Partager

Assurance : le Big Data ne fait pas encore de miracles

jeudi 7 avril 2016
Image de Assurance : le Big Data ne fait pas encore de miracles

Le Big Data va ouvrir de nouvelles portes pour analyser les données et innover dans l'assurance. Mais pour l'heure, le sujet reste embryonnaire dans le secteur.

L'assurance, dit-on, dispose d'une mine d'or d'informations client que le Big Data pourrait exploiter. Elle serait même mieux placée que la banque pour tirer profit des données clients, grâce aux données des assureurs sur le quotidien des consommateurs (auto, habitation, santé, épargne), et demain, grâce aux nouveaux objets connectés et à la tarification des contrats à l'usage. Selon les experts, le Big Data sera une source de croissance et de meilleure maîtrise des risques. « En Italie, où les automobilistes sont équipés en grand nombre de boîtiers et d'offres pay how you drive, on dispose d'un recul de 5 ans et les résultats en termes de maîtrise des risques sont très bons », affirme Yves Pizay, associé du cabinet de conseil Kea & Partners, en charge du secteur assurance.

Oui mais en France, ce n'est pas encore le cas. « L'utilisation des données client par les assureurs est encore bien en-dessous de son potentiel », rappelle Laurence Al Neimi, manager au cabinet Solucom. Le Big Data reste un sujet embryonnaire, sauf pour les grands groupes (Axa, Allianz, Generali, Covéa) qui conduisent surtout des projets de startups. « La mise en œuvre de projets Big Data n'est pas à la portée de tous. Un très petit nombre s'en saisit actuellement, car les projets nécessitent des investissements énormes, de l'agilité dans les processus et la confiance des clients », souligne Anne-Sophie Lendrevie, associée chez KPMG Advisory.

Les contraintes techniques et réglementaires freinent le mouvement

Concrètement, « il y a une difficulté des entreprises à réunir ces informations par leur complexité technique ou leur éparpillement dans différents systèmes d'informations des filiales ou nouvelles entreprises fusionnées », estime Laurence Al Neimi chez Solucom. Le passage au Big Data et au digital en général exige des efforts énormes dans la refonte des systèmes d'informations, des réseaux de distribution, ou encore la digitalisation des documents alors que le traitement manuel est encore très important.

En outre, la gestion des données clients n'est pas qu'un sujet technique. L'Union Européenne a adopté fin 2015 un nouveau cadre réglementaire sur la protection des données : le GDPR (General Data Protection Regulation) qui s'appliquera à toutes les entreprises. Les acteurs de l'assurance se mettent en ordre de marche, d'ici à 2018, pour se conformer au nouveau règlement européen. L'exploitation des données personnelles devra être parfaitement consentie par le consommateur et répondre à un objectif unique et précis. Les acteurs utilisant le Big data devront fournir un reporting régulier aux autorités pour faire preuve d'une transparence précise sur l'usage des données. Elles devront être parfaitement sécurisées, sous la responsabilité de l'assureur.

Ces derniers doivent donc éclaircir la question de la responsabilité des détenteurs des données au sein de leur organisation. Un sujet parfois délicat. « Les compagnies ne sont pas toujours propriétaires des données client. Elles doivent opérer cette gestion avec leurs agents ou courtiers, propriétaires de leur portefeuille », explique Bertrand Lavayssiere, Partner au cabinet de conseil en stratégie Ares & Co.

Au final, « les assureurs croient dans les promesses du Big Data, mais se demandent clairement si les moyens colossaux nécessaires à transformer leur organisation sont les bons », ajoute le consultant en assurance. Les algorithmes du Big Data ne font pas encore de miracles. Le mouvement est lent et les moyens multiples. « Croire que le Big Data peut tout faire serait une erreur. On cite souvent comme exemple l'usage du Big Data pour prédire un déménagement et proposer une assurance habitation. Pourtant, les modèles traditionnels de scoring des assureurs donnent déjà des résultats assez fiables sur cette question », souligne Bertrand Dimont, directeur chez Kea & Partners, en charge de l'assurance.

Dans ce contexte, seule une poignée de startups progressent réellement dans le Big Data. Plus agiles et innovantes que les grands groupes, elles sont portées et scrutées par ces derniers, soucieux du retour sur investissement de ces programmes coûteux.

Contenus suggérés