Valéria Faure-Muntian : "A ce stade, aucun assureur n'est en risque"
INTERVIEW - En pleine crise du coronavirus, Valéria Faure-Muntian fait le point sur les mesures prises par les assureurs face à la situation. Pour News Assurances Pro, la députée LREM et vice-présidente de la commission des affaires économiques à l’Assemblée Nationale, revient également sur le sujet de la perte d'exploitation sans dommages.
Face au coronavirus, la participation des assureurs à hauteur de 200M d’euros au Fonds de solidarité de l’État vous paraît-elle suffisante ?
C’est un premier pas encourageant. Évidemment, les assureurs peuvent mieux faire, mais pour l’heure, ils n’ont pas de visibilité sur la durée et l’ampleur du phénomène. Il est encore difficile pour des compagnies qui évoluent avec des règles prudentielles contraignantes, de connaître quel sera exactement l’impact comptable qu’aura le coronavirus sur leurs activités.
Quoi qu’il en soit, cette annonce s’inscrit parfaitement dans la vision globale de Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie et des Finances, à savoir que tous les acteurs économiques du pays fournissent l’effort nécessaire pour ne laisser aucune entreprise au bord du chemin.
Aujourd’hui, la FFA regroupe les 200 principaux acteurs du marché, avec des tailles et des parts de marché qui ne sont pas égales. Pour autant, au-delà de l’engagement commun à participer au Fonds de solidarité de l’État, certains acteurs lancent en parallèle des actions de soutien supplémentaires. Je salue ces initiatives car dans cette situation exceptionnelle, c’est la solidarité qui doit primer.
Faut-il selon vous créer un nouveau « régime pandémique » avec le concours de l’État comme pour les catastrophes naturelles ?
Même si c’est la première fois que nous voyons une telle situation en France, nous devons nous référer à ce que l’on connait. Je rappelle qu’il a fallu 10 années de discussions et près de 7 ans d’expérimentation pour que le régime Cat’ Nat’ que nous connaissons aujourd’hui fonctionne.
Créer un nouveau régime d’indemnisation pour le risque pandémique ? Evidemment, il faudra travailler dessus très rapidement à la sortie de crise, mais pour l’heure nous devons rester logiques et pragmatiques face à la situation actuelle. Aujourd’hui, toutes les mesures d’aides possibles ont été prises par le gouvernement et ses différents ministères pour soutenir particuliers et entreprises durant cette crise. Ces mécanismes fonctionnent et permettront dans les prochains mois ne pas compter de défaillances au sein de notre économie.
Le sujet de la perte d’exploitation sans dommages agite de nombreuses entreprises aujourd’hui. Les assureurs peuvent/doivent-ils faire face ?
Il me parait important de rappeler qu’à l’heure actuelle, seule la moitié des entreprises tricolores sont couvertes contre la perte d’exploitation avec dommages. 50% ne sont donc pas assurées du tout contre la perte partielle ou totale de leur chiffre d’affaires.
J’ajoute que ces contrats d’assurance sont définis dans le temps avec une date de début et de fin de couverture. A ce stade, nous n’avons aucune certitude quant à la durée du confinement et de l’arrêt d’activité des entreprises à cause du coronavirus. D’un point de vue actuariel, il donc impossible d’évaluer une quelconque indemnisation.
De plus, si l’on devait obliger les assureurs à payer pour l’ensemble de leurs clients, le principe de mutualisation ne s’appliquerait plus et les assurés ne pourraient alors être indemnisés qu’à la hauteur des cotisations qu’ils ont versées.
Chacun peut donc comprendre que sur ce type de risque, il est impossible pour les assureurs de dédommager l’ensemble des entreprises touchées sans se mettre en péril. D’autant qu’au-delà de leurs fonds propres, les compagnies doivent également prendre en considération tout ce qui est hors bilan, et notamment l’épargne et l’assurance-vie.
Justement, en cette période complexe, y a t-il un risque de mouvement chez les épargnants ?
C’est une forte crainte ! J’ai vécu de l’intérieur la crise des « subprimes », avec le mouvement de panique quasi-immédiat des épargnants. C’est pour cela que, dans le cadre de la crise du coronavirus et au lendemain des annonces unilatérales de la FED, j’ai pris la plume pour rassurer les épargnants français.
Il est important de rappeler que les Français détiennent la majorité des capitaux de nos entreprises. Il ne faut pas céder à l’inquiétude et vouloir absolument transférer l’ensemble de son épargne vers les fonds euros. Toutefois, je reste mesurée depuis quelques jours car ce qui n’était jusqu’alors qu’une crise conjoncturelle pourrait se transformer en crise structurelle si les USA sont plus durement touchés.
Cette situation nous incite surtout à réfléchir à l’après-crise, notamment en termes de structuration de notre économie. Si la France, et plus largement l’Europe parvient à se sortir de cette période sans trop de casse et avant les États-Unis, nous pourrions redevenir une puissance économique centrale.
Certaines compagnies d’assurance françaises sont-elles aujourd’hui en difficulté face au Covid-19 ?
Je me suis entretenue très récemment avec la présidente de la fédération française de l’assurance, Florence Lustman, qui m’a assurée qu’à ce stade, aucune compagnie n’était en risque sur son activité et sur ses engagements.
Toutefois, si de nouvelles mesures extraordinaires - comme celles annoncées pour la prise en charge des indemnités journalières des femmes enceintes et des personnes atteintes d’une ALD - venaient à être décidées dans les prochains jours, nous devrions être vigilants quant à la charge supportée par certaines compagnies d’assurance.
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