Assurance emprunteur : La Covid se faufile dans la sélection médicale
Les séquelles de la Covid-19 sur la santé sont désormais prises en compte dans la sélection médicale en assurance emprunteur.
Baisse de la capacité respiratoire, fatigue, faiblesse musculaire, dépression… Certaines personnes atteintes de la Covid-19 souffrent des séquelles de la maladie quelques mois après leur contamination. Ces symptômes prolongés sont communément appelés Covid long ou syndrome post-Covid. Selon la Haute Autorité de Santé, plus de 10% des patients présentent encore des symptômes de la maladie 6 mois après.
Assureurs et réassureurs surveillent de près l’évolution de ces symptômes mais, sauf quelques exceptions, ils n’ont pas intégré de question spécifique dans la sélection médicale en assurance emprunteur. « La Covid-19 est traitée comme toute autre maladie et ne fait l’objet d’aucune question spécifique. Il n’a pas été mis en place de politique de sélection médicale spécifique pour les personnes ayant été atteintes de la Covid-19 », signale la Maif. « Nous n’avons pas, à date, constaté de sur-sinistralité due à la Covid-19 en 2020. Nous n’appliquons pas de mesure spécifique pour les personnes qui ont eu la Covid, autres que celles utilisées pour d’autres affections virales. CNP Assurances bénéficie d’une capacité de mutualisation très importante. Notre objectif est de garantir une assurabilité maximale des personnes sans appliquer de majorations de tarif ni des restrictions de garantie. Nous n’avons pas assez de recul ni de données sur les cas de Covid long pour déterminer si nous devons faire évoluer notre offre en conséquence », indique de son côté Guillaume Kuch, directeur du centre d’expertise et des relations clients emprunteurs de CNP Assurances.
Pas de position de place sur la sélection médicale
Malgré ces orientations, il n’y a pas de position de place concernant l’intégration de la Covid-19 à la sélection médicale en assurance emprunteur, car "cela relève de la politique individuelle de chacune des entreprises membres de l’association", précise pour sa part l’Apref. « Lorsqu’un réassureur a voulu intégrer une question spécifique, il s’est fait retoquer par la FFA », signale une source. « ll est vrai qu’au début de la pandémie au printemps 2020 une pression avait été mise par certains réassureurs pour imposer un questionnaire spécifique Covid, ce qui n’était pas acceptable pour Maif. Depuis lors, des échanges ont eu lieu au sein de la profession », explique la mutuelle d’assurance.
« La FFA avait fait passer un petit message pour demander aux assureurs et réassureurs de ne pas mettre de l’huile sur le feu, l’année dernière, pendant l’été. A l’époque, les assureurs subissaient une grosse pression sur les pertes d’exploitation sans dommage et la FFA avait du mal à avoir une voix commune. Elle ne souhaitait pas voir ouvrir une deuxième brèche. Tout le monde a été plutôt bon élève », commente un réassureur qui préfère rester anonyme.
Repérer les formes graves de Covid
Cependant, les emprunteurs doivent signaler dans le questionnaire médical s’ils ont été hospitalisés pendant plus de 7 jours au cours des 5 dernières années ou s’ils ont été en arrêt maladie pendant plus de 30 jours et en préciser le motif. Ils doivent également indiquer les éventuelles conséquences du virus sur leur état de santé, comme par exemple des infections pulmonaires ou l’insuffisance respiratoire. Les assureurs sont donc en mesure de repérer les personnes atteintes d’une forme grave de Covid.
Si le virus en tant que tel n’est pas très grave pour le marché de l’emprunteur - l’âge moyen des emprunteurs est de 37 ans, très en-dessous de l’âge médian des personnes hospitalisées suite à la maladie - il peut avoir des conséquences graves sur des personnes qui ont une co-morbidité par ailleurs et qui présentent un risque (indice de masse corporelle élevé, asthme modérée ou sévère, problèmes cardiaques, embolies, cancers).
« La Covid est considérée comme les autres pathologies. Si la personne n’a aucune séquelle, l’assurance restera au tarif normal. Elle peut en revanche faire l’objet d’une sur-prime ou bien d’un ajournement si son état de santé n'est pas stabilisé », indique un réassureur. Dans ce dernier cas, le réassureur demande un délai d’environ 6 mois avant de se prononcer sur l'accord de l’assurance emprunteur, en fonction de l’évolution de la pathologie.
La reprise de travail synonyme de rémission
« Quand un emprunteur présente une affection, nous essayons d’évaluer les conséquences de celle-ci sur sa mortalité et morbidité. Dans le cas particulier du Covid, quand la personne a repris le travail après avoir contracté la maladie, nous prenons en compte les séquelles. Nous pouvons éventuellement appliquer un ajournement, si une pathologie est encore en évolution. Lorsque, la pathologie est connue, nous allons appliquer nos barèmes de tarification (documenté par des études de fonds (ce que nous appelons l’evidence based rating », indique Michel Joie, directeur commercial vie et santé de Swiss Re.
