Reportage : Le sport sur ordonnance en manque de remboursement
REPORTAGE – Dans cette maison santé, les patients atteints d’une maladie longue durée se mettent en mouvement. Encore méconnu, le sport sur ordonnance a fait ses preuves en termes d’efficacité mais souffre du manque de remboursement.
Dans le 13ème arrondissement de Paris, à deux pas de la Bibliothèque nationale de France, il y a une des 138 maisons sports santé référencées par le ministère des Solidarités et de la Santé ainsi que le ministère des Sports. « Mon Stade » est la seule structure privée de la première promotion des maisons santé. De prime abord, elle ressemble à une salle de sport comme les autres. Sauf qu’elle est ouverte, alors que les autres ont dû fermer les portes à cause du Covid. Autre différence, aucune odeur acre de transpiration dans l'air. La salle peut accueillir jusqu’à 10 personnes, mais en cette période de restrictions sanitaires, ils ne sont que 5 aujourd’hui, chacun dans une zone bien délimitée.
[caption id="attachment_1446504" align="alignnone" width="620"] En période de crise sanitaire, chaque patient à une zone bien délimitée et le port du masque est obligatoire.[/caption]Pas non plus de forcenés avec des corps sculptés par l'effort. Les personnes qui viennent à Mon Stade ont souvent un objectif bien précis : guérir. Atteints de diabètes, hypertension artérielle, cancer, ils ont entendu parler du sport comme thérapie non médicamenteuse. La Haute Autorité de Santé a reconnu en 2011 que la pratique sportive peut avoir des effets sur la pathogenèse (la survenance de certaines pathologies), des effets sur la condition physique de la personne, sur les symptômes, et sur la qualité de vie.
Hai a tout compris
[caption id="attachment_1446505" align="alignnone" width="620"] Hay se rend deux fois par semaines à la maison de santé Mon Stade.[/caption]Hai, 83 ans, a été envoyé par l’hôpital de la Pitié Salpetrière. Maigre et discipliné, il pédale en boucle sur son vélo statique, le sourire aux lèvres, l’air d’avoir tout compris. « J’ai toujours cru aux bénéfices du sport sur la santé. Je viens ici depuis deux ans et je constate toujours des progrès. Les exercices d’équilibre sont très bénéfiques à mon âge. Quand je rentre chez moi, j’ai de la bonne fatigue. Ma diabétologue m’a félicité lors de mon dernier rendez-vous. Elle est tellement contente que maintenant on ne se voit que tous les six mois », affirme-t-il.
Les premiers 25 minutes sont consacrés à un travail cardio : tapis, rameur, vélo… suivis de 35 minutes de renforcement musculaire. « L’idée c’est de reconditionner physiquement et mentalement les personnes pour qu’elles puissent s’inscrire durablement dans une activité physique. Nous sommes des passeurs. In fine, l'objectif est de rendre les patients autonomes afin qu'ils puissent poursuivre le sport ailleurs. », selon Stéphane Suzzonni.
Nathalie, les larmes aux yeux
Avant de se mettre au sport, Nathalie était à la limite du diabète, souffrait d’hyper-tension et d’obésité. « Je viens ici depuis deux ans et j’ai perdu 12 kg. Mon objectif est de sortir de la catégorie obèse. Il me reste encore 15 kg à perdre », explique-t-elle, bien installée sur le rameur, le front perlé de sueur. « Quand je suis arrivée, j’avais les larmes aux yeux à la fin de la séance. Je doutais de mes capacités. J’avais mal partout, c’était très dur. J’ai eu quelques blessures aux chevilles et ils ont réadapté le plan d’entraînement à mes limitations. Aujourd’hui, je fais des exercices pour renforcer mes chevilles », dit-elle entre deux squats.
Cette rousse aux cheveux courts vérifie son plan d'entraînement, millimétré comme du papier à musique, et attrape un élastique de musculation. Après sa séquence d'abdominales, elle souffle : « Ici, on nous donne confiance, ils sont derrière nous si nous avons des moments de faiblesse. Parfois je me fais violence pour venir. Mais en partant, je suis fière de moi, je me sens plus légère ».
Les séances sont encadrées par des enseignants en activité physique sportive adaptée - santé, une profession nouvelle qui n’est pas associée à une profession de santé comme peuvent l’être les kinésithérapeutes. Le sport sur ordonnance est encore très associé à la pratique sportive et pas à la pratique médicale.
[caption id="attachment_1446507" align="alignnone" width="620"] Les séances sont encadrées par des enseignants en activité physique sportive adaptée - santé[/caption]La loi du sport sur ordonnance date de 2017 mais les médecins connaissent encore mal le principe. « Il y a un problème de formation des médecins. C’est un changement de culture radical. Ils doivent passer d'une pratique de la dispense de sport à la prescription du sport comme thérapie. 30% de notre public arrive sans ordonnance du médecin traitant. Nous leur conseillons de mettre le médecin dans la boucle car il est probable que la prise de médicaments soit modifiée suite à la pratique sportive », indique Stéphane Suzzoni, directeur général de Mon Stade.
