces dernières semaines. En 2023, elle a conclu un accord avec MGP au ministère de l’Intérieur. Puis avec la MNH et Relyens, sur la fonction publique hospitalière. Enfin, avec la MGAS et Relyens sur les ministères sociaux. Et avec la MAEE au ministère des Affaires étrangères. La perte du portefeuille du ministère de la Transition écologique au bénéfice d’Alan est certes un coup dur mais la mutuelle du groupe Vyv a d’autres chantiers en perspective.
Dans ce contexte extrêmement concurrentiel et incertain, plusieurs scénarios sont sur la table et sans cesse remaniés. Le plus éprouvant pour les dirigeants est de manager dans l’incertitude et de maintenir la flamme au sein des équipes qui attendent depuis des mois de savoir à quelle sauce ils vont être mangés.
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