Distribution : Les assureurs butent sur le multicanal
Alors que la performance commerciale devient le premier enjeu des principaux acteurs du marché de l'assurance, ces derniers peinent encore à transformer leur modèle de distribution multicanal, voire omnicanal.
À l'occasion de la présentation des résultats de son dernier baromètre des décideurs de l'assurance, Eurogroup Consulting a choisi comme intitulé « Transformation des modèles de distribution : où en sont les assureurs ? » : un thème en phase avec les préoccupations des principaux acteurs de la place (assureurs, bancassureurs, courtiers, mutuelles et institutions de prévoyance) qui placent en 2018 la performance et le pilotage commercial respectivement à la première et à la troisième place des principaux enjeux de la distribution.
Si le baromètre indique également que les managers apparaissent comme la « clé de voûte du succès des transformations et de la performance au quotidien », la volonté des opérateurs d'évoluer vers une distribution multicanale, voir omnicanale, n'est clairement pas aboutie. Ainsi, « seul 1 acteur sur 10 est en capacité de proposer un parcours à 360° à ses clients ou prospects aujourd’hui », indique Eurogroup Consulting qui souligne toutefois que certains groupe réfléchissent à la mise en place de passerelles entre réseaux propriétaires, réseaux salariés et réseaux d'agents généraux.
Pas de modèle idéal
Alors que 15 à 20% des affaires nouvelles sont réalisées sans passage en agence et tandis que les coûts d’acquisition des clients via Internet explosent, les opérateurs s'interrogent sur la meilleure manière de servir un client ou prospect « qui veut le beurre et l'argent du beurre, c'est à dire la possibilité de tout faire tout seul en ligne, mais qui veut aussi pouvoir obtenir un conseil physique dès qu'il le souhaite », indique Nicolas Gomart, le directeur général de Matmut, invité à débattre avec plusieurs confrère lors d'une table ronde. « Nous sommes beaucoup trop tendres avec nous-mêmes », lance sur ce sujet Jean-François Garin, Directeur général de Groupama Gan Vie. « Nous sommes bien loin de ce que proposent d'autres d'industries en termes de service client et nous avons du travail devant nous ».
En effet, si chaque acteur travaille à une stratégie permettant de servir tous les canaux de distribution existants, aucun n'a pour l'heure trouvé la solution idéale. « Chez nous, chaque canal est adapté à une cible de clientèle, les agents généraux étant orientés vers les clients pros et entreprises, le réseau salarié vers les clients patrimoniaux, etc. Il faut ensuite réfléchir aux modèles de rémunération et aux coûts de chacun de ces canaux », détaille Rodolphe Plouvier, directeur de la distribution chez Generali France.
« Si l'on regarde du côté des fédérations d'agents généraux, toutes les compagnies ne sont pas au point sur l’omnicanalité, avec certains travaux inopérants, notamment chez les petits réseaux positionnés sur les marché de masse (Auto, MRH du particulier) », indique de son côté Pascal Chapelon, Président adjoint d'Agéa et président de Réussir, le syndicat des agents généraux Axa. « Chez Axa, nous avons débuté ces travaux en 2007 mais ils ne sont déjà plus adaptés aux enjeux d'aujourd'hui », ajoute-t-il.
Manque de contact
Alors que Groupama Gan Vie s'est par exemple organisé par entités de distribution avec des sociétés dédiées, la question de la réactivité sur la vente des produits de commodité, la question du prix différencié d'un même produits entre plateformes ou la problématique du multiéquipement pour faciliter la rétention, freinent les ambitions de chacun.
Surtout, c'est le manque de contacts réguliers (physiques ou non) qui semble impacter le processus de distribution omnicanal des opérateurs du marché. « L'enjeu est aujourd'hui de faire venir les gens chez nous », lance Nicolas Gomart. « Il faut reprendre notre destin en main et se remettre dans une relation proactive avec les assurés pour sortir de cette relation qui n'est pas continue, peu régulière et qui intervient dans des moments peu agréables », poursuit Jean-François Garin. « Nous devons surtout veiller à ce que les parcours d'accès soient identiques entre prospects et clients, ce qui implique de lourds investissements dans des outils CRM performants », conclut Pascal Chapelon.