Réforme du courtage : L’ANCDGP demande l’abrogation du décret
Dans une lettre envoyée fin janvier au Premier ministre, l’ANCDGP demande l’abrogation du décret d’application de la réforme du courtage. L’association nationale des conseils diplômés en gestion de patrimoine considère notamment ce dernier « illégal » et « contraire au droit européen et national ».
Alors que la réforme du courtage doit entrer en vigueur au 1er avril 2022, l’Association nationale des conseils diplômés en gestion de patrimoine s’oppose au décret d’application de l’autorégulation. Dans un courrier adressé fin janvier au Premier ministre (voir en bas d'article), l’ANCDGP formule à Jean Castex une « demande gracieuse d’abrogation du décret n°2021-1552 du 1er décembre 2021 relatif aux modalités d’application de la réforme du courtage de l’assurance et du courtage en opérations de banques et en services de paiement ».
L’association considère que ce décret est « illégal en ce qu’il est contraire au droit européen d’une part, et au droit national d’autre part », peut-on lire dans la missive. S’agissant du contrôle du respect des obligations d’honorabilité, de la souscription d’une RC Pro et de la formation par les futures associations représentatives, L’ANCDGP explique ainsi que « l’article 12 de la DDA exclut cette possibilité ». Pour étayer son argumentaire, l’association ajoute que le décret « viole les dispositions de la directive (UE) 2016/97 du 20 janvier 2016 sur la distribution d’assurance, et doit donc être abrogé de ce fait ».
« Ce que nous craignons, c’est que lorsqu’une de ces associations va décider de radier l’un de ses membres, elle soit considérée comme constitutionnellement illégale car elle n’a aucune délégation de service public et qu’elle devra assumer – seule – les dommages et intérêts pour avoir privé un confrère d’exercer. Nous devons sécuriser ce point en cas de contentieux, comme le précédent de l’association de CIF, la CNCGP, condamnée à payer 2.100.000 euros de dommages et 130.000 euros d’article 700, suite à l’invalidation de la radiation d’un confrère (Cass. Civ. 3.02.2016) », explique Philippe Loizelet, le président de l’association.
Libre prestation de services
L’ANCDGP pointe ensuite la distinction entre l’obligation d’adhésion au dispositif pour les courtiers établis et exerçant en France et la simple faculté d’adhésion pour ceux exerçant au titre de la LPS dans l’Hexagone. « Si au cours des débats parlementaires, cette disposition a pu être justifiée par la volonté de lutter contre les défaillances de certains courtiers LPS, et de protection corrélée du consommateur, il n’en demeure pas moins que les intermédiaires les plus sujets à faillite se trouvent exonérés de cette obligation », indique l’association. Et cette dernière d’ajouter dans sa missive que « l’objectif prétendu de protection du consommateur n’est donc pas rempli […] le dispositif envisagé génère une rupture d’égalité entre courtiers nationaux et ceux exerçant en LPS en France, laquelle constitue une discrimination à rebours contraire au droit européen, justifiant la nécessaire abrogation du décret n°2021-1552 du 1er décembre 2021 ».
Parmi ses justifications juridiques, l’association fait également valoir le fait que l’obligation pour les intermédiaires d’adhérer à une association professionnelle « apparaît manifestement disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi » et considère que l’atteinte portée à la liberté d’entreprendre est « excessive ».
« Le problème réside dans l’ouverture des codes par les assureurs. Alors que les courtiers sont censés être indépendants, les volumes et les appétits de souscription demandés par les porteurs de risques aux intermédiaires pour leur accorder un code biaise la pratique », précise ensuite Philippe Loizelet.
Contraire à la liberté syndicale
L’ANCDGP explique plus loin que les modalités de mise en place de l’autorégulation contreviennent également à la liberté syndicale et d’association, au principe d’égalité devant la loi, ainsi qu’au principe d’indépendance et d’impartialité. In fine, elle considère le décret d’application « entaché de nullité ».
« Ce courrier est une synthèse de l’ensemble de nos analyses et de ce qui nous semble problématique dans la loi dite d’autorégulation du courtage. Le Premier ministre a deux mois pour répondre à notre recours gracieux. Sans réponse de sa part, nous irons ensuite devons le Conseil d’État déposer un recours pour excès de pouvoir. Nous avons également informé l’ensemble des parties prenantes et des parlementaires ayant travaillé sur ce texte de notre démarche. Tout le monde sait désormais quelles sont nos interrogations et plus vite nous les réglerons, plus vite nous pourrons éviter une QPC pour laquelle l’ANCDGP se porterait alors partie civile en cas de contentieux », conclut Philippe Loizelet
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