Roland Berthilier : "Les mutuelles doivent contribuer à l’effort national"

mercredi 17 juin 2020
Image de Roland Berthilier : "Les mutuelles doivent contribuer à l’effort national"

INTERVIEW – Roland Berthilier, président du groupe MGEN, considère que les mutuelles doivent participer financièrement à l’effort national pour faire face aux dépenses liées à la crise sanitaire.

Comment ont évolué vos prestations pendant le confinement ?

Pendant deux mois, la consommation médicale a clairement diminué. Ceci est vrai sur tous les postes sauf pour l’hospitalisation. En avril, les remboursements en hospitalisation de la MGEN sont 20% plus élevés que l’an dernier, à cause probablement du covid. Depuis le déconfinement, les prestations hospitalières ont encore grimpé. Elles sont 70% plus élevées que pendant la même période il y a un an. Je pense qu’il y a un effet covid et un effet de rattrapage sur les hospitalisations qui n’ont pas pu être effectuées pendant le confinement.

Et sur les autres postes de soins ?

Pendant le confinement, nous avons remboursé uniquement 16% de nos prestations habituelles sur les prothèses et soins dentaires, 26% en orthodontie. Nous avons remboursé uniquement un tiers des prestations en lunetterie et 38% sur les consultations. En revanche, depuis le déconfinement, les prestations redémarrent rapidement atteignant sur certains postes des niveaux records en mai, avec les prestations en orthodontie, par exemple, 127% plus importantes que d’habitude. Globalement, les prestations restent encore en-dessous de la normale en mai, le mois étant incomplet. Ce qui m’inquiète le plus, c’est le report de soins. Car ses conséquences ne sont pas uniquement financières, mais peuvent provoquer l’aggravation de l’état de santé de nos adhérents.

Que pensez-vous de la demande faite par Olivier Véran et Gérald Darmanin aux organismes complémentaires de financer une partie des prestations de santé et des aides aux professionnels et établissements de santé ?

Nous sommes des organismes complémentaires de l’Assurance Maladie. Mutualistes, nous nous réclamons des valeurs de solidarité. Lorsque l’Assurance maladie décide de mettre en place des aides financières pour les professionnels de santé, je trouverais normal que les complémentaires santé décident d’assumer leur part pour participer à l’effort national. Ce n’est pas la décision qui a été retenue par la famille mutualiste et j’en suis navré. Sans doute parce que nous n’avions pas assez de recul sur les reports de soins. Mais nous aurions pu participer sur le principe en commençant par une part raisonnable, puis faire les comptes en fin d’année. Cette démarche nous aurait associés comme véritables partenaires de l’Assurance maladie pendant la crise. Je n’ai pas besoin du courrier des ministres pour penser que les mutualistes doivent contribuer à l’effort national à leur juste place. Le geste mutualiste c’est d’être solidaire par principe.

Craignez-vous de devoir faire maintenant un geste contraint ?

Certains ont sans doute l’idée d’une taxation. Ce ne serait évidemment pas un bon signal. Je suis plutôt favorable à une vraie discussion prenant en compte la réalité des acteurs à travers un appel à contribution volontaire. Il ne s’agit pas de mettre en difficulté les mutuelles, parce qu’en plus des obligations réglementaires et du contrôle de l’ACPR, elles doivent avant tout rendre des comptes à leurs adhérents. Une telle contribution ne doit pas venir d’en haut sans dialogue. Nous devrions donc discuter avec le gouvernement pour confronter la réalité de nos chiffres aux dires des experts. Je suis certain qu’un dialogue constructif rendrait inutile le besoin de légiférer. Je pense qu’ainsi les mutualistes seraient au rendez-vous.

Quel est le montant que les mutuelles sont prêtes à engager ?

Il est encore trop tôt pour fixer un montant définitif. Il faudra observer l’évolution dans le temps des reports de soins. Mais aussi et surtout il faudra tenir compte de la réalité des acteurs que nous sommes. Au sein d’une mutuelle comme la MGEN, nous devons raisonner dans la globalité des activités, car si en santé, nous avons eu des moindres dépenses, en prévoyance, cette crise risque de coûter cher. Il faudra également tenir compter de la baisse des recettes et de la situation financière des activités de livre 3. Les centres médicaux et dentaires ont notamment subi une perte réelle d’activité pendant le confinement.

Comment avez-vous géré le déconfinement à la MGEN ?

Pendant le confinement, nos salariés et militants ont appelé plus de 260.000 adhérents pour prendre de leurs nouvelles, notamment des personnes isolées ou les plus âgées. Cette démarche a été très bien accueillie car elle est au cœur de l’esprit mutualiste. L’activité ne s’est donc jamais arrêtée et les équipes étaient prêtes à reprendre. L’organisation du déconfinement dépend de chaque service. Sur les activités de services et de gestion, les équipes qui n’étaient pas concernées par la garde d’enfants sont revenues sur site, par roulement, avec une présence de l’ordre de 25 à 30% des effectifs sur site. Sur nos sections départementales, les équipes ont accueilli du public sur RDV dans un premier temps. Depuis le 15 juin, les sections départementales ouvrent progressivement sans RDV. Par ailleurs, cette crise a accéléré le télétravail à la MGEN. Nous sommes rassurés car on sait maintenant que ça fonctionne à grande échelle. Nous pourrons donc davantage favoriser le télétravail au sein des accords d’entreprise à l’avenir.

Après la fin du partenariat avec La Mutuelle des Sportifs, où en êtes-vous du lancement du sport sur ordonnance ?

Nous allons lancer un nouveau dispositif de sport sur ordonnance conçu au sein du groupe Vyv. Il sera proposé à l’ensemble des mutuelles et disponible en inclusion pour les adhérents de la MGEN. Nous devrions pouvoir être au rendez-vous des premières briques du service à la fin de l’année, puis avec un dispositif complet début 2021, le plus long étant de doter le dispositif d’un réseau de partenaires capables de mettre en place une activité physique adaptée. Nous expérimentons d’ores et déjà le sport sur ordonnance dans certaines de nos structures de livre 3.

Le sport sur ordonnance a été victime de son succès à la Maif. Comment comptez-vous éviter que ce service ne coûte pas trop cher à la mutuelle ?

Le sport sur ordonnance sera disponible en inclusion, mais limité à certaines affections de longue durée, et avec des critères précis. Par exemple, il sera dans un premier temps uniquement accessible pour les ALD de moins de trois ans.

Est-ce que depuis le départ de votre directrice générale Isabelle Hébert, la stratégie de la MGEN a changé ?

Nous avions des différences d’approche sur la méthode, pas sur le fond. Nous avions porté ensemble le plan stratégique depuis notre arrivée. Ensemble, nous avions défini trois priorités : excellence opérationnelle, modèle économique et gouvernance. Quelques désaccords sont apparus sur la qualité de service, le calendrier… La décision d’Isabelle a été d’en tirer les conséquences. Stéphane Dedeyan assure l’intérim. Concernant la gouvernance, une mutuelle comme la nôtre doit apprendre à vivre sous solvabilité 2, avec une répartition des rôles plus prononcée entre le président et le DG. J’ai ouvert le chantier sur le rôle et la composition du CA et nous organisons une assemblée générale extraordinaire en automne. Le chantier sur le modèle économique doit se poursuivre en 2021. Quant à la recherche de l’excellence opérationnelle, nous travaillons à la fois les process, les outils et l’organisation. Cette période nous aide à aller plus vite sur certaines choses et parfois à regarder plus loin.

Avez-vous trouvé un nouveau directeur général pour la MGEN ?

Je tiens à respecter le processus de recrutement mis en place. Nous avons reçu les derniers candidats. Nous allons bientôt faire une proposition à notre conseil d’administration. Notre objectif étant que la personne puisse prendre ses fonctions à la rentrée.

Selon votre rapport SFCR la MGEN a enregistré en 2019 une hausse de 6,2% des cotisations à 2,4Mds d’euros. Le résultat net bondit de 57,7% pour atteindre 32,07 millions d’euros. Comment expliquez-vous ces bons résultats ?

J’ai lancé ce chantier en 2018. Nous avions beaucoup travaillé sur le modèle économique afin d’avoir un résultat technique plus équilibré. Nous sommes au rendez-vous de ce qu’on attendait. En 2019, nous avions augmenté les cotisations et favorisé l’accès aux prestations entrant dans le cadre du 100% santé. Le résultat technique s’est beaucoup amélioré. Nous avons également continué à travailler sur les coûts de gestion.

Comment vont évoluer vos cotisations en 2021 ?

L’an dernier l’assemblée générale a décidé de donner au conseil d’administration le pouvoir de fixer les tarifs en fin d’année, et plus en juillet comme c’était coutume à la MGEN. 2020 va être une année particulière suite à la crise sanitaire. Il est encore trop tôt pour évoquer l’évolution des tarifs pour l’année prochaine.

Contenus suggérés