Un entraînement personnalisé
Avant d’enfiler leurs baskets, les patients remplissent un questionnaire en ligne. Quand ils arrivent à Mon Stade, la première étape consiste à faire un bilan sur leur condition physique et motivationnelle. Le scanner Dexa évalue leur composition corporelle et la différence entre les matières grasses et les muscles. « Notre objectif n’est pas forcément de perdre du poids mais de remplacer la grasse par le muscle », explique Stéphane Suzzoni. Après une consultation avec un cardiologue, ils doivent passer quelques épreuves d’effort et des évaluations musculaires (endurance abdominale et lombaire, souplesse, équilibre…). Chaque épreuve est mesurée. Ce bilan permet de tester les capacités de la personne et de concevoir un plan d’entraînement personnalisé de 16 semaines, à raison de 3 séances d’une heure par semaine. A la fin, un nouveau bilan permet de mesurer les progrès sur chacun des indicateurs (activité physique quotidienne, puissance des bras, des jambes, endurance abdominale).
« Nous sommes des spécialistes de la préparation physique. Nous travaillons avec nos patients comme avec des sportifs de haut niveau. L’idée est d’aller au-delà des valeurs maximales, afin d’être dans une démarche de progrès. Ce plan d’entraînement c’est comme la posologie d’un médicament, car il faut trouver la bonne dose et intensité de travail afin d’améliorer la condition physique sans générer de fatigue excessive », indique Stéphane Suzzoni.
A la charge des patients
Cet accompagnement a un coût. Un bilan complet à Mon Stade coûte 250 euros, le plan d’entrainement, 40 € et chaque séance, 20€ supplémentaires. « Cela paraît cher parce que ce n’est pas pris en charge par l’Assurance Maladie », commente Stéphane Suzzoni. En effet, le sport sur ordonnance est inscrit dans la loi mais il n’est toujours pas pris en charge par l’Assurance Maladie. Quelques organismes complémentaires proposent un remboursement de l’abonnement à une salle de sport, mais cela inclut rarement le suivi du programme.
[caption id="attachment_1446506" align="alignnone" width="620"] Un bilan complet à Mon Stade coûte 250 euros, le plan d’entrainement, 40 € et chaque séance, 20€ supplémentaires.[/caption]Le médecin de Nathalie lui a demandé de se mettre au sport pour améliorer son état de santé mais elle ne bénéficie d’aucune prise en charge. Elle est adhérente à la MGEN, mais elle ne savait pas que sa mutuelle pouvait l’aider à financer son abonnement à Mon Stade. Depuis qu’elle fait du sport, son taux d'hémoglobine glyquée est passé de 6,3 à 5,7. Son médecin a réduit son traitement contre le diabètes.
Difficultés économiques et organisationnelles
Mon Stade, établissement propriétaire de la MGEN, conduit actuellement une étude médico-économique avec Vivoptim afin de prouver l'efficacité du sport sur ordonnance. "On voit depuis deux ans que les choses s'accélèrent, à la faveur de la crise sanitaire, qui a mis en évidence la vulnérabilité au Covid-19 des personnes souffrant certaines pathologies", souligne le directeur de Mon Stade. Par ailleurs, le remboursement du sport sur ordonnance va dans le sens de l'histoire, mais il se heurte à des difficultés économiques car l'Assurance maladie doit faire face à de nombreuses dépenses, notamment en période de crise, et à des difficultés organisationnelles, car passer d'une culture médicale curative à préventive ne va pas de soi.
Philippe court après la vie
[caption id="attachment_1446503" align="alignnone" width="620"] L'opération de Philippe a été une révélation.[/caption]La séance est terminée et tout le monde reprend son souffle. Philippe, coach artistique, a eu un quadruple pontage en 2008 et cela a été une révélation pour cet homme diabétique et hypertendu. "J'ai eu le sentiment que mon corps m'avait trahi, alors que c'est moi qui le maltraitais. Je fumais, je buvais, je mangeais mal. Je n'avais pas vu un médecin depuis 25 ans. Je viens d'une famille de bons vivants, des gens qui risquent leur peau tous les jours", analyse-t-il. Derrière son masque, Philippe explique qu'il a a été envoyé par l'hôpital Lariboisière pour participer au programme de recherche Actidiane, financé par la faculté de Potiers. Il a radicalement changé de vie depuis son opération, il marche une heure par jour, il vient à Mon Stade deux fois par semaine et lui qui détestait la marche à pied, il n'hésite pas à monter sur le tapis. "Je fais ce qu'il faut et je ne me soucie plus de ce que j'aime". Quand on lui demande si la mutuelle devrait prendre en charge le sport sur ordonnance, il répond : "Ce ne serait pas bête".
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