Thomas Fatôme : "C’est dommage de focaliser le débat sur la Grande Sécu"

jeudi 25 novembre 2021
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Dans le cadre du débat sur la Grande Sécu, Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale d’Assurance Maladie, considère nécessaire de se pencher sur les frais de gestion des complémentaires et les difficultés d’accès des seniors.

Thomas Fatôme s’est exprimé sur le rapport du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) dans une rencontre organisée par l’Association des journalistes économiques et financiers (AJEF). « Je pense que le débat des frontières entre l’assurance maladie obligatoire et les complémentaires santé est intéressant. La focalisation sur le scénario de Grande Sécu est dommage. Le système actuel a des avantages : il couvre bien les Français, les expose à un niveau de reste à charge le moins élevé possible, leur donne une certaine liberté de choix avec les complémentaires santé. Nous avons d’ailleurs fait des choses intéressantes avec les organismes complémentaires, comme le 100% santé qui est un succès en dentaire et audioprothèse », a déclaré le DG de l’Assurance Maladie.

Les coûts de gestion dans le viseur

Après avoir listé les avantages, Thomas Fatôme a insisté sur les défauts du système français et notamment les coûts de gestion de 14 millions d’euros par an, au titre de l’AMO et l’AMC, « ce qui place la France paradoxalement en deuxième position sur le ratio coûts de gestion/dépenses de santé des pays comparables. Par ailleurs, « les frais de recouvrement sont bien compris dans les frais de gestion de l’Assurance Maladie », a précisé le directeur général. De notre côté, l'Assurance Maladie diminue ses coûts de gestion et ses effectifs. Ils ont diminué de 10% entre 2013 et 2019. La trajectoire n’est pas la même pour les complémentaires santé puisqu’ils ont à peu près augmenté de 20% sur la même période ».

Agir sur le coût pour les seniors

Deuxième aspect à améliorer, « le coût de la complémentaire santé pour les personnes âgées, que ce soit à la sortie des contrats collectifs ou en individuel ». Interrogé sur la proposition de la Fédération française de l’assurance de jouer sur la fiscalité pour rendre la complémentaire santé plus abordable, Thomas Fatôme a répondu : « Si on manie l’arme fiscale, on crée une nouvelle niche, on crée une perte de recettes dans un contexte où les comptes publics ne sont pas en très bon état ». Les efforts de l’Assurance Maladie sont plutôt concentrés sur « comment développer davantage la complémentaire santé solidaire, qui est quand-même un super outil pour les seniors, parce que les gens ne connaissent pas le produit, ils vont payer un petit peu mais ils seront mieux couverts, n’auront pas de dépassements d’honoraires…».

"Hypocrisie" sur les dépassements d'honoraires

Thomas Fatôme a également réagi aux contre-arguments des organismes complémentaires face à une éventuelle Grande Sécu. « Il y a un peu d’hypocrisie dans le débat sur les dépassements d’honoraires. On entend dire que la Grande Sécu conduirait à une médecine à deux vitesses, avec d’un côté ce qui sera couvert par la Grande Sécu et de l’autre le reste à la charge des complémentaires. La réalité c’est que le système à deux vitesses existe déjà selon si vous avez une complémentaire ou pas. En plus, selon le niveau de couverture de votre complémentaire, vous aurez plus ou moins de remboursement sur les dépassements d’honoraires », signale-t-il.

« Dans le débat, on lit qu’on ne va pas laisser l’Assurance Maladie toute seule car c’est un affreux organisme bureaucratique incapable d’innovation. Je pense que nous sommes capables d’être innovants, réactifs et que le débat ne doit pas porter sur d’un côté l’innovation des complémentaires santé et de l’autre côté l’immobilisme du monopole public », se défend le DG.

Désaccord sur le nombre d'emplois

Concernant l’impact social de la réforme, Thomas Fatôme conteste que le chiffre avancé par la Fédération française de l’assurance de 100.000 emplois des organismes complémentaires menacés par la Grande Sécu. « L’Assurance Maladie employait 61.000 collaborateurs en 2019, pour gérer 200Mds d’euros de dépenses. Si vraiment il y a 100.000 personnes dans les organismes complémentaires pour 30Mds d’euros de dépenses, c’est un chiffre que je n’ai jamais vu. Si la sphère publique avait ce ratio, nous aurions un problème. Cela revient à la problématique des frais de gestion », renchérit-il.

Pas pour la désimbrication

Parmi les autres scénarios du rapport du HCAAM, celui de la désimbrication entre l’Assurance maladie obligatoire et complémentaire ne séduit pas Thomas Fatôme. « Je ne crois pas au débouclage qui consisterait à faire prendre par l’Assurance Maladie certains soins à 100% et à dérembourser tout un pan des soins pour laisser les complémentaires les prendre en charge. Je n’y crois pas car c’est complètement orthogonal par rapport à ce que l’on a fait sur le 100% santé », déclare ce dernier.

En revanche, il a cité la complexité des modalités de remboursement sur le médicament (taux à 15%, 30%, 65%, 100%) comme un sujet sur lequel il serait intéressant « d’interroger les niveaux de couverture ».

La nouvelle convention médicale

Un des principaux chantiers de l’Assurance Maladie pour l’année prochaine est celui de la nouvelle convention médicale qui arrive à terme en 2023 et fixe la rémunération des médecins libéraux et leurs conditions d’exercice. « Le rendez-vous qu’on aura en automne 2022 devrait mettre l’accent sur une forme de gagnant-gagnant, avec des revalorisations pour les médecins versus un certain nombre d’actions pour favoriser la qualité et la pertinence des soins. Concernant la diversification des modes de rémunération, nous souhaitons un co-financement avec les organismes complémentaires ».

Bientôt un cahier de charges sur le tiers payant

Par ailleurs, Thomas Fatôme a été interrogé sur le tiers payant dans le cadre du 100% santé et notamment l’encadrement supplémentaire introduit dans la loi de financement de la Sécurité sociale. « La loi de financement porte une contrainte plus forte pour pousser le développement du tiers payant. C’est un sujet qui illustre les difficultés du double étage et du fait que cela impose une complexité de systèmes d’information et de relation avec les professionnels de santé. Nous serons partie prenante des travaux qui sont menés par le ministère sur ce cahier de charges de ce tiers payant pour le 100% santé. Nous sommes prêts et nous avons développé l’ADRI pour pouvoir accéder aux droits de l’assurance maladie pour enclencher une brique de tiers payant », a-t-il déclaré ensuite.

Malgré l’effervescence autour du rapport du HCAAM et d’une éventuelle disparition des organismes complémentaires, Thomas Fatôme tempère : « Ce débat sur les complémentaires santé ce n’est pas pour demain matin. L’Assurance Maladie ne prendra pas de position sur le débat. Il faut regarder l’ensemble des scenarii et partir des difficultés plutôt que de se demander si on veut la Grande Sécu ou supprimer les complémentaires. L’objectif est de bâtir un système moins coûteux en frais de gestion et plus efficace pour couvrir les plus âgés et les plus précaires ».

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