Les produits d'assurance takaful, conformes à la finance islamique, se limitent à une poignée de produits d'assurance vie en France et représentent encore un marché de niche qui peine à décoller. Les acteurs de ce segment sont à la recherche de partenariats avec des assureurs traditionnels pour développer l'offre takaful en assurances dommages, l'assistance ou la santé.
Les assurances takaful, correspondent au concept d'assurance islamique basé sur la mutualisation des risques entre les participants, l'entraide mutuelle, la contribution volontaire et l'investissement des fonds gérés selon les préceptes de l'islam. La finance islamique représentait en 2013 près de 1.800Mds de dollars d'actifs bancaires et financiers dans le monde. Alors que le Royaume-Uni est la première place en Occident pour la finance islamique, en France l'offre de produits takaful se limite à deux contrats d'assurance vie : le contrat nommé « Salam », lancé par Swiss Life en 2012 et le contrat haut de gamme « Amâne Exclusive Life » lancé en 2013 par l'assureur luxembourgeois Vitis Life.
En assurance de personnes, la société luxembourgeoise Atlanticlux, filiale du groupe FWU, a lancé en 2015 un produit mixte avec une assurance décès et un module de capitalisation en unités de compte. "Nous avons seulement vendu une vingtaine de contrats et l'assureur FWU s'est retiré du marché français. Ce contrat n'est plus commercialisé et les versements se limitent au strict minimum", regrette Herwin Marzolf, gérant d'Azurite Courtage. "Le réseau de distribution n'est pas suffisamment structuré", considère-t-il.
"Le takaful est partie d'Indonésie et des pays de l'océan indien, des anciennes colonies britanniques, où la culture du takaful est bien ancrée. En revanche, les pays du Maghreb n'ont pas encore la culture du takaful. Le roi du Maroc vient tout juste d'autoriser l'installation du premier opérateur takaful. La population musulmane de France n'a pas encore cette culture du takaful. Il existe donc un fort besoin de communication afin de rassurer les clients potentiels qui pensent que le takaful est juste de l'habillage marketing", pointe Marzolf Herwin.
En santé, Noorassur distribue via son réseau d'agences, une seule assurance complémentaire santé en partenariat avec la mutuelle Mutualp.
Swiss Life a été le premier assureur de place à lancer un produit takaful, avec des résultats mitigés. Fin 2016, l'encours du contrat Salam de Swiss Life était de 4 millions d'euros. Aujourd'hui, ce contrat est distribué par 80 distributeurs, principalement des courtiers. L'assureur comptabilise 1.500 souscriptions actives. Le marché de l'assurance vie islamique reste donc un marché de niche qui n'a pas connu de véritable développement ces dernières années.
En France, deux universités proposent des formations à la finance islamique : l'université de Strasbourg et l'université Dauphine. L'Orias ne possède pas de chiffres spécifiques sur la distribution takaful. Parmi les principaux courtiers, figurent AG Takaful, Coveris Assurance, Dine Assur, Ethical Capital, MKSS, NCC, Oumma Finance, Courtifi, Keen Finance, Kalyassurance, Finéthik, Imaya assurances, Isla Finance, Noorassur et Saafi.
Malgré ces débuts timides, les acteurs de ce marché se montrent confiants. « Les musulmans représenteront 10% de la population française en 2030, selon le Pew Research Center. 35% d’entre eux estiment que les besoins assurantiels ne sont pas satisfaits en raison de la non-conformité des couvertures d’assurances proposées à l’éthique musulmane. Le takaful représente donc un potentiel de 1,8Md d'euros en takaful général (assurance de biens et de responsabilités) et 1,7Md d'euros en takaful famille (assurance de personnes) », selon les estimations de Ezzedine Ghlamallah, directeur du courtier grossiste Saafi et auteur de l'article « La finance islamique en 2016 », publié par Enass Papers. « Parmi les clients, la communauté musulmane de sportifs de haut niveau et notamment de joueurs de foot est très représentée dans le portefeuille d’assurance vie takaful. Cette population est en demande de produits de prévoyance pour prendre en charge la perte de salaire en cas de blessure », précise-t-il.
Les assureurs traditionnels se montrent encore réticents à s'associer avec les acteurs de la finance islamique. Cette frilosité expliquerait en partie le retard de la France par rapport à son voisin britannique. « Certains acteurs institutionnels peuvent craindre un risque d’image, ce qui est injustifié dans le sens où le mot 'takaful ' signifie 'solidarité' et n'a aucun caractère anxiogène. De plus avec un modèle de distribution qui repose sur le courtage, le risque d’image est transféré de facto sur le réseau des courtiers distributeurs », considère Ezzedine Ghlamallah.
L'offre restreinte de produits disponibles sur le marché français peut également expliquer le manque de développement du takaful en France : « Nous sommes actuellement en discussion avec des mutuelles pour développer des produits d'assurance de personnes et nous sommes à la recherche de porteurs de risques pour développer des produits en assurance dommages », affirme Ezzedine Ghlamallah président fondateur de SAAFI, cabinet de courtage spécialisé dans l’assurance takaful. Il existerait en plus un besoin d'assistance rapatriement à destination des musulmans étrangers qui souhaitent être enterrés dans leurs pays d'origine, mais également pour les 30.000 pèlerins français qui voyagent à La Mecque chaque année.
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