Taux négatifs : Les inquiétudes des acteurs de l’assurance de personnes

jeudi 10 octobre 2019
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FFA, Mutualité Française et CTIP, prévoient une augmentation des tarifs en santé et prévoyance suite au contexte de taux négatifs.

Thierry Beaudet, président de la Mutualité Française (FNMF), Florence Lustman, présidente de la Fédération française de l’assurance (FFA) et Djamel Souami, président du Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP) ont exprimé leur position sur plusieurs sujets d’actualité de l’assurance de personnes, dans le cadre du débat de l’association Réavie.

Les taux d’intérêt durablement bas ont été qualifiés de « véritable disruption » par Florence Lustman. « La réglementation actuelle a été élaborée dans un contexte d’hyperinflation, quand les taux étaient à 12% et les assureurs ne pouvaient pas garantir plus de 4,5%. A l’évidence, il y a un corpus réglementaire pas adapté aux taux négatifs. Pour l’instant, les assureurs ont encore des produits financiers qui obtiennent du rendement, de l’ordre de 2 à 3%, mais nous avons des thermomètres très volatiles en termes de solvabilité », a affirmé l'ancienne secrétaire générale de la commission de contrôle des assurances.

Les trois présidents ont pointé du doigt un effet mécanique sur le résultat des assureurs. « Historiquement, en assurance non vie, le résultat est compensé par les produits financiers. Dans ce nouveau contexte, la prime doit couvrir le coût du risque et dans certaines branches il risque d’y avoir mécaniquement une augmentation de tarifs », a annoncé la présidente de la FFA.

Djamel Souami a rappelé que « les contrats santé collectifs sont majoritairement déficitaires. Le marché ne pourra pas continuer comme ça. Il faut prendre conscience que notre secteur de la santé collective va devoir se transformer ».

Thierry Beaudet a déclaré qu’en l’absence de rendement sur les produits financiers, « un ratio combiné supérieur à 100% en santé n’est plus une option. Il va falloir revoir le pilotage technique pour certaines mutuelles ».

Sur les couloirs de Réavie, la question des taux négatifs inquiète bon nombre d'acteurs. "Nous prévoyons une baisse de 30 points dans notre ratio de solvabilité 2, une baisse d'un point sur notre ratio combiné et 250 millions d'euros supplémentaires de provisionnement pour les sinistres antérieurs", explique Thomas Saunier, directeur général de Malakoff Médéric Humanis. La concentration du secteur de l'assurance de personnes devrait s'accélérer dans ce contexte de taux négatifs car certains acteurs avec de faibles taux de solvabilité 2 risquent de ne pas pouvoir tenir leurs engagements, selon plusieurs observateurs.

100% santé, pas de hausse de cotisation mais...

Sur l’impact financier du 100% santé, Djamel Souami a affirmé qu’il n’y aurait pas de hausse de cotisations au titre de la réforme. Florence Lustman a regretté que les réseaux de soins n’aient pas été retenus dans le dispositif. « Il n’y a pas d’entente tarifaire entre les acteurs. Nous respectons les règles de la concurrence. Les fédérations ne peuvent pas s’immiscer dans la politique de chaque assureur pour définir la cotisation », a-t-elle affirmé.

Thierry Beaudet a réclamé « des indicateurs de suivi micro-économiques qui prennent en compte la structure du portefeuille protégé, car les mutuelles de retraités risquent de devoir rembourser plus d’audioprothèses et donc de payer plus de prestations. 70% des personnes de plus de 70 ans sont protégées par une mutuelle. Je ne veux pas qu’on stigmatise les mutuelles. Je ne lâcherai pas et je serai particulièrement vigilant », a-t-il déclaré.

Résiliation infra-annuelle, tous concurrents

Florence Lustman a relativisé l’impact de la future résiliation infra-annuelle des contrats santé : « La loi Hamon de 2015 a eu un impact limité sur l’assurance habitation et auto. A priori, sur d’autres branches, nous n’anticipons pas d’effet catastrophique ».

Thierry Beaudet a tenu un discours plus combatif : « Le gouvernement a créé la résiliation  infra-annuelle pour faire baisser les cotisations et les frais de gestion dans un cadre plus concurrentiel. Or, la Drees montre que les compagnies qui ont les frais d’acquisition les plus élevés et les taux de distribution le plus faible, sont celles qui progressent le plus sur le marché de la santé ».

Pour Djamel Souami, la résiliation infra-annuelle a été un « moment de communication politique dans une situation de crise du pouvoir d’achat ». Le président du CTIP s’est montré plus prudent sur la comparaison entre l'assurance santé et dommages, dans le cadre de la loi Hamon

Complémentaire santé solidaire, un nom qui gêne

A propos du nouveau dispositif de complémentaire santé solidaire, fusionnant la CMU-C et l’ACS, Thierry Beaudet et Djamel Souami ont regretté la dénomination, qui laisse penser que les autres complémentaires ne sont pas solidaires. « Au moment où s’engage une réforme sur le régime universel de retraite, dans le champ de la complémentaire santé, le gouvernement adore les régimes spéciaux ! Je constate qu’il existe beaucoup de voies pour accéder à la complémentaire santé que l’on soit fonctionnaire, salarié, chômeur, retraité… » Thierry Beaudet a dénoncé une « tentative d’étatisation » sur un dispositif qui concernera potentiellement 15% des Français. Le président de la FNMF a, une nouvelle fois, dénoncé les moyens insuffisants alloués aux organismes délégataires pour diffuser le dispositif.

Face aux caisses primaires d'assurance maladie qui distribueront également la complémentaire santé solidaire, Thierry Beaudet a fait valoir les atouts des mutuelles : « Les seuls qui seront obligés à proposer un contrat de sortie, seront les organismes complémentaires. Les Français auront donc plus intérêt à se couvrir par une mutuelle que par une caisse primaire d'assurance maladie, ne serait-ce que parce qu’ils pourront accéder à un contrat de sortie ». Djamel Souami a déclaré : « A ma connaissance, les groupes de protection sociale ne vont pas se positionner sur ce dispositif. Les conditions de délégation de gestion ne sont pas satisfaisantes ». Le silence de Florence Lustman sur la complémentaire santé solidaire laisse penser que les assureurs ne seront pas non plus partie prenante du dispositif.

Retraite supplémentaire, grands espoirs

Les trois familles se sont félicitées de la volonté du gouvernement de favoriser la retraite supplémentaire via la loi Pacte. Cependant, elles pensent qu’il aurait été préférable d’imposer une fraction de sortie en rente afin de ne pas faire peser sur les assurés le risque de longévité. « Dans un grand nombre de cas, je veux penser que le conseiller face au client va conseiller de sortir en rente », a affirmé Florence Lustman.

Djamel Souami a pointé du doigt la faible appétence des Français pour les unités de compte et a prédit un développement lent de la retraite supplémentaire dans les prochaines années.

Assurance dépendance, deux équipes

FFA et FNMF ont confirmé leur proposition commune d’assurance dépendance généralisée, adossée à une complémentaire santé, gérée par un pool d’assureurs, avec une rente dépendance d’environ 500 euros. « Face aux évolutions, nos maisons sont capables d’imaginer des solutions différentes à celles d’il y a 20 ans. Je me réjouis qu’on soit capables d’évoluer. Je veux croire aux chances de notre proposition, qui est réaliste et veut répondre aux besoins de nos concitoyens », a déclaré Florence Lustman.

Le CTIP ne souscrit pas à cette proposition. « Notre matière, c’est l’entreprise, et nous préférons nous concentrer sur l’accompagnement des aidants familiaux. Nous avons des préoccupations différentes mais pas divergentes. Nous pensons que créer une nouvelle dépense contrainte, supplémentaire, destinée aux organismes privés, n’est pas dans l’air du temps. Nous croyons davantage à un dispositif qui viendrait s'inspirer du cadre fiscal de la prévoyance et qui s’adapterait à la dépendance », a affirmé Djamel Souami.

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