Assurance emprunteur : Loi Lemoine, acte 2
Ce 1er septembre, le deuxième paquet de la loi Lemoine entre en vigueur. Il ouvre la résiliation infra-annuelle en assurance emprunteur au stock de contrats en cours.
Loi Châtel, loi Lagarde, loi Hamon, amendement Bourquin, loi Lemoine... il aura fallu 14 ans et 5 textes pour libéraliser totalement le marché de l'assurance emprunteur. Ce 1er septembre marque, ainsi, la dernière étape de ce long processus.
Le deuxième volet de la loi portée par la députée Patricia Lemoine entre en vigueur. Après la résiliation infra-annuelle ouverte aux nouvelles souscriptions depuis le 1er juin dernier, le stock de contrats en cours devient lui aussi éligible aux dispositions du texte promulgué le 1er mars dernier. Pour autant, le marché ne s'attend pas à une révolution. « Je ne suis pas certain, hélas, que cette nouvelle loi change la face du monde. A tout le moins, cela prendra beaucoup de temps, analyse Stéphane Dessirier, directeur général du groupe MACSF. Je pense qu'il y aura encore moins de bouleversements que lors de la mise en œuvre de la loi Hamon en auto et en habitation ».
Il est vrai que sur l'automobile et la MRH, la loi Hamon n'avait pas vraiment bousculé le marché, avec des rotations de portefeuilles de l'ordre de 15% chaque année. Or, en emprunteur, c'est justement la part de marché des acteurs alternatifs. Pourtant, le contexte d'inflation et les inquiétudes sur le pouvoir d'achat pourraient inciter les Français à revoir leur contrat d'assurance emprunteur pour réaliser des économies. « Je n'y crois pas vraiment, lance le président d'un groupe mutualiste. Tout d'abord parce que les banques sont tout à fait capables de bien résister à la concurrence. Ensuite parce que les chasseurs de primes utilisaient déjà les comparateurs et autres devis en ligne pour faire jouer la concurrence avant la loi Lemoine ».
"La cible Lemoine ne représente que 15% de notre activité emprunteur contre de 30 à 40% en moyenne pour le marché. Nous attendons de voir ce que vont faire les bancassureurs", affirme de son côté Eric Le Baron, directeur général délégué de Swiss Life France.
« Par ailleurs, pour les emprunteurs qui n'ont pas fait de délégation, la prime d'assurance est noyée dans le remboursement de l'emprunt prélevé sur leur compte chaque mois, abonde un autre dirigeant mutualiste. Autrement dit, le coût de l'assurance emprunteur est invisible ».
Les réassureurs ont peur
Sur l'autre volet de la loi Lemoine, à savoir la suppression du questionnaire médical pour les emprunts inférieurs à 200.000 euros, le marché tâtonne encore. « Les assureurs se regardent en chien de faïence. Y aura-t-il des tarifs pour les emprunts sous les 200.000 euros et des tarifs pour les emprunts au-dessus ? Si ce devait être le cas, ce serait une mauvaise nouvelle pour les consommateurs », indique notre président mutualiste. « Nous sommes sur un marché de bagarre, donc tout le monde s'observe », ajoute Christian Oyarbide, président de Mutlog.
Toujours est-il que les réassureurs mettent la pression aux assureurs, en raison des effets d'aubaine possibles avec cette disposition législative. « Les réassureurs ont peur et demandent aux compagnies d'augmenter les tarifs, affirme un dirigeant mutualiste. Nous allons jouer à fond la carte de la mutualisation pour tenter de gommer ces effets. Certains grands groupes mutualistes ont voulu la RIA en assurance emprunteur. Mais à quel prix ? Celui d'un marché de plus en plus consumériste aux antipodes du mutualisme ».
"Dans un premier temps, nous appliquons des augmentations tarifaires entre 10 et 30% en fonction des cibles, du fait de l'absence de sélection médicale", détaille pour sa part Eric Le Baron. La compagnie d'assurance prévoit d'ailleurs de sortir un produit dit "Lemoine", "avec un encours de mois de 200.000 euros, ce qui n'est pas notre coeur de cible".
Le flou règne donc encore sur les évolutions attendues sur ce segment de l'assurance emprunteur. La bataille de position pourrait s'avérer très longue.
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