Solène : "Entre la famille et le travail, je choisis tout"

vendredi 13 mars 2020
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SÉRIE DE TÉMOIGNAGES – Solène* est une directrice générale spontanée et terre à terre. Toujours prête à en faire plus, elle est infatigable au travail comme à la maison et considère que cette polyvalence est son principal atout.

Quand Solène accède au poste de directrice générale, elle accepte un salaire 25% moins élevé que son prédécesseur masculin. On lui explique qu'elle est plus jeune et donc moins expérimentée. « Comme les femmes nous partons de beaucoup plus bas, nous avons du mal à rattraper les hommes », pense-t-elle.

Depuis son arrivée, elle s’est investie corps et âme sur son travail. Avec un seul objectif, transformer la maison. Ce n'est pas une mince affaire et pour y parvenir elle n’hésite pas à « charger la barque, avec sourire et détermination ». Même si elle ne se plaint jamais, après quelques années, elle confie : « C’est très physique. Je prends sur moi ».

« Je suis DG à ma façon », déclare Solène. Elle casse les codes, remet en question des fonctionnements ancestraux. Mais elle le fait discrètement, sans brusquer, avec enthousiasme et optimisme. Elle adore mettre la main dans le cambouis, et si on lui demande, elle est toujours prête à en faire plus. « C’est peut être le défaut des femmes. Mais si c’était à refaire, je ferais exactement pareil », confirme-t-elle.

Maintenir le cap, avec sourire et détermination

Pendant des années, elle navigue dans un monde semé d’embuches, contourne les obstacles et cherche des solutions. Elle a toujours trouvé son chemin, car elle sait où elle va. Elle avance pas à pas, afin de faire bouger les lignes, « sans faire des annonces de plans stratégiques pharaoniques qui ne seront pas accomplis », affirme-t-elle. Pour y parvenir, elle écoute, laisse les autres déverser leurs inquiétudes, fait preuve de souplesse, cherche toujours le consensus, dépense une énergie folle à convaincre. Elle ne s’est jamais sentie contestée dans son leadership car son niveau d’implication et de connaissance des sujets inspire le respect.

Terre à terre, elle continue de pousser son caddie au supermarché le week-end, car elle souhaite rester dans la vraie vie. À la différence des hommes à son niveau de responsabilité, elle parle souvent de ses enfants et de son mari car cela fait partie de sa vie, en toute simplicité.

« Jamais je n’aurais eu la projection professionnelle que j’ai eue sans avoir le mari que j’ai. Nous sommes interchangeables et si je ne suis pas là pendant une semaine, il assure », se targue Solène. « La vie d’une femme est souvent une vie de culpabilité, soit avec les collègues, le mari, les enfants, les parents, la belle-famille, les voisins, les amis, les représentants des parents d’élèves… Un des principaux atouts pour les femmes qui souhaitent avoir plus de responsabilité est d’avoir un mari qui ne soit pas culpabilisant. Le mien n’a jamais été jaloux », confie-t-elle.

Solène est adepte du proverbe anglais « do it all, as best as you can », traduit en français par « choisissez tout ». Elle a 1.500 'trucs' en tête, elle accepte de ne rien faire parfaitement, mais elle est fière d’avoir la capacité de mener plusieurs fronts à la fois. Cette polyvalence des femmes « c’est un atout par rapport à quelqu’un qui ne fait que son travail et qui vit sur une autre planète », considère-t-elle.

Clash générationnel

Solène se souvient de son père qui rentrait le soir à la maison et se reposait sur le canapé pendant que sa mère s’affairait pour préparer le dîner. Elle constate la cohabitation de deux générations dans le monde exécutif actuel : l’ancienne, pour laquelle les femmes gèrent l’intérieur de la maison et les hommes ne savent pas ce qu’est une couche, et la nouvelle, avec des hommes beaucoup plus investis dans la vie domestique et familiale.

« Les hommes de l’ancien monde sont déconnectés des besoins des clients, car ils n’ont jamais pris un rendez-vous pour leurs enfants sur Doctolib », s’exaspère Solène. « Avoir des femmes dans les postes de direction devrait être une richesse pour les entreprises, à cause de leur pragmatisme, car une femme sait de quoi elle parle quand elle s’attaque au parcours client. Malheureusement, cela n’est pas suffisamment valorisé », regrette-t-elle.

Car cette expérience ne suffit pas pour trouver le super poste. Solène pense que les femmes doivent participer plus aux cocktails le soir. « Il faut faire entendre sa voix, être visible, c’est une question d’employabilité », encourage-t-elle.

Vous êtes à nouveau enceinte ?!

Solène se souvient encore d’un homologue qui, il y a des années, la voyant en flagrant délit de grossesse, s’est exclamé : « Vous êtes à nouveau enceinte ?! » Un reproche qui, venant d’un père de famille nombreuse, l’a choquée. Car Solène est convaincue qu’une femme qui revient de congé maternité sera très efficace, car elle sait qu’elle doit partir à 18h pour aller chercher son enfant. « Une femme sous contrainte est plus productive. Je n’ai jamais travaillé avec des femmes tire-au-flanc et je pense que la réputation des femmes souvent absentes pour cause d’enfant malade ne se justifie pas », dit-elle.

S’il y a 10 ans elle était anti-quota, maintenant elle est favorable à l’obligation d’introduire un pourcentage de femmes dans les instances dirigeantes des entreprises. « C’est pitoyable le nombre de femmes à des postes à responsabilité », soupire-t-elle. Solène se souvient d’avoir représenté sa société dans un conseil d’administration dans lequel le président a déclaré : « Solène n’est pas là parce qu’elle est une femme, mais pour son expertise ». Cette phrase l’a beaucoup irritée à l’époque.

Il lui est déjà arrivé de se sentir complètement extraterrestre. Comme quand elle passe un bilan santé du dirigeant dans un centre médical très chic. Dans la salle d’attente, elle ne trouve que de magazines de motos et de bagnoles, qui ne l’enchantent pas. Après avoir passé une batterie exhaustive d’examens, elle demande à voir le directeur et lui dit qu’un dépistage gynécologique aurait été pertinent, car c’est probablement le principal risque de santé pour une femme. « Nous n’avons pas assez de femmes. Cela ne vaut pas la peine », répond-il, sincère.

*Le prénom a été modifié Retrouvez les autres témoignages de la série "Paroles de femmes dans l'assurance" ici

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