Assurance santé individuelle : la mise en place de l'ANI lèsera certains assurés
Au risque de toujours léser les mêmes, la mise en place de l’ANI va transformer le marché de la santé individuelle, en effet le marché sera polarisé et il y aura des gagnants, mais surtout des perdants au niveau tarifaire.
L’ANI implique plusieurs changements dans le paysage de l’assurance santé, dont d'éventuelles hausse tarifaires pour une partie des Français.
Agnès Pfertzel, directrice Santé-Prévoyance et Dépendance individuelles d’AXA France explique les principaux changements que va entrainer la mise en place de l’ANI sur le marché de l’assurance individuelle, ainsi selon elle, «la mise en place de l’ANI aura plusieurs types d’impacts sur l’assurance individuelle, tout d’abord parce qu’il va s’opérer un transfert de portefeuille de l’assurance individuelle vers l’assurance collective, ce qui va faire baisser le nombre de contrats en santé individuelle. Ensuite, parce le développement de l’assurance santé individuelle sera plus axé sur des cibles pérennes, il faudra travailler à fidéliser celles-ci. Le troisième impact concerne la technique de commercialisation, les conseillers auront à s’adapter pour commercialiser les contrats en fonction de ces cibles. »
Malgré ces changements, les assureurs affirment que même s’il y a transfert de portefeuille, le marché ne sera pas plus bousculé que cela. Pour Agnès Pfertzel, le transfert de portefeuille d’un marché sur l’autre n’implique pas une remise en cause du principe de mutualisation, ainsi, « la cible pérenne reste suffisamment large pour que la masse potentielle permette de faire de la mutualisation. Il n’y aura donc pas de démutualisation du marché. Par ailleurs, il ne devrait pas y avoir sur le marché, notamment sur les très petites entreprises, d’effet de big-bang, notamment par le fait que ces entreprises devraient entrer dans le dispositif plutôt progressivement.»
Des différences tarifaires
Cependant, si on regarde le marché de plus près on constate que l’ANI retire du marché de la santé individuelle la force active, ne laissant sur le marché de l’assurance individuelle que certains profils : les retraités, les chômeurs, les étudiants, certains salariés et les fonctionnaires. Ainsi, on constate que les retraités et les chômeurs étant des populations faisant le plus appel aux soins, « le transfert de portefeuille va entrainer une augmentation du risque, car la base de mutualisation sera modifiée. La santé individuelle couvrira essentiellement, des retraités, des travailleurs non salariés, des sans activités et des étudiants », indique Nicolas Le Berrigaud, actuaire et Practice Leader Santé chez Optimind Winter.
Par ailleurs les retraités paient déjà aujourd’hui des cotisations plus élevées que le reste de la population, tout comme les chômeurs paient plus cher que les actifs. Ainsi même si les travailleurs non salariés paient des cotisations moins élevées que la moyenne, le coût moyen de l’assurance individuelle sera inévitablement revu à la hausse. Nicolas Le Berrigaud explique plus précisément, « il y aura deux marchés principaux qui connaîtront des impacts différents, n’ayant plus les actifs pour absorber les risques des retraités, les cotisations de cette population augmenteront plus rapidement que les prévisions. À l’inverse, les TNS ont de grandes chances de voir la hausse de leur cotisation ralentir, voire stagner. »
Si on parle de possibles hausses tarifaires et évolutions des prix, les assureurs comme AXA considèrent qu’il est encore trop tôt pour en tirer des conclusions. Cependant, la directrice Santé-Prévoyance et Dépendance individuelles d’AXA France indique « on ne devrait pas recourir à des hausses tarifaires spécifiques. »
En quête de "cibles pérennes"
Pour résumer, alors que le coût de l’assurance santé augmente en moyenne entre 2 et 2,5 % par an du fait de la progression des coûts de santé associés à l’inflation, les retraités verront probablement le coût de leurs cotisations augmenter plus vite la moyenne, tandis que les TNS verront les leurs stagner ou augmenter moins vite.
Malgré ce traitement différent des deux populations, auront la préférence des assureurs santé, en effet, « Les assureurs vont courtiser plus sérieusement les deux cibles pérennes : les retraités et les TNS », prévoit l'expert Santé d'Optimind Winter. « La mise en place de l’ANI va entrainer une segmentation plus fine du marché de la santé individuelle », poursuit Nicolas Le Berrigaud.
Ce que confirme Axa, « nous avons commencé à réorienter nos souscriptions : nous essayons de travailler sur des groupes homogènes et nos tarifs son en fonction de plusieurs critères, dont l’âge par exemple», déclare Agnès Pfertzel, par ailleurs AXA affirme rechercher des cibles pérennes.
Autre changement qu’implique la mise en place de l’ANI, selon l’expert d’Optimind Winter, les assureurs santé devront faire une différence entre TNS et le reste de leur cible, «demain, le marché fait que les assureurs devront faire la différence entre les travailleurs non salariés et le reste afin de leur proposer des tarifs plus avantageux. Par ailleurs, les retraités dont la masse est en constante augmentation représenteront près de 50 % du marché de la santé individuelle. »
Enfin, ceux qui souffriront le plus de la mise en place de l'ANI seront les assureurs Santé individuelle, en effet même si certains tentent de s'aventurer dans la santé collective, la perte d'une partie de leurs assurés sera difficile à absorber.
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