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Tribune : "Faire de l’injonction réglementaire une opportunité", par J.M. Raby

mardi 16 janvier 2018
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Jean-Marc Raby est directeur général du groupe Macif. Dans le cadre du bilan de l'assurance 2017 que nous éditons, il s'est livré au jeu de la rétrospective en matière de réglementation et se projette sur l'année 2018.

Solvabilité II, Directive sur la Distribution d’Assurance, Règlement Général sur la Protection des Données personnelles, loi Sapin 2…. le secteur de l’assurance fait face depuis une décennie à une vague réglementaire sans précédent. Ces nouvelles règles du jeu reconfigurent profondément les entreprises d’assurance : adaptation des gouvernances, changement de méthodes de travail, apparition de nouvelles fonctions clés… Malgré un contexte d’alourdissements réglementaires, et des impacts à traiter dans des délais contraints, ces directives représentent en réalité une véritable opportunité de transformation pour les assureurs car elles leur imposent un questionnement continu sur leurs stratégies, leurs structurations et leurs ambitions de développement.

La réglementation remet le client au centre des stratégies

Les nouveaux dispositifs réglementaires ont pour mission de protéger le consommateur en lui apportant plus de transparence sur les produits d’assurance -afin qu’il puisse faire le choix le plus éclairé possible (DDA) - et en renforçant la solvabilité et la solidité financières des assureurs (Solvabilité II). Les nouveaux usages des consommateurs (achats en ligne ou sur mobile, parcours omnicanal, économie collaborative,…) représentent un challenge inédit pour les assureurs qui doivent concilier conformité réglementaire et réponses à ces besoins en perpétuelle évolution. En ce sens, la réglementation les oblige à se transformer, à se questionner pour se recentrer sur l’essentiel de leur mission : conseiller, dans une démarche constante d’amélioration des garanties et des services, en lien avec les parcours de vie des clients.

Par ailleurs la réglementation peut aussi permettre de casser des rentes de situations pour proposer des offres plus compétitives et attractives aux consommateurs. Par exemple, la loi Sapin 2 donne le libre choix en matière d’assurance emprunteur et rompt le quasi monopole des banques sur ce produit, permettant aux emprunteurs de gagner en pouvoir d’achat. Malgré le retard d’ouverture du marché telle que souhaitée par le législateur en raison des actions en défense des rentes acquises, une perspective favorable aux emprunteurs leur sera offerte par les assureurs.

Certains assureurs, comme la Macif, n’ont pas attendu la réglementation pour mettre le client au centre de leurs préoccupations. Le modèle de gouvernance mutualiste défend intrinsèquement les intérêts et besoins des sociétaires, en leur donnant une représentation directe dans les instances de gouvernance. Ainsi, la transformation voulue par le législateur épouse une gouvernance déjà sensible aux enjeux de protection et d’autonomie de ses consommateurs conciliant l’intérêt individuel avec la poursuite d’intérêts collectifs.

Structuration juridique : place à la diversité

La réglementation, et plus particulièrement Solvabilité II, est souvent synonyme de figure imposée quand se pose la question de la structuration juridique des organisations. Elle conduirait à une banalisation voire une standardisation des organisations, ne laissant plus aucune place aux spécificités mutualistes… Bien au contraire, la directive Solvabilité II favorise une diversité des formes juridiques et des modèles de gouvernance et ne va pas à l’encontre des mutuelles. Elle impose certes une séparation entre les activités opérationnelles et celles de contrôle mais les administrateurs, représentants des sociétaires, restent toujours garants de la conformité de la stratégie au projet politique. En transformant la gouvernance des assureurs, Solvabilité II encourage la transversalité entre la stratégie, les ambitions et le pilotage de l’entreprise. Elle permet une plus grande coopération entre les structures dirigeantes car elle exige des prises de position sur des sujets laissés jusque là à la seule appréciation des experts. Le groupe Macif a fait le choix de construire un groupe prudentiel, multi-métier, ouvert tout en conservant son ADN mutualiste. En effet, cette nouvelle structuration a pour pré-requis la préservation des identités et spécificités de chaque entité. Nous nous sommes ainsi saisis d’une réforme globale pour renforcer notre différence mutualiste qui a d’ailleurs été bien prise en compte et approuvée par le régulateur.

Un levier de transformation culturelle

En parallèle de la conformité aux exigences réglementaires, les assureurs sont aujourd’hui confrontés à trois autres enjeux clés : réinventer la relation client, s’adapter aux évolutions technologiques et digitales et diversifier leurs activités de services en s’ouvrant à de nouveaux marchés. Au-delà de la transformation globale des entreprises d’assurance, ces quatre challenges bousculent également les cultures internes et les philosophies managériales. Ils leur donnent une nouvelle dimension en insufflant :

  • une culture de la relation client via un focus plus particulier sur la dimension de conseil, sur le renforcement du lien de confiance entre l’assuré et son assureur,
  • une culture technique via l’introduction de compétences collectives et du caractère « fit and proper » liées à Solvabilité II,
  • une culture d’anticipation qui entraîne l’adhésion des collaborateurs et pousse les managers à coopérer et à s’adapter en permanence.

En conservant son ADN mutualiste, le groupe Macif voit l’opportunité de plusieurs contraintes réglementaires pour enrichir sa relation avec les sociétaires, sa gouvernance et sa culture interne. Cette transformation est loin d’être achevée tant les évolutions réglementaires, technologiques et sociétales sont rapides et multiples… mais le processus de questionnement et d’adaptation en continu est bel et bien enclenché. C’est une stimulation permanente qui contribue à améliorer la qualité première des organisations contemporaines : l’agilité.

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