Santé prévoyance : Quand les courtiers investissent les services

lundi 7 octobre 2019
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Au contact direct avec les entreprises, les courtiers bâtissent des offres de services santé et prévoyance, un domaine traditionnellement occupé par les assureurs. Intermédiaires et porteurs de risque sont-ils concurrents ou partenaires, dans la construction d'une offre de services ?

Henner, priorité au présentiel

« Le ticket d’entrée n’est pas anodin car il faut avoir un service médical si l’on veut être légitime sur ce marché », signale Bruno Jucquel, directeur médical du groupe Henner. Avec un département médical de 50 personnes, le courtier affirme diffuser « une culture médicale de la prévention depuis des années », initialement à destination des expatriés. Depuis 2017, le courtier a lancé une offre de prévention nommée Well Being, dans laquelle peuvent intervenir jusqu’à 20 prestataires différents. Henner réalise 4.500 bilans santé et 130 journées de prévention par an dans une trentaine de grandes entreprises qui ont adhéré au programme. Service additionnel et payant, il consiste à effectuer un diagnostic avec le médecin du travail, le DRH et le compte de résultat du courtier afin de proposer un plan de prévention sur plusieurs années. Le programme peut porter sur les risques psychosociaux, les addictions ou bien des troubles musculo-squelettiques, par exemple. « Pour qu’elle soit efficace, la prévention doit être ciblée et suivie dans le temps », explique Bruno Jucquel. Nous essayons de combattre l’effet de mode et de convaincre les DRH qu’il est préférable de déployer un plan de prévention en fonction d’un facteur de risque préalablement identifié plutôt que d’organiser la semaine du bien-être en entreprise sans avoir réalisé un diagnostic préalable. Nous travaillons en présentiel et nous proposons des actions récurrentes de dépistage, conseil ou sensibilisation ».

Pour Henner, le plus compliqué est de convaincre les entreprises d’investir sur la prévention de leurs salariés. D’autant plus que le courtier ne peut pas prouver l’impact direct des actions de prévention sur la sinistralité santé ou prévoyance. « Il faudrait des cohortes très grandes et du recul sur plusieurs années pour prouver l’impact. Cependant, nos actions de dépistage dentaire, cardiovasculaire ou dermatologique permettent de repérer entre 30% et 40% d’anomalies », selon Bruno Jucquel. Le courtier peut se retrouver en compétition avec des start-up ou des assureurs, « mais finalement les clients préfèrent avoir un seul interlocuteur et le courtier est celui qui a une meilleure connaissance du client », selon B. Jucquel. L’assureur peut parfois accepter de financer une partie du service proposé par Henner.

Gras Savoye, à fond sur la prévoyance

La concurrence entre les courtiers et les assureurs sur l’offre de services est assumée par Gras Savoye WTW France. « Grâce à notre activité de gestionnaire, nous avons un avantage sur le traitement des données, l’analyse, le diagnostic et la recommandation. Tous les services reposent sur notre capacité à travailler avec les données », considère Julien Vignoli, directeur général délégué.

La nature des services proposés par courtiers et porteurs de risque est la même. Le deuxième avis médical, le parcours hospi, les services pour diminuer l’absentéisme... Ce qui change sont les prestataires avec lesquels les uns et les autres travaillent.. Au final, le courtier propose souvent une combinaison de services référencés par le courtier et de services proposés par l’assureur, de façon pragmatique. « Offrir notre propre offre de services nous permet de changer plus facilement de porteur de risque », reconnaît Julien Vignoli. Gras Savoye distingue d’un côté les services en inclusion, pour consolider la relation avec le client, à faible valeur ajoutée, qui ne font pas appel à une technologie très compliquée et qui ne coûtent pas très cher. Et de l’autre côté des services avec un retour sur investissement qui sont facturés à part. « Les services autour de la prévoyance présentent plus d’intérêt économique à court terme, que ce soit sur l’absentéisme, la prévention ou le retour à l’emploi », explique Julien Vignoli. Gras Savoye facture le diagnostic sur l’absentéisme de la société et les services associés tels que l’accompagnement au retour à l’emploi, l’aménagement du poste du travail... La commercialisation de ces services ne représente que 2 à 3% du chiffre d’affaires du courtier.

Les porteurs de risque sont conscients qu’en déléguant la gestion de leurs contrats à des courtiers, ils perdent la relation avec le client et donc la capacité à proposer des services pertinents. La prédisposition à travailler avec les courtiers varie en fonction de la nature du porteur de risque. « Nous assurons la gestion de nombreux assureurs, tandis que les institutions de prévoyance ont parfois du mal à renoncer à la gestion. Les mutuelles limitent leur collaboration avec le courtage, sauf exception », admet J. Vignoli.

Siaci Saint Honoré, pilote unique

Siaci Saint Honoré se place comme « le pilote unique » ou le « donneur d’ordres » de la stratégie de services des entreprises. « Nous développons des solutions sur mesure , notre approche est celle d’un intégrateur de services , donnant la possibilité a chaque entreprise ou salarié de personnaliser son offre en fonction de ses besoins », explique Thierry Vachier, directeur général en charge des métiers de la protection sociale, de la Stratégie RH et de la rémunération globale.

Siaci Saint Honoré propose aux entreprises un accompagnement global qui comprend à la fois le conseil, le back-office et, depuis 5 ans, les services. Le courtier gère 95% des affaires qu’il vend. « Notre stratégie consiste à remonter dans la chaîne de valeur en proposant aux entreprises une offre de service corrélée à la gestion du risque. Cette approche n’a que pour seul objectif d'améliorer la performance des entreprises, notamment en agissant sur les facteurs générateurs d’absentéisme ». Pour ce faire, le courtier a créé en 2015 la société MyP, spécialisée dans les services en prévention et gestion du risque. « Nous réalisons sous forme d’audit flash une cartographie des causes de l'absentéisme, à partir d’outils développés en interne et trouvant la source des données auprès des SIRH des entreprises. Ces analyses permettent d'adapter sur mesure des plans de prévention, mais aussi facilitent l’approche prédictive permettant de piloter au plus près de la réalité les foyers et les causes de l’absentéisme , explique Thierry Vachier. L’enjeu pour les années futures sera de calibrer et de piloter la gestion du risque prévoyance. Dans un monde en pleine transformation, soumis aux évolutions du numérique ou de l’internationalisation, une certaine tension se crée dans les entreprises.  Face à ces défis, nous avons constitué des pôles d’expertises au travers de nos différentes sociétés ( Topics, Adding , S2h consulting) permettant d'accompagner les entreprises dans la structuration de leur stratégie en ressources humaines ».

Les services permettent aux courtiers comme aux assureurs de fidéliser leurs clients : Siaci affirme bénéficier d’une quinzaine d’années d’ancienneté en moyenne dans ses contrats. Par rapport aux assureurs, Siaci considère que les courtiers sont des tiers de confiance , garantissant la confidentialité des données traitées. « Notre indépendance vis à vis des porteurs de risque garantit la pérennité des dispositifs de prévention qui nécessitent pour en percevoir les effets positifs une durée de réalisation de l’ordre de 3 à 5 années au minimum », considère T. Vachier.

Dans les prochaines années, Siaci souhaite accélérer sur les services proposés autour de la santé connectée. Le courtier lancera en 2020 sa propre offre de téléconsultation à destination des populations à risque pour laquelle un opérateur a déjà été sélectionné.

Mercer construit sa propre offre

Aujourd’hui, Mercer propose des services de façon dispersée, sous forme de catalogue. Des services à forte valeur ajoutée se retrouvent noyés avec d’autres plus gadget. Certains services sont peu utilisés à cause des difficultés d’accès ou d’une méconnaissance sur l’existence des services de la part des salariés. « Nous sommes en train de bâtir une offre de services basée sur une stratégie digitale, indique Max Barbier, directeur santé et prévoyance de Mercer. En 2020, nous allons notamment déployer en France la plateforme Darwin d’administration et de valorisation des avantages sociaux, grâce à laquelle, l’assuré pourra non seulement gérer ses contrats santé, prévoyance ou d’épargne retraite, mais également accéder directement à des services bien-être. Le salarié aura une cagnotte à disposition pour consommer des services tels que les médecines douces, des abonnements dans une salle de sport, des bilans sur la posture, une application sur le sommeil... ».

Ce self care amélioré permettra aux assurés d’avoir accès à la fois aux services proposés par le porteur de risque et le courtier, sans forcément savoir quelle est la source. Max Barbier est convaincu que le taux d’usage va automatiquement augmenter car le courtier sera moins tributaire de l’entreprise pour communiquer sur l’offre de services.

« Nous sommes trop dépendants des porteurs de risques pour les services. En bâtissant notre propre offre, basée sur nos compétences humaines et techno- logiques, nous souhaitons nous différencier des autres courtiers, qui sont classiquement de simples porteurs de solutions existantes ». Sur le modèle économique, Max Barbier souhaite rendre visible le coût des services dans le compte de résultat du contrat d’assurance, même si certains services seront en inclusion, car « quand l’entreprise ne paie pas et ne connait pas le prix, le service est souvent sous-utilisé et la communication délaissée ».

Grâce à l’analyse de données agrégées, Mercer envisage également de proposer des services différenciés en fonction du secteur d’activité, du site ou du profil d’absentéisme de l’entreprise.

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