« Il n’est pas surprenant que les réassureurs intègrent la Covid dans la sélection médicale, car ils sont précautionneux et qu’il s’agit d’un risque nouveau. En revanche, je serais assez étonné qu’ils le fassent dès aujourd’hui car on ne connaît pas encore les conséquences à long terme de la maladie. On n’a, selon moi, pas assez de recul et cela me semble prématuré », indique pour sa part David Echevin, CEO d’Actélior. D’autres acteurs considèrent que les patients présentant une perte de la capacité respiratoire ne vont pas la récupérer.
A date, les assureurs n’ont pas repéré d’augmentation de la sinistralité sur le décès. Selon une étude du cabinet Actélior, le taux de mortalité en assurance emprunteur a augmenté de 3% entre mars 2020 et avril 2021 par rapport aux années 2018 et 2019. L’impact reste donc modéré en France, mais avec de fortes disparités en fonction des régions. En Île-de-France et à l’Est, la hausse de la mortalité est de 13% et de 6% respectivement.
Inquiétude sur les troubles psychologiques
La principale inquiétude des réassureurs concerne le risque arrêt de travail, qui reste difficile à évaluer. Plus globalement, les réassureurs craignent les effets de la crise économique sur l’état de santé de la population : les troubles mentaux, la sédentarité, les difficultés financières, les conséquences du non-recours aux soins. « Nous sommes plus inquiets des conséquences du Covid que du Covid en lui-même, et notamment de l’impact de la récession économique sur l’emploi », indique un acteur du marché.
Les effets collatéraux de la pandémie pourraient provoquer une détérioration de l’état de santé des assurés en portefeuille. Reste donc à voir quel sera l’impact de la pandémie sur les tarifs en assurance emprunteur. Les futurs emprunteurs vont-ils payer la sur-sinistralité ?
Le rachat des franchises d’hospitalisation
Le nombre d’arrêts de travail pour des problèmes psychologiques ou burn-out est une inquiétude majeure. Aujourd’hui, certains contrats prévoient des franchises d’hospitalisation sur les maladies non objectivables comme les troubles psychologiques ou le mal de dos. Avec la pandémie, racheter ces franchises d’hospitalisation va coûter plus cher. Suite à la crise sanitaire, le rachat des franchises d’hospitalisation pourrait représenter entre 40 et 50% du coût des garanties complémentaires (incapacité et invalidité) contre 20-35% aujourd’hui. « Pendant un certain temps, les assureurs ont accepté d’absorber le coût du rachat des franchises. Avec la sinistralité qui risque d’augmenter, ils seront obligés de le répercuter sur le client, d’autant plus qu’en assurance emprunteur, il y a la règle de l’irrévocabilité des tarifs et des garanties. Les assureurs ne peuvent pas faire peser ce surcoût sur le stock. Ce sont donc les nouveaux emprunteurs qui risquent de payer plus cher », analyse un expert.
Quel impact sur les tarifs ?
Ces dernières années, les prix ont été tirés vers le bas, selon certains observateurs. « A force de creuser, on a touché le fond », considère un courtier. « Il est pourtant difficile d’augmenter les prix malgré un besoin technique, dans un contexte d’effets contraires avec des distributeurs qui demandent plus de rémunération et une concurrence très forte sur le marché », rétorque un réassureur.
Limiter les capacités sur les gros risques
Mis à part les tarifs, les premiers impactés sont les emprunteurs présentant de très gros risques et les personnes âgées. Swiss Re, par exemple, a décidé de limiter la capacité d’emprunt sur les très gros risques. Le montant octroyé sera calculé, en lien avec la politique vaccinale, en fonction de l’âge et des co-morbidités.
Réticence sur les franchises courtes
En assurance emprunteur, 90% des contrats prévoient des franchises de 90 jours sur l’arrêt de travail. « Après l’annonce gouvernementale du premier confinement, nous avons observé un nombre anormal d’emprunteurs qui ont déclaré un accident suivi d’une incapacité de travail de 60 jours. Dans cette période d’incertitude, il est cohérent d’avoir des contrats avec des franchises à 90 jours », indique un réassureur. « Nous avons observé chez les assureurs et réassureurs une réticence sur les franchises courtes de 15 jours, traditionnellement accordés aux travailleurs non-salariés », confirme Fabrice Couturier, fondateur de Digital Insure.
La position d'assureurs, réassureurs et courtiers pourrait évoluer dans les prochains mois, en fonction de l'évolution de la maladie, de ses conséquences sur la santé de la population et de la situation économique du pays.